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SAJ s’en va... euh OK, mais quand et comment ?

17 septembre 2016, 07:22

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SAJ s’en va... euh OK, mais quand et comment ?

 

Séquence souvenir. Nous sommes en septembre 2003. C’est une période émouvante dans la longue vie politique de sir Anerood Jugnauth, un tournant qui se veut décisif. Du moins, c’est ce que l’on vend au peuple mauricien. En lançant le projet de réaménagement du centre de Rivièredu-Rempart, avec une enveloppe de Rs 33,5 millions,  sir Anerood fait ses adieux «définitifs» au n°7. Pour une fois, les journalistes de la presse écrite le suivent avec autant d’attention que les fidèles caméras de la MBC. C’est un événement politique majeur. La bête politique a accepté de se mettre en retrait, pour aller servir à un autre échelon, au Réduit. SAJ ne sait pas encore qu’il a reçu, en fait, «a kick upstairs». Mais ceux qui connaissent la bête qui sommeille en lui savent qu’il s’est seulement mis en retrait, mais pas vraiment à la retraite, malgré tout ce qui se dit.

Quand sir Anerood a débuté en 1963, les routes de Rivière-du-Rempart étaient des pistes en terre battue, des sentiers qui serpentaient à travers les folles herbes. Il y avait un unique point d’eau et l’électricité était un rare luxe – car bien sûr il n’y avait pas encore un Ivan, le terrible, pour formuler la promesse du 7/7, et pour combattre toute possibilité de «black-out».

Les villageois vivaient dans des camps d’ouvriers qui ressemblaient, des fois, à des étables. C’était la misère noire, et il n’y avait pas encore des fils de Xavier Duval pour aller distribuer des matelas en zone rurale, territoire jadis peu intéressant pour le PMSD de triste mémoire.

Durant toute sa carrière de politicien, SAJ a voulu changer la donne à Piton–Rivière-du-Rempart et il est resté fidèle à cette circonscription – qui, elle, ne lui est pas toujours restée fidèle. D’ailleurs, en décembre 2003, pour remplacer SAJ, malgré les consignes de vote de celui-ci, les électeurs ne choisissent pas son poulain Prakash Maunthrooa, mais le travailliste Rajesh Jeetah.

En disant adieu aux électeurs du n°7 en 2003, SAJ leur promet qu’il ne va plus revenir solliciter leur vote !

Puis il va faire d’autres adieux, tout aussi émouvants, à l’Assemblée nationale. L’histoire, dit-il, retiendra qu’il a été un «no-nonsense, honest, and dedicated Prime minister». Il quitte son fauteuil de PM avec la conviction que son successeur, Paul Bérenger, saura mener à bon port le pays : «Paul est un grand travailleur et un meneur d’hommes. Je sais qu’il saura en tant que PM inspirer ses collègues du Conseil des ministres pour atteindre l’excellence dans leur tâche.» Bien évidemment, SAJ n’avait pas encore goûté au gâteau des mains de Bérenger, un soir d’anniversaire à Manisa. Et le Conseil des ministres n’était pas encore le panier de crabes qu’il est devenu ces jours-ci...

On peut rappeler les discours de SAJ pour montrer les contradictions et les zigzags des hommes politiques en général. Dans un article intitulé «Art of the lie», le dernier Economist avance que les politiciens mentent toujours et se demande alors : «Does it matter if they leave the truth behind entirely?» À méditer, surtout avec les épisodes portant sur l’euroloan de Vishnu, le «bal kuler» de Raj, le projet Heritage City de Roshi, les frais d’examens de Leela Devi, l’accident de Thierry, les bœufs de Mahen, les nominations d’Anil et d’Ivan, et l’agression du Chairman de l’ICTA...

* * *

En revanche, à quoi cela servirait-il, à nous journalistes, de passer sous silence la vérité économique : le revenu par tête d’habitant était à  Rs 11 300 en 1982 et il est passé à Rs 128 000 en 2003, quand SAJ tire sa révérence comme PM, 20 ans plus tard. Il ne faudrait pas non plus occulter le fait historique que malgré des discours chargés d’émotion, les larmes versées au Parlement, sir Anerood a finalement quitté le Réduit pour se relancer, malgré son grand âge, dans la politique active, afin, entre autres, de reprendre une revanche sur Navin Ramgoolam qui avait humilié, en 2011, son fils Pravind Jugnauth, en le poussant à la démission dans le cadre de l’affaire MedPoint.

L’histoire est une boucle qui ne se referme pas toujours et aujourd’hui, SAJ entend boucler celle de sa dynastie face aux Ramgoolam. Il a pris sa revanche et a mis son fils en orbite, en balayant tous ceux qui auraient pu lui bloquer le passage vers le Trésor, et en l’entourant d’une équipe de béni-oui-oui, qui n’aspirent qu’à leurs intérêts personnels. Notre Premier ministre est moins volubile sur la cause véritable de son départ; un départ qui pourtant ne figure pas au programme du manifeste électoral de novembre 2014. Constituant, selon nous, une rupture de contrat.

Et manquement grave : SAJ ne nous dit pas quand il part en fait. À quelle date précisément prendra fin ce bicéphalisme inquiétant à la tête du gouvernement ?

Pire, SAJ crée le doute et agite un remaniement ministériel, comme un ultime au revoir (si tant qu’on veut croire qu’il ne fera plus de come-back). Va-t-il orchestrer ce remaniement lui-même et, partant, faire remonter Roshi Bhadain dans la hiérarchie gouvernementale ? Ou laissera-t-il au futur PM le soin de remanier son Cabinet et de réduire au strict minimum Monsieur Bonne Gouvernance ? On est dans le flou. Personne ne sait. Mais tout le monde spécule. Les analystes font de belles thèses. Et chacun veut donner son avis, avoir voix au chapitre. Mais sur quoi se base-t-on ? Quels sont les faits : quand part SAJ ? Pourquoi part-il pour commencer ? Pour des raisons de santé ? Par découragement ? Pour mettre fin au bicéphalisme ? Et comment ?

Va-t-il provoquer une partielle ou pas au n°7 ? Ce qui laissera le choix à son électorat d’approuver son ultime choix de passer le témoin à son fils ou de le désavouer publiquement, encore une fois...

* * *

Flashback souvenir toujours. Dans une interview accordée, en octobre 1988 à Londres, à Jean Descelles (The Mauritius News), SAJ avait dit: «One thing I have learned is that once you are in power, the press cannot be with you. The press as they called it, ‘le quatrième pouvoir’, will always try to pin you down whenever they feel that you are going wrong, although they may be wrong themselves. If they perceive you are going wrong, they will fight you and this we must learn to accept. »

Et quand on lui demande alors si c’était un «fair game», sa réponse est franche et directe : «It is a fair game. I have learned it at my cost and I think my relationship with the press is different (...) even if I come back to power I will respect their opinion. I do not think we gain anything by fighting the press...»

Ces mots de SAJ devraient sonner comme une gifle de rappel à certains de ses ministres qui hier nous encensaient (car il fallait faire vaciller l’empire Ramgoolam), et qui aujourd’hui nous censurent (pour ne pas mettre en péril celui des Jugnauth ?)...