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24 août 2016, 15:06

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Pravind Jugnauth n’a pas le choix. Même s’il est parvenu à obtenir – le Premier ministre en est aussi agréablement surpris – du leader de l’Opposition la mention «intéressante» pour son Budget, ce serait risqué de sa part de se contenter de peu. Car, une dégradation de la situation économique pourrait contribuer à fragiliser la stabilité gouvernementale ou encore miner son accession au poste de Premier ministre. 

Pour mettre toutes les chances de son côté, diverses options s’offrent au leader du MSM. La plus discutée actuellement dans les milieux politiques est le dégel des relations avec le MMM. Les rumeurs sont telles que même le Premier ministre adjoint, Xavier-Luc Duval, s’est senti obligé d’évoquer la question avec son partenaire. Des discussions qui semblent l’avoir rassuré. Du moins, c’est ce qu’il a laissé entendre lors d’une déclaration à la presse.

Toutefois, si les spéculations concernant un rapprochement entre le MSM de Pravind Jug-nauth et le MMM se confirment, celui-là n’aura pas trop à se préoccuper de l’Opposition. Navin Ramgoolam étant, lui, occupé par ses casseroles judiciaires. En revanche, le chef de parti aura à se méfier des kamikazes politiques de son propre camp. Ceux-ci continueront à lui donner du fil à retordre, à moins qu’il décide de prendre le taureau par les cornes et d’en finir avec cette corrida. Au pire, il y aura quelques éclaboussures mais comme on le sait, en politique, tout finit par s’arranger, surtout lorsqu’on est en contrôle du levier de pouvoir, n’est-ce pas ?

Plus que jamais, le pays a besoin d’un répit afin de se concentrer sur la priorité du moment : la relance économique. Encore plus maintenant que des engagements ont été pris et des objectifs fixés – une croissance de 4,1 % d’ici à fin juin 2017 – dans le dernier Budget.

Ayant pris conscience de cette impérieuse nécessité, le ministre des Finances cherche à se donner les moyens de «deliver». Telle est l’ambition affichée avec le comité interministériel placé sous sa présidence pour suivre la mise en application des mesures budgétaires avec le soutien de trois Task forces. L’armada déployée est à la mesure de l’agenda : elimination of bottlenecks, enhanced service delivery of the public sector, and faster realisation of projects. N’empêche, la tâche ne sera pas de tout repos. Ceux qui l’ont précédé au Trésor public en ont fait l’amère expérience malgré le fait qu’à l’époque, des comités de suivi veillaient également au grain. 

Malheureusement pour Pravind Jugnauth mais heureusement pour le pays, la situation lui impose de se distinguer. Faute d’un mandat populaire pour devenir Premier ministre, c’est la seule façon de convaincre l’opinion de ses compétences. Cela ne devrait pas être très ardu dans la mesure où le titulaire a déjà actionné le pilotage automatique de Mauritius Incorporated comme en attestent bon nombre d’événements depuis plusieurs mois. Le plus récent est, bien
évidemment, la plainte logée par le ministre des Services financiers contre le conseiller de son leader dans l’affaire Heritage City. Cette posture d’effacement est du pain béni pour le fils car il lui permet de tisser sa toile et d’établir, voire de rétablir son autorité sur une troupe qui a avancé en ordre dispersé jusqu’ici.

Il a déjà commencé en coupant les ailes aux pigeons voyageurs, arguant qu’il faudra
réduire les dépenses publiques. C’est un bon début, toutefois, le plus important ce n’est pas de commencer, mais de finir le travail. Rien de plus compliqué pour ceux qui exercent le pouvoir. Ainsi, pour le soutenir dans ce vaste chantier, Pravind Jugnauth compte beaucoup sur son principal conseiller. Toutes proportions gardées, il semble avoir trouvé en Gérard Sanspeur son Michael Barber. Celui-ci a été le bras droit de Tony Blair du temps où il officiait comme Premier ministre de l’Angleterre. À ce titre, sir Michael Barber était responsable de veiller à la mise en œuvre des projets prioritaires de son patron. Un rôle qu’il assuma avec brio à la tête de la Delivery Unit au 10, Downing Street, de 2001 à 2005.

Son livre Instruction to Deliver devrait être une source d’ins-piration pour le Prime minister in waiting. Barber y décrit aussi les défauts de l’ancien chef du gouvernement britannique, notamment celui de nommer les gens par affinités et loyauté politique. Une pratique qui a cours chez nous en dépit des conséquences désastreuses reconnues d’ailleurs par les politiciens eux-mêmes, surtout lorsqu’ils font la traversée du désert. Mais, une fois aux affaires, c’est une autre paire de manches. Ils sont les premiers à renouer avec les mauvaises habitudes de leurs prédécesseurs. La preuve avec le présent régime.  

Or, il ne suffit pas de se proclamer différent sur une caisse de savon pour faire la différence. Il est nécessaire d’en faire la démonstration. C’est ce que la population attend. C’est aussi l’engagement solennel pris en décembre 2014 par l’alliance Lepep en bottant Navin Ramgoolam du pouvoir. Selon Simone de Beauvoir, le présent n’est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l’action. La balle est dans le camp de Pravind Jugnauth !