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KGB et pouvoirs économiques
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KGB et pouvoirs économiques
Vendredi 29 juillet, Pravind Jugnauth alloue, dans son budget, Rs 2.7 milliards pour le démarrage des travaux pour Heritage City. Quatre jours plus tard, mardi 2 août, il dépêche son Senior Advisor Gérard Sanspeur à une mission « tu casses tout » au board d’Heritage City Ltd. Vendredi 5 août, le projet est gelé (il faudrait être vraiment dupe pour croire que Roshi Bhadain se soit basé sur un rapport non daté, non signé, et dont l’auteur a été usurpé - rapport qu’il dénigre lui-même – pour qu’il aille lui-même de son propre chef demander l’annulation du projet qui est son dada et sa fierté personnelle).
La décision d’abandonner le projet Heritage City semble bien être celle de Pravind Jugnauth ! « Gérard Sanspeur n’est qu’un conseiller, les décisions c’est moi qui les prends, » a-t-il lui-même concédé dimanche en jurant que tout ce qu’a fait Sanspeur sans crainte, c’était avec sa bénédiction. Voici un autre élément fait de Pravind Jugnauth le « prime suspect » du thriller « who killed Heritage » : sans lui au conseil des ministres, du 9 octobre 2015, du 18 décembre 2015, et du 2 mars 2016 (trouvé coupable dans l’affaire MedPoint il n’était pas ministre), Heritage City avançait à grandes enjambées. Même le choix de Stree Consulting, ce qui aujourd’hui est une des sois disant interrogations principales de Gérard Sanspeur, donc de Pravind Jugnauth, a passé le test du conseil des ministres le 2 mars 2016. Avec lui au conseil des ministres du 5 août, le projet est annulé !
Que s’est-il passé pour que le ministre des Finances « dévire » ce qui a été lu, étudié, décidé et approuvé par le gouvernement Lepep lors d’au moins trois réunions du conseil des ministres, d’une demi-douzaine de réunions du High Powered Committee où siègent entre autres le Secrectary to Cabinet, le Financial Secretary et le Sollictor General, et la dizaine d’autres du Steering Committee composé de ‘Chief Executives’ et de ‘Permanent Secretaries’ de divers ministères ?
Que s’est-il passé en quatre jours, pour que Pravind Jugnauth accepte que l’Etat perde à jamais l’argent déjà investi à payer les consultants de Stree Consulting (ils ont été payés Rs 30 millions, soit 20% des $4.3 millions qui leur est dû pour les components un et deux qu’ils ont déjà soumis et les 80% restants doivent être payés dans trois semaines) ? Que s’est-il passé en quatre jours pour que Pravind Jugnauth accepte d’être la risée de tout le pays et entrer ainsi dans l’histoire comme le premier ministre des finances à qui quatre jours seulement ont suffi pour rayer de son budget un item où figuraient Rs 2.7 milliards et un apport de 0.3% à la croissance selon une étude d’un important banquier ? Hilarant, certes, mais surtout inquiétant. Inquiétant parce que si « cutting down Badhain to size » était son seul objectif, c’est que nous avons affaire à un homme qui peut se permettre de jeter Rs 30 millions par la fenêtre pour arriver à ses fins politiques. A moins qu’il y ait eu une autre raison, un autre lobby : le lobby économique.
Il est difficile aujourd’hui de trouver un interlocuteur qui accepte d’autopsier méticuleusement et objectivement (sans le préjugé politico-politique) le cadavre de l’embryon Heritage City. Il faut aller complètement à gauche. Celui qui est suffisamment gos (marginal en kreol) pour le faire, c’est Ashok Subron de Rezistans ek Alternativ. Son analyse : « Il est important de dissocier la validité du projet de ce qui a poussé Pravind Jugnauth à le guillotiner. A mon avis, le projet d’une assemblée nationale construite avec du financement étranger, aurait porté atteinte à notre orgueil mauricien. J’étais contre. Cela dit, c’est la première fois que l’état s’embarque dans un projet immobilier d’une telle ampleur. L’immobilier et le foncier sont les principaux axes de développement depuis plusieurs années et c’est certain, il attire beaucoup de vested interests. La chronologie des événements, et les efforts que le gouvernement y a consentis pour finalement aboutir à une annulation subite du projet, fait que cette question est devenue centrale : where does power lie ? Y a-t-il d’autres centres de pouvoir ? Le Board of Investment est-il devenu un nouveau centre de pouvoir d’autant que le même budget lui octroyait des pouvoirs supplémentaires qui font de lui, un état parallèle ? »
Mais nous, nous préférons nous cantonner aux « fugaces » exposés politiques et se réjouir ou se désoler que « Pravind a eu la tête de Bhadain ». De toute façon, le pouvoir économique sur la prise de décisions politiques a toujours été notre plus grand déni même si nous avons tous vu que la plus grosse saisie d’argent en liquide de l’histoire a été réalisée chez un ex Premier ministre qui venait d’être botté hors du pouvoir et que son explication c’est « donasyon pou kanpayn elektoral. »
Dans sa conférence de presse tenue pour les funérailles de son projet vendredi, Roshi Bhadain a effleuré le sujet. « Byensir ki Heritage City ti éna bann konkiran ékonomik. Ou koir ki tou opératér immobiliers kontan ki gouvernman vinn propryétair so bann biro ek vann appartements ek lakaz pli bon marsé ki zot ? Mo pou gété si Hermès Smart City ki akoté ar Heritage pou gayn so letter of intent avék BOI ki missié Sanspeur prézidé,» a-t-il dit. « Nous n’avons pas pris connaissance de la déclaration où Roshi Bhadain parle de notre projet » nous a simplement répondu un des promoteurs de Hermès Smart City. La piste Hermès tient-elle la route ou est-ce juste un bluff et un brouillage de pistes à la Bhadain?
Moins flou, c’est l’effort que consentait Roshi Badhain pour avoir l’air innocent au moment de dire qu’il « ne connaît pas les motivations de Sanspeur » donc celles de Pravind Jugnauth. Mais innocence et Roshi Badhain font deux. Le bureau du KGB est sans doute déjà en marche pour comprendre ce qui s’est passé... s’il ne l’a pas déjà découvert.
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