S’il fallait une preuve supplémentaire du rôle de quasi-spectateur d’un Premier ministre qui ne contrôle plus rien, la déclaration («Mo ti fini dir bizin fou li deor partou») sur les honoraires de Trilochun en est l’illustration. L’on apprend donc de la bouche du chef du gouvernement que malgré sa demande à l’ICTA de ne pas engager l’avocat qui réclamait alors Rs 12 millions pour représenter ce corps paraétatique, sa parole n’a pas été prise en compte.

Non seulement, le conseil de SAJ a été ignoré, ce qui confirme le peu de cas qu’on fait du Premier ministre, mais voilà que les Rs 12 millions, une somme suffisamment déraisonnable pour choquer les citoyens, se sont vues grossir de Rs 7 millions supplémentaires. Résultat : Trilochun qui réclamait Rs 12 millions en obtiendra Rs 19 millions. Avec de nouvelles conditions dont les 400 dollars de l’heure approuvés. Incroyable ! Plus incroyable encore quand l’on apprend qu’il y avait une résolution du conseil d’administration de se passer des services de celui devenu, depuis peu, l’avocat le plus impopulaire de Maurice, mais qu’un revirement de situation a favorisé sa réembauche.

Que s’est-il donc passé entre la première décision et la deuxième ? Y a-t-il eu, comme l’affirme Trilochun lui-même, un high level meeting pour plaider en sa faveur et le réinstaller au poste de conseiller légal de l’ICTA ? Est-ce qu’il est vrai que deux seniors ministers ont assisté à cette réunion ? Si tel est le cas, pour quelles raisons ceux-là ont balayé la mise en garde du Premier ministre et, pire, ont accepté les nouvelles conditions de 400 dollars/heure?

Cette affaire qui, au départ, ressemblait à l’histoire classique d’un petit copain faisant son entrée au MSM en juin 2014, et dont le pouvoir a découvert la grande compétence pour l’engager par la suite comme conseiller légal dans plusieurs corps paraétatiques : Road Development Authority, Mauritius Shipping Corporation, FIU, ICTA, —, sans compter qu’il était également l’avocat du commissaire de police —, prend aujourd’hui des allures de politico-faits divers tant il comporte un nombre d’épisodes qui tantôt troublent, tantôt frisent le burlesque.

Que n’a-t-on pas vu dans ce feuilleton? Le nom de Trilochun qui était déjà au centre de la polémique mentionnée dans l’affaire de l’agression du directeur de l’ICTA ; des suspects qui, après avoir nié leur implication, témoignent toutefois de leur proximité avec l’avocat, ce qui donne une idée de l’entourage de certains hommes de loi ; une défense assurée par un Valayden qui, hier encore, réclamait une commission d’enquête sur les honoraires de Trilochun et qui aujourd’hui crie au complot contre le même avocat. Valayden a aussi fait une demande pour qu’à sa descente d’avion, l’homme de loi puisse bénéficier d’une heure pour se doucher, rencontrer sa famille, etc.

Tant qu’il y est, l’on se demande pourquoi il ne réclame pas le tapis rouge et le champagne pour ce client qui, on ne sait pour quelle raison, devrait bénéficier d’un traitement de faveur. Choquant comme dirait le Premier ministre ! D’autant qu’attendu depuis quelques jours au pays, Trilochun ne revient qu’une semaine plus tard, n’ayant pas été en mesure de trouver un avion entre Durban et Maurice, alors que l’express de mardi a publié la liste des vols sur lesquels il y avait de la place. S’il voulait jeter le soupçon et gagner du temps, il n’aurait pas fait mieux.

Et ce n’est pas fini. Comme s’il n’y avait pas assez d’ingrédients dans cette saga sans fin, voilà que la coïncidence s’y est mise à travers un vol au domicile de Valayden. Et l’intrigue continue à tenir en haleine : des chiens chloroformés, des malfaiteurs qui passent quatre heures dans la maison, triant les documents pour finir par emporter ceux sur l’affaire Trilochun, et un Valayden hurlant à un cambriolage commandité. à croire qu’on est soit dans un roman policier, soit dans une comédie dramatique.

Si le pays observera avec attention l’arrivée de Trilochun et le traitement que lui réservera la police demain, c’est aussi sur le plan politique qu’il faudra suivre les prochains épisodes de cette série à rebondissements. Pourquoi donc, et c’est Valayden qui l’a révélé, est-ce que Kailash Trilochun réclame désormais lui aussi une commission d’enquête sur ses 19 millions ? Est-ce que l’avocat se sentant largué, aurait des révélations à faire ? Si tel est le cas, il ne serait donc pas étonnant qu’au moment où Valayden remettait des documents à la presse, lui et Trilochun regardaient déjà dans la même direction. Alors que tout le monde pensait le contraire. Question : Trilochun serait-il devenu le Gooljaury du MSM?