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Remboursez Mam !
À voir la liste des affaires qui s’allonge, on ne le dirait peut-être pas, mais c’est la toute première fois que le pays se voit doté d’un ministère de la Bonne gouvernance !
Rappelons que la mission de ce nouveau ministère, confié à Roshi Bhadain, est la suivante (c’est nous qui soulignons les mots-clés) : «To provide guidance and support for the enforcement of good governance, promotion of financial services and reengineering of public sector bodies to eradicate fraud, corruption, malpractices and irregularities in all aspects of public life and restore the national values of the country».
Cependant, le destin est aussi changeant que la peau du caméléon, nous dit un proverbe togolais. Ce n’est, en effet, pas la première fois que nous subissons un gouvernement qui traîne autant de casseroles, les unes plus scandaleuses que les autres. Ce qui choque le plus avec Lepep ce n’est pas tant le fait que cette alliance ne respecte pas ses promesses de nettoyage et de transparence (contenues joliment dans son manifeste électoral, au titre jusqu’ici mensonger : «gouverner pour le peuple, avec le peuple»), mais c’est surtout la rapidité avec laquelle Lepep enchaîne les affaires qui nous donne le tournis.
En un an et demi au pouvoir, Lepep a redonné au régime Ramgoolam – et à ce dernier surtout – un regain de relative respectabilité (les deux régimes se valent à bien des égards). Il suffit d’aller dans l’un des meetings du PTr pour se rendre compte que des dizaines de «Mams» désabusés viennent aujourd’hui applaudir Ramgoolam. Bien sûr, c’est encore anecdotique et ils ne sont que quelques dizaines, mais hier ce n’était même pas imaginable que des «Mams» puissent (re)virer au rouge…
Dans le fracas des scandales qui dominent nos actualités, l’affaire Trilochun peut – paradoxalement – apporter du bon, sous la forme d’un sursaut. Se remettant difficilement des funérailles de son méga-projet Heritage City, devenu le symbole d’une mauvaise gouvernance et d’un manque de transparence de ce gouvernement, Roshi Bhadain veut replacer la Bonne gouvernance au centre des débats citoyens. On peut difficilement lui en vouloir puisqu’il n’est jamais trop tard pour (tenter de) bien faire, dit-on. Alors que les autres ministres évitent – «on record» – de parler de l’avocat-beau-frère (par solidarité, sans doute, avec Nando Bodha ?), monsieur Bonne gouvernance, lui, rebondissant sur le «choc» de SAJ, annonce, pour aujourd’hui, le démarrage d’une enquête pour établir les faits autour de la troublante facture des Rs 19 millions. Dans une déclaration à l’express, Bhadain avance que «les résultats de l’enquête (NdlR : sur Kailash Trilochun) seront présentés au Conseil des ministres afin qu’une décision soit prise».
À voir les réactions révoltées au sein du public en général, et parmi les avocats et les partisans de Lepep en particulier, Trilochun est devenu une épine plantée dans le pied du gouvernement. Pour avancer, celui-ci doit rassurer le public que le virus Trilochun ne s’est pas propagé parmi tout le cheptel ministériel. Dans cette optique, l’enquête sur la facture des Rs 19 millions doit prioritairement s’intéresser au board de l’ICTA afin d’établir par qui et pourquoi ce paiement abusif a été autorisé. Elle doit aussi chercher à établir s’il y a eu des pressions exercées sur le board pour que Trilochun puisse toucher sa cagnotte. Si oui, par qui et par quels moyens ?
Sur le plan politique, Roshi Bhadain doit démontrer que tout n’est pas perdu pour Lepep et, partant, pour sa propre carrière comme politicien post-Heritage City. À ce titre, on verra bien si l’enquête de son ministère de la Bonne gouvernance pourra, comme le réclament beaucoup de partisans de Lepep sur les réseaux sociaux, amener Trilochun à «rembourser Mam» ! Car au-delà des principes de Bonne gouvernance et du code d’éthique pour politiciens, ce sont nos sous qui se sont retrouvés dans les poches de Trilochun, véritable Michael Phelps en termes de contrats au sein des «public sector bodies». Et ce gouvernement qui vient de présenter son deuxième Budget devrait savoir qu’on a nettement mieux à faire, sur le plan social notamment, que d’engraisser le beau-frère de Nando Bodha.
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