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Qui a peur d’une réforme électorale ?

23 septembre 2016, 07:22

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Le calendrier politique du pays est chamboulé. On nage présentement dans le flou, à tâtons – de l’hôtel du GM aux foyers des électeurs. C’est la saison des protestations et des spéculations, tout au long de l’obscure route politicienne. C’est aussi celle des changements – à prévoir, donc, un quatrième ministre des Finances en moins de deux ans ! Il y a aussi pas mal de positionnements stratégiques ou opportunistes.

Dans la rue qui gronde, il y a des discussions vives, pas tant sur la constitutionnalité ou la légalité du passage du témoin premier ministériel de SAJ à Pravind Jugnauth, mais davantage sur la moralité de cette succession entre père et fils à la tête du gouvernement. Un héritage décidé par le bloc MSM-PMSD-ML dans le dos de l’électorat : le manifeste électoral de Lepep, en date de novembre 2014, occulte cette transition majeure. D’où ce fort sentiment d’une rupture de contrat – moral – entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés.

C’est sur cette toile de fond animée qu’est relancé le débat sur la réforme électorale – aujourd’hui, dans les locaux de La Sentinelle, on va en discuter aussi.

Si pratiquement tout le monde est plus ou moins d’accord qu’il nous faut, sans tarder, réformer le système électoral inique (y compris les conservateurs purs et durs), d’autant qu’il y a un «pronouncement» de l’ONU à respecter (même s’il existe toujours la possibilité de voter un autre mini-amendement avant les prochaines élections générales), les chances que cette réforme se matérialise sont minces, vraiment minces.

Pensez-vous que les Jugnauth, Ramgoolam et Bérenger vont tout d’un coup s’asseoir ensemble pour abattre leurs cartes électorales en public ? Les dirigeants de Lepep, qui doivent «se ressouder» selon Pravind Jugnauth, se sont déjà défilés face à l’invitation de CARES/Rezistans ek Alternativ. Bérenger et Ramgoolam, même s’ils n’ont pas dit non, doivent se tâter encore. Ce serait embarrassant pour eux qu’ils se retrouvent tous les deux en l’absence de Lepep...

Notons aussi que le Premier ministre, un conservateur, a dit qu’il ne croit pas en la proportionnelle (même à une dose de 5 %), eu égard à l’expérience rodriguaise. Enfin, il y a la position, considérée rétrograde, du leader du PMSD qui pousse, comme d’autres profiteurs du système actuel, au maintien du Best Loser System, alors que nous sommes en 2016 et que le métissage est un fait visible, à chaque coin de rue…

Sur un plan purement pratique, les attributions du comité Duval sont bien trop larges et ambitieuses (le comité n’ayant d’ailleurs pas dans ses rangs des compétences techniques pour ce genre de travaux pointus), surtout pour la proportionnelle, que beaucoup de politiciens actuels (du gouvernement comme de l’opposition) redoutent.

Pourtant, nous subissons le tant décrié système First Past The Post qui a produit, cinq fois sur neuf, des résultats électoraux disproportionnés et outranciers : 1982, 1991, 1995, 2000 et 2014.

Notre histoire démontre surtout que ce sont toujours ceux-là mêmes qui bloquent la réforme qui en sont les victimes par la suite. Si Stonehouse n’était pas venu, à la suite des protestations de SSR, la proportionnelle préconisée par Banwell au départ aurait assuré à l’alliance ramgoolamienne un quart des sièges au Parlement en 1982. La proportionnelle de Banwell aurait aussi empêché le premier 60-0 et maintenu une opposition parlementaire. L’expert Banwell avait prévu ce cas de figure, mais les travaillistes se croyaient éternels, un peu comme Jugnauth plus tard.

En confiant au PMSD le soin de présider le destin de notre système électoral, on tente, en fait, de perpétuer un jeu infect qui n’a que trop duré.