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L'exitation comme modèle de société ?
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L'exitation comme modèle de société ?
Ce vote de jeudi en Grande-Bretagne, même s’il est ancré sur un bulletin de vote qui posait une question toute directe et simple, a été, à n’en point douter, influencé par bien plus qu’un paramètre.
Entre ceux qui étaient obnubilés par la question de l’émigration et ceux qui s’insurgeaient contre les «experts» de tout poil, entre ceux qui pensent que la Grande-Bretagne va effectivement récupérer 350 millions de livres sterling par semaine après le Brexit et ceux qui accordaient du crédit à la théorie de l’érosion de la souveraineté nationale en faveur de celle de Bruxelles ; la campagne du Brexit a mordu. De manière inégale certes (Londres, l’Irlande du Nord et l’Écosse votant à l’opposé du pays de Galles et de l’Angleterre non londonienne), mais elle a tout de même convaincu 52 % des Britanniques à mettre un terme à leur aventure européenne. Contre l’avis personnel de 75 % des parlementaires à Westminster ! Les partisans du Brexit pensent même qu’ils pourront continuer à commercer et collaborer avec l’Europe sans trop de casse, parce que l’on a «besoin» d’eux ! Ils poussent même le bouchon en suggérant qu’un accord commercial est possible «based on free trade».
Allons bon !
Si c’est vraiment possible, existe-t-il une seule raison pour laquelle les 27 pays européens qui restent ne doivent pas, eux aussi, partir et récuser Bruxelles ?
Oui évidemment, il y a la raison économique, mais elle n’aura pas assez convaincu. Je voyais la semaine dernière un fermier du Yorkshire, je crois que son nom était Paul, producteur de céréales et viande de porc, dont 40 % des revenus annuels provenaient de Bruxelles. Vous auriez cru que… ? Vous auriez tort ! Ce gentil garçon et sa famille s’apprêtaient à voter pour le Brexit parce que la paperasserie à remplir trois fois par an (le dossier était certes épais et paraissait encombrant) l’exaspérait et qu’il ne voyait pas pourquoi Bruxelles contraignait tant sa vie ! Son voeu sera bientôt exaucé, maintenant : il n’aura pas de formulaire à remplir pour l’UE… L’argent économisé à Bruxelles servira-t-il à le subventionner de Londres plutôt ? Avec moins de bureaucratie ? Ou est-ce que le consommateur lui paiera plus pour ses produits, désormais protégé qu’il sera derrière des barrières tarifaires contre les productions subventionnées européennes ? On va le savoir dans quelque temps…
Le problème de la campagne «Remain» a souvent été qu’alors qu’elle se débattait à expliquer les menaces et les coûts potentiels d’un retrait, la campagne Brexit, elle, mordait allègrement dans les compromis et les exaspérations tangibles qui existaient déjà : la souveraineté est évidemment réduite quand on est dans un club de 28 membres, même si la Grande-Bretagne est la 5e économie mondiale ; la bureaucratie bruxelloise a déjà produit de nombreux exemples pratiques de sa démence particulière ; les images de migrants déferlant sur l’Europe et campant (Schengen permettant) juste de l’autre côté de la Manche ont certes effrayé ceux qui, (souvent vieux, trop souvent pas universitaires) préféreraient rester «entre eux-mêmes». L’émotion à grande dose. La réflexion à petite dose.
«LE PROJET EUROPÉEN ÉTAIT UN EFFORT DÉLIBÉRÉ POUR JETER DES PONTS ENTRE LES NATIONS EUROPÉENNES POUR PRÉVENIR LES GUERRES ENSANGLANTÉES DES SIÈCLES PASSÉS. ET LES ANGLAIS, SURTOUT LES VIEUX ANGLAIS, POURTANT PLUS PROCHES DES HORREURS D’HITLER ET DE MUSSOLINI, ONT CRACHÉ DESSUS.»
Ce qui est dévastateur, bien audelà du ci-dessus, de l’effondrement de la livre sterling et des risques pour la City, c’est de constater combien le vote Brexit remet en question les tentatives plus récentes de l’humanité de s’affranchir de l’État-nation, de moins parcelliser les États, de les fédérer ou de les rassembler quand possible. Le projet européen était, à cet effet, un effort délibéré pour jeter des ponts entre les nations européennes pour prévenir les guerres ensanglantées des siècles passés. C’était une formidable avancée ! Et les Anglais, surtout les vieux Anglais, pourtant plus proches des horreurs d’Hitler et de Mussolini, ont craché dessus. De leur côté, les Écossais soulignent déjà que leur vote, ce jeudi, était pour le «BRemain» et qu’ils demanderont donc, à nouveau, un vote pour leur indépendance. L’Irlande du Nord, ayant aussi voté pour le maintien dans l’Europe, réfléchit à la possibilité de rejoindre la République d’Irlande, au sud. Il ne reste plus qu’à Londres à demander son indépendance ! Et si cette tendance «nationaliste» arrivait à s’enraciner ou progresser ailleurs, pourquoi pas le divorce de Castille et d’Aragon dans le sillage de l’indépendance de la Catalogne ? Ou Marine Lepen comtesse d’Anjou ? Et Nigel Farange roi des Angles ? Où nous mèneront les égoïsmes de la Flandre face à la Wallonie et ceux de l’Italie du Nord industrielle qui n’aspire plus à être le grand frère du Mezzogiorno moins développé ? Les fissures contradictoires sont nombreuses, surtout dans les milieux non favorisés, sans diplômes et donc sans grands moyens de participer à la bombance européenne. Surtout chez ceux qui sentent qu’ils sont «victimes». Ils ressemblent d’ailleurs au profil des partisans du Donald aux USA. En France (avec seulement 38 % de perception favorable de l’Union européenne) on qualifie Bruxelles d’«ultra libérale» alors que les Anglais, regardant la même organisation, y trouvent beaucoup trop de «red tape»… C’est avec tout ça, et en l’absence de rationalité agissante, que l’on construit ce que l’on peut désormais appeler, de l’Exitation !
Dans tous ces cas, on s’excite sur des questions de culture et de tribalisme face aux «étrangers», invariablement pour des questions d’argent aussi, on veut sortir, s’isoler, faisant fi des ponts jetés, des fraternités opérantes, de méritocratie, de l’avis d’«experts» trop distants ou trop riches (ou qui se trompent trop souvent), des portes et des fenêtres ouvertes, du désir des jeunes de construire un avenir ne ressemblant pas à celui de leurs vieux schnocks…
L’effet du Brexit sur notre beau pays ? On s’en balance aussi pour le moment. Malgré l’enterrement prononcé jeudi. Nous sommes trop occupés à gérer nos tribalismes à nous…
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