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Les germes d’autodestruction de Lepep sont plantés
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Les germes d’autodestruction de Lepep sont plantés
Les crises politiques se suivent mais ne se ressemblent pas. Alors que tout le monde pensait que Roshi Bhadain, fort du soutien des Jugnauth, n’allait faire qu’une bouchée de Vishnu Lutchmeenaraidoo, ce dernier prouve, ces jours-ci, qu’il est prématuré de l’enterrer trop tôt. Car son dernier mot, il ne l’a pas encore dit et il le fait savoir à qui de droit !
Jouant son va-tout, l’ancien ministre des Finances retourne, progressivement, du moins pour l’instant, la situation en sa faveur. Aujourd’hui, celui qui est le plus isolé au sein du gouvernement Lepep n’est pas Lutchmeenaraidoo. Le vieux renard, qui sait que la politique relève surtout de l’artifice et de la tactique, a déjà rallié ses camarades du cabinet à sa cause : rendre la monnaie de sa pièce à Bhadain, devenu gênant pour certains en raison de ses méthodes (dignes, nous dit-on, du «KGB») et de sa proximité avec le Premier ministre (une proximité que les autres jalousent manifestement). «Roshi aime donner l’impression qu’il travaille plus que les autres, qu’il mesure mieux que nous tous réunis les enjeux de la bonne gouvernance …», m’a expliqué un ministre qui manifestement ne porte plus Bhadain dans son coeur. J’ai voulu confirmer ce sentiment avec d’autres membres du Conseil des ministres et il est intéressant de constater que plus d’un se range davantage derrière Lutchmeenaraidoo que derrière Bhadain.
Par-delà les secousses à répétition qui agitent le microcosme Lepep, il est utile de s’attarder d’abord sur les tensions intra-MSM. À Rivière-des-Anguilles, mercredi, Lutchmeenaraidoo jubile, comme s’il avait gagné au loto. Il savoure, en fait, l’information selon laquelle le DPP ne compte pas loger de charge provisoire contre lui dans le cadre de son emprunt en euros. Ému, il remercie son épouse Suzanne et … le couple Pravind et Kobita Jugnauth pour son soutien. «Sans eux, je n’aurais pu tenir la pression de toute cette affaire.» Il ne dit pas un mot pour le Premier ministre. Mais il fait ressortir, devant Collendavelloo et Pravind Jugnauth, qu’il est dans le camp de la majorité : «La plupart de mes collègues me soutiennent».
Décodons. Pourquoi Lutchmeenaraidoo s’est-il fait fort de s’approprier le soutien de Pravind et de Kobita Jugnauth ? Il sait bien que Roshi Bhadain ne rate jamais une occasion de citer «son ami, son leader» Pravind Jugnauth. Voulait-il le provoquer ?
La réponse se niche dans une nouvelle configuration qui se dessine. Il existerait aujourd’hui, au sein du gouvernement, au moins deux camps : le premier serait composé du Premier ministre, de Roshi Bhadain et de Showkutally Soodhun, entre autres. Le second, moins vocal, comprendrait Vishnu Lutchmeenaraidoo et la plupart des ministres du MSM et des partenaires de l’alliance qui se regrouperaient derrière Pravind Jugnauth. Bien évidemment, «on record», personne au sein du MSM ou de Lepep ne viendrait accréditer notre hypothèse car il s’agit d’afficher, envers et contre tous, une cohésion, ne serait-ce que de façade. Mais dans les coulisses, «en off», les langues se délient. Et puis il y a des précautions à prendre pour les ministres : 1) il ne faut pas fâcher SAJ, mais en même temps il faut se préparer à l’après-SAJ ; 2) il ne faut pas négliger Pravind Jugnauth qui tient les rênes du principal parti de la majorité gouvernementale et qui reviendra en force s’il gagne son appel dans l’affaire MedPoint ; 3) si Pravind Jugnauth perd son procès, il pourrait démissionner comme député au nº 8 et briguer une partielle pour avoir un mandat populaire, en attendant que les Law Lords tranchent…
Deux déclarations publiques viennent conforter nos dires. D’abord quand Lutchmeenaraidoo dit : «Je ne laisserai personne toucher à ma réputation quel que soit son niveau hiérarchique», n’est-il pas clair qu’il s’adresse surtout à sir Anerood Jugnauth – qui l’a démenti publiquement dans un communiqué du PMO (dans un objectif de soutenir Bhadain et de rétablir «leur vérité») ? Et puis il y avait cette déclaration «out of the blue» de SAJ : «Personn na pa pou kapav bouz mwa!». Faisait-il allusion aux tentatives de le bouger de son trône dans le sillage du retour de Pravind (qui ne souhaiterait pas nécessairement les Finances, un ministère où il aura à prendre des décisions impopulaires) ? En tout cas, au Parlement mardi dernier, Paul Bérenger a glissé une question (qui n’a pas été entendue par tous) au Premier ministre pour savoir s’il subissait des pressions pour «step down», mais celui-ci n’a dit ni oui ni non...
On ne sait pas encore quand et si l’alliance Lepep va imploser – le jugement dans l’affaire MedPoint sera déterminant – mais l’on peut avancer que les germes d’autodestruction sont désormais plantés. La décision du cabinet hier de demander au ministère de la Bonne gouvernance d’enquêter sur BPML, dont le CEO n’est autre que Koomaren Chetty (colistier de Bhadain au n° 18), vient compliquer les choses au MSM...
À la base de l’attitude sournoisement hostile de certains à l’égard d’un Bhadain imperturbable, on peut mesurer la pleine conscience de cette fatalité politique. Mais outre Lutchmeenaraidoo – et maintenant Collendavelloo, qui ne vise pas que Jahangeer puisqu’il menace «enn dé trwa parmi nou mem»… – personne ne veut porter la responsabilité de précipiter une rupture qui s’annonce, valeur du jour, inéluctable.
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