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L’ultime palier

8 juin 2016, 08:07

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Pravind Jugnauth n’a pas droit à l’erreur. Il doit réussir comme ministre des Finances pour pouvoir emprunter les marches du Bâtiment du Trésor si le moment devait, un jour, venir. Une lourde responsabilité qu’il mesure bien au moment où il s’apprête à présenter son quatrième Budget vers la mi-juillet.

Certes, Pravind Jugnauth n’est pas né de la dernière pluie. Il a une expérience ministérielle qui le conforte dans son nouveau rôle suivant son récent acquittement dans l’affaire MedPoint. S’il a repoussé l’échéance budgétaire de plus d’un mois, c’est avant tout pour avoir plus de temps pour s’engager dans les nouvelles consultations avec les partenaires économiques et sociaux du pays. Mais le plus important, c’est de pouvoir donner, impérativement, sa touche personnelle aux mesures phares sur lesquelles il compte s’appuyer pour marquer son retour au sein du gouvernement de l’alliance Lepep.

Son dernier passage au ministère des Finances en 2010, dans une alliance PTR-MSM-PMSD, a permis à la population et à la communauté des affaires de découvrir un ministre résolument engagé sur le terrain social. Une manière de se démarquer de son prédécesseur de l’époque, Rama Sithanen. Ce dernier s’était, lui, employé à réformer profondément les structures économiques du pays avec des mesures fiscales révolutionnaires comme l’Income Tax ou encore la Corporate Tax ramenée à un taux uniforme de 15 %. D’ailleurs, Rama Sithanen était décrié par les syndicats à l’époque comme le valet de la Banque mondiale et du FMI.

Le Budget que Pravind Jugnauth avait présenté le 19 novembre 2010 se voulait être une rupture des mesures, dites «impopulaires», prises par Rama Sithanen. À savoir, le rétablissement des 4X4 hors taxes pour les planteurs, l’abolition de la taxe résidentielle et la suppression des prélèvements sur les intérêts bancaires. Soit des mesures fortement populaires qui s’adressaient alors à une clientèle politique.

Est-ce que Pravind Jugnauth est dans la même logique politicienne ? Même s’il n’avoue pas ouvertement qu’il a les yeux rivés sur l’après-SAJ, il ne peut y rester insensible. D’autant plus que cela, depuis l’Indépendance, le ministère des Finances peut s’avérer comme une passerelle pour le Prime Minister’s Office.

La décision du leader du MSM de constituer une nouvelle équipe de conseillers avec des économistes attitrés, des apparatchiks du parti et des anciens ministres des Finances comme Vishnu Lutchmeenaraidoo, s’inscrit forcément dans cette logique. Dès lors, il reviendra au leader du MSM et à son équipe de faire preuve d’imagination et de forces créatrices pour présenter un Budget audacieux qui contiendrait des mesures innovatrices et populaires susceptibles de donner un nouveau souffle à l’économie du pays et un meilleur moral pour le public. Soit du «feel-good factor» aux hommes d’affaires et aux investisseurs et des lendemains meilleurs à une population sans doute désillusionnée face à des maladresses et autres scandales politiques du gouvernement actuel. Ce qui rappelle étrangement à l’ancien régime.

Certes, sa marge de manoeuvre n’est pas grande. Il aura à jouer sur plusieurs claviers, dont ceux de la fiscalité et du monétaire pour relancer la croissance. Celle-ci est restée historiquement basse, moins de 4 % depuis les cinq dernières années. Pour dépasser la barre de 5 %, il va falloir attirer des investissements en milliards de roupies, ce qui est loin d’être une tâche facile dans un contexte économique international difficile où les FDI arrivent au compte-gouttes dans le pays. Le traité fiscal qui vient d’être révisé ne risque pas d’arrager les choses.

Un pari certainement difficile pour Pravind Jugnauth. Mais nécessaire pour le propulser vers l’ultime palier de sa carrière politique.