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Signaux contradictoires
À une douzaine de jours du grand oral du Premier ministre et ministre des Finances sir Anerood Jugnauth, l’attente est grande au sein de la population, et chez les opérateurs économiques dont le moral est loin d’être au beau fixe. Le moral est en effet au plus bas face à une cacophonie au sommet de l’État. Le public, qui après avoir fondé tous ses espoirs sur l’alliance Lepep, suivant des années de règne sans partage de Navin Ramgoolam, est aujourd’hui désabusé.
Le tandem Jugnauth-Lutchmeenaraidoo avait fait rêver les Mauriciens, dans l’euphorie de la victoire du 10 décembre 2014. Avec, à la clé, des promesses d’une île Maurice meilleure renouant avec le miracle économique et une gouvernance différente. Or, le ver était déjà dans le fruit. La population n’a pas eu à attendre longtemps pour vivre les premières secousses.
À peine quinze mois après l’arrivée du gouvernement Lepep, ce tandem de choc a volé en éclats, chacun entrant dans un «blame game» à distance, qui a fragilisé et fragilise encore l’édifice gouvernemental. Entre-temps, le magicien de l’économie, évitant de justesse une révocation, a dû évacuer le Trésor public pour la diplomatie mauricienne. Mais la confiance entre les deux rescapés du gouvernement de 1983 est déjà rompue et ils se regardent désormais en chiens de faïence. Rien, à l’avenir, ne semble démontrer qu’ils reviendront chacun à de meilleurs sentiments.
Reste que le spectacle est loin d’être terminé. Incapable d’imposer une discipline à ses troupes, le Premier ministre essaie de colmater maladroitement les brèches, mais la vérité, c’est qu’il a créé de petits monstres qui deviennent de plus en plus difficiles à gérer. À l’instar de Roshi Bhadain dont personne ne conteste la capacité de travail – notamment dans la gestion de l’affaire BAI – même si le style faisait débat. Mais reconnaissons-le : le ministre des Services financiers ne rend pas service à cette industrie. Il a instauré un climat de frayeur et personne n’ose plus s’exprimer ouvertement.
L’exemple le plus frappant reste la révision du traité fiscal entre Maurice et l’Inde. La majorité des opérateurs du Global Business savent pertinemment bien que le dossier a été mal géré du début à la fin. Notamment en cédant sur les deux principales clauses de ce traité, celles portant sur la taxe sur les plus-values et sur l’exonération de la taxe sur les intérêts bancaires des banques opérant dans le secteur offshore. Soit les deux principaux éléments qui ont fait le succès du Global Business à Maurice.
Or, il n’a échappé à personne qu’hormis Rama Sithanen et dans une certaine mesure Kamal Hawabhay, il n’y a pas eu d’autres opérateurs qui ont osé croiser le fer avec le ministre des Services financiers sur ce sujet. Et Dieu sait combien de responsables de Management Companies travaillant directement avec l’Inde n’arrivent pas à trouver le sommeil depuis l’annonce, par Roshi Bhadain, des nouveaux amendements fiscaux apportés au «Double Taxation Avoidance Agreement» (DTAA).
Il est surprenant que le seul membre du gouvernement qui soit venu à la rescousse du ministre Bhadain n’est autre que le Premier ministre lui-même. Ce dernier se flatte du «best deal» qu’il a pu négocier auprès du gouvernement de Modi. Or, il n’y a pas de «best deal» qui tienne, car le ministre des Services financiers n’est revenu qu’avec des miettes, les autorités indiennes ayant arraché ce qu’elles ont toujours souhaité, soit les «taxing rights» sur les investissements indiens transitant par l’offshore mauricien.
SAJ doit savoir qu’il existe à la tête de l’Inde un businessman qui ne croit pas en la notion de «Big Brother» ou de «Small Brother». L’Inde ambitionne de prendre la place de la Chine qui est actuellement la deuxième puissance économique mondiale. Dans cette perspective, Modi multiplie ses rencontres avec les puissants de ce monde pour asseoir son influence. Finies les relations bilatérales basées sur des intérêts culturels et historiques. Nous vivons à l’ère multilatérale, soit celle des géants économiques mondiaux .
Et quid du projet de métro léger qui revient sur le tapis à la faveur de la «compensation» indienne visant à dédommager le pays pour le manque à gagner que les nouveaux amendements au traité fiscal ne manqueront pas d’occasionner? Mis au placard par l’alliance Lepep à la fin de 2014, le dossier est dépoussiéré avec la rapidité de l’éclair, au grand dam de la population, des forces vives du pays ou encore des opérateurs. Et on recommencera probablement l’exercice à coups de milliards de roupies passées aux contribuables.
Autant de maladresses et de signaux contradictoires qui déroutent les investisseurs étrangers, les industriels locaux et tous les «Mam» qui ne comprennent pas comment le bateau, à peine sorti du quai, tangue déjà, bien avant de franchir l’horizon...
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