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Manière de voir : Kim Il-sung et Big Ben

20 septembre 2016, 13:11

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Arrestations arbitraires, accusations tous azimuts, une force policière divisée en camps, des ministres qui s’affrontent au milieu d’une guerre de succession. Tour d’horizon de la situation politique qui se complique de jour en jour.

De toute évidence, aussitôt Pravind Jugnauth parti en Inde, un mastermind a été à l’œuvre pour presque réussir de faire arrêter le Senior Adviser Gérard Sanspeur. Encore un réflexe de république bananière ? Cette arrestation manquée après celle du DPP Satyajit Boolell a scandalisé  même des caciques du MSM, comme l’avocat Raouf Gulbul.

Arrestations arbitraires, dénonciations mutuelles, gestion catastrophique de la fièvre aphteuse… Les excès se succèdent, ce qui place bien le pays dans la ligue des Républiques outrancières. Mais comme souligné par ceux qui justifient l’accession éventuelle de  Pravind Jugnauth aux fonctions de Premier ministre, nous sommes quand même un pays bien ancré dans les traditions ô combien démocratiques de Westminster.

Strictement parlant, la Constitution de Maurice et nos traditions de Westminster permettent à Pravind Jugnauth de succéder à son père et cela sans qu’il soit plébiscité par les électeurs. Paul Bérenger n’est-il pas devenu Premier ministre en 2003, entre deux élections générales ? Sauf qu’aux élections de 2000, l’alliance MSM-MMM avait basé sa campagne de «redresser» le pays sur un prime ministership partagé à l’israélienne, soit trois ans-deux ans entre Anerood Jugnauth et Paul Bérenger. Aux élections de 2014, l’alliance Lepep avait vendu Jugnauth comme le Rambo chargé de «nettoyer» le pays. Ce même Rambo, cette fois en tandem avec Vishnu Lutchmeenaraidoo, pour assurer à la nation un deuxième miracle économique.

Si Westminster assure une succession à la Kim Il-sung pour Pravind Jugnauth, ce dernier n’aura cependant pas la partie facile en affrontant le handicap d’une absence de légitimité politique. Ce handicap, il ne pourrait le surmonter qu’en mettant à son actif toute une série de miracles tant politiques qu’économiques. À commencer par ce grand miracle économique qui a échappé au tandem Anerood-Vishnu. Il lui faudrait encore réaliser des miracles de la bonne gouvernance et contre la corruption, diriger un gouvernement qui means business, qui ne mette pas des fermes en quarantaine pour ensuite en ouvrir l’accès au risque de contaminer tout le pays.

Pravind Jugnauth ne sera pas le premier fils-à-papa à vouloir revendiquer une place de choix dans la classe politique du pays. Mais contrairement aux autres Ramgoolam, Duval, Mohamed et Boolell, il lui manque un certain charisme. Ce qui le prive de ce crowd appeal tellement nécessaire dans les traditions mauriciennes. Pour que l’homme politique réussisse, il ne lui suffit pas d’être un technocrate froid et dépassionné. Après tout, Maurice est loin d’être le Luxembourg de l’océan Indien. Sans même que Ramgoolam n’ait à forcer la note en entamant des pas de danse ou en jouant à la batterie. Sur ce terrain, Pravind Jugnauth part largement battu, ce qui exige de lui un effort surhumain de produire miracles sur miracles pour affronter l’électorat en 2019, à condition que le gouvernement ne croule pas avant l’échéance de cinq ans.

Westminster aidant, rien toutefois n’empêchera Pravind Jugnauth de s’installer au bâtiment du Trésor. La cérémonie de prestation de serment, sans doute grandiose, se fera avec la participation d’un Xavier Duval tout sourire. Au fait, le leader du PMSD n’a pas de choix. Dans le contexte de la succession de SAJ, le PMSD jouera le jeu. Depuis les élections de 1967, le PMSD se contente de son second rôle et ne se berce plus d’illusions de victoire à lui seul à des élections générales.

Le parti des  «rézilta lor rézilta»

En effet, le système électoral et le découpage des circonscriptions du pays ont été conçus pour favoriser le PTr et dépendant des circonstances, le MSM. Jamais le PMSD et le MMM. Avant d’octroyer l’indépendance au pays, les Britanniques avaient fait cadeau à sir Seewoosagur Ramgoolam du présent système électoral et surtout du template des 20 circonscriptions. Le template n’a pas été modifié de façon radicale depuis 1967. S’il y a eu des retouches, c’est surtout pour favoriser des manœuvres de gerrymandering. Exemple classique, le vote non-MMM des électeurs de la Source était gaspillé dans le n°19. Suivant le découpage des circons criptions de 1987, ce vote transféré dans le n°18 valut son pesant d’or. De même, si Pointe-aux-Sables jouait au trouble-fête pour le PTr ou le MSM dans le n°20, pourquoi ne pas le noyer dans le n°1 qui était donné pour perdu de toute façon. Cette opération fut menée toujours en 1987 dans le cadre du même découpage électoral.

2014

Pas de coup d’éclat du PMSD. Donc, ceux qui prévoient des dissensions et des troubles à l’intérieur de l’alliance Lepep se trompent. Xavier Duval restera fidèle à la vocation post-1967 du PMSD, c’est-à-dire se faire vassal d’un grand parti capable de gagner les élections et exercer le pouvoir. Le ML de Collendavelloo ne pourrait prétendre à faire mieux que le PMSD. Tout mouvement irréfléchi du PMSD et du ML ne mettrait nullement en péril la majorité du futur PM. Le MMM n’attend qu’un geste de bonne volonté du leader du MSM pour réunir la grande famille des militants et sauver le pays. Il n’est nullement envisageable que Duval et Collendavelloo commettent un suicide politique, certainement pas le leader du PMSD.

2014

Contrairement au MMM et au ML, le PMSD dispose d’atouts lui assurant un accès à long terme au pouvoir. Ainsi, si jamais Pravind Jugnauth ne décolle pas et que la situation s’aggrave, le PMSD n’aura pas vraiment de grands soucis à se faire. Le parti des «rézilta lor rézilta», à moins d’un accident politique majeur, est assuré de rester inoxydable. La menace terroriste en Europe, dans le Sinaï et en Afrique du Nord, ne fera qu’accroître les arrivées touristiques à l’aéroport de Plaisance. En sus d’une moisson de résultats, le PMSD dispose en permanence d’une fallback position qui pourrait être activée dans le court temps d’une campagne  électorale. À défaut de win with Pravind, ce sera immanquablement win with Navin.

2010

Les Mauriciens seront gratifiés d’un beau spectacle bientôt. Faute d’un miracle économique, c’est un autre miracle qui s’annonce. Un miracle qui réalise l’exploit de combiner Kim Il-sung et Westminster. Il ne manquera que les carillons de Big Ben pour parfaire le miracle.