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Politique et partis traditionnels: rupture ou continuité?
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Politique et partis traditionnels: rupture ou continuité?
La vie politique d’un pays, comme celle d’une personne, est faite de continuités et de ruptures. Celles-ci se chevauchent au rythme des batailles, élections ou autres événements décisifs, comme l’évolution des institutions, celle des personnes qui les peuplent et, enfin, celle du système politique lui-même. Prenons notre système électoral inique qu’on essaie laborieusement de réformer depuis toujours. Il reste immuable en raison d’un blocage effectué par ceux qui ont pris le système en otage, notamment les leaders politiques.
Lors du débat sur la réforme électorale hier, dans les locaux de La Sentinelle, Rama Sithanen et Milan Meetarbhan, qui savent de quoi ils parlent, ont explicité la complexité de réformer le système électoral dans sa globalité – et, surtout, d’un seul coup. Il y a moult aspects techniques, politiques, juridiques, constitutionnels et sociétaux à considérer. Va-ton essayer de tout régler d’un coup ? Ou va-t-on y aller par étapes, en commençant par l’engagement pris devant l’ONU par rapport à l’appartenance ethnique des candidats ?
Le débat d’hier a clairement démontré qu’il s’avère difficile de prendre position sur plus d’un aspect de cette réforme. Beaucoup préfèrent ne pas s’y aventurer. D’ailleurs, les membres de CARES/Rezistans ek Alternativ, avec qui nous avions lancé l’idée d’un pré-débat, hier, et ce, en marge de leur débat prévu cette semaine, ont eux-mêmes pratiqué la politique de la chaise vide ! Un peu comme… les représentants de Lepep qui ne savent pas comment venir débattre de la réforme électorale, promise dans leur manifeste, et de la nécessité ou non de maintenir le ‘Best Loser System’ (BLS) – qui a placé l’ethnicité au cœur de notre Constitution.
À cet égard, on sait tous qu’il y a au moins deux écoles de pensée : ceux qui sont pour le maintien du BLS (dont SAJ et Xavier-Luc Duval) et ceux qui pensent qu’on devrait évoluer vers un système moins communaliste, qui nous éviterait de faire un nouveau recensement pour réactualiser les quatre cases recensées en 1972 – et sur lesquelles on continue de s’aligner.
Pourtant, dans le monde, la notion de diversité est désormais célébrée et est brandie comme un atout de développement. Au départ, certains prix Nobel comme Meade et Naipaul pensaient que cette diversité ethnique couplée à l’absence de ressources naturelles allait conduire notre pays à sa perte. Au contraire, cette diversité a contribué à notre développement. Mais aujourd’hui, il faut la libérer des quatre cases qui l’étouffent.
Il faut laisser à notre diversité le loisir de déployer ses ailes. Primo, diversité ne devrait plus rimer essentiellement avec ethnicité. Diversité veut aussi dire plus de femmes et plus de jeunes au Parlement. Diversité veut aussi dire pluralité de perspectives sur les questions d’intérêt national – au lieu d’entendre les sempiternelles voix des chefs de parti, et de voir à l’œuvre les mêmes agendas cachés…
* * *
Le départ de Zouberr Joomaye, si l’on se fie à son discours, se veut un cri du cœur d’une génération de politiciens qui se sentent écrasés par le poids des aînés. L’ancien mauve et médecin personnel de Paul Bérenger avance que ce n’est pas uniquement SAJ qui devrait prochainement quitter la scène politique, mais aussi Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Va-t-on voir la convergence de tous ceux qui pensent comme lui ? Au PTr et au MSM, il y a aussi des jeunes députés qui n’ont pas voix au chapitre, dont le fonctionnement et les idées ne s’alignent pas nécessairement sur le mode d’opération de leur parti.
C’est encore trop tôt pour savoir si Joomaye est un frustré isolé, ou le porte-parole d’une nouvelle génération qui veut s’émanciper du joug des leaders à vie… afin de trouver sa place dans la société mauricienne qui semble avoir évolué, plus vite que nos traditionnels partis politiques. D’où ce fossé qui s’agrandit…
Faudrait-il dès lors nous rendre à l’évidence que nos politiciens actuels, dépassés, vont plaider le statu quo ? Et si on veut vraiment passer à autre chose que de rester au niveau des rottweilers et «sleeping chihuahuas», bref à un stade supérieur de notre évolution comme pays et nation, il nous faudra nous séparer d’eux – sans émotion, sans nostalgie et sans trop tarder, lors d’un prochain scrutin… Car pour l’heure, quelques hommes dominent les idées des citoyens.
Notre difficulté principale : ce sont ces politiciens que nous devons déboulonner pour échapper à notre tragédie. C’est un cycle vicieux. Nos politiciens ont conforté un système électoral (conçu par les Britanniques) qui les protège. Et ils bénéficient de la complicité de certains d’entre nous pour rester au pouvoir. Un pouvoir post-colonial, lui-même issu d’un post-colonialisme qui demande à être remodelé.
Sans doute, devrait-on aussi encourager un nouveau rapport parmi ceux qui pensent librement et qui se retrouvent réunis autour d’une même cause. À La Sentinelle, nous voulons développer avec nos lecteurs-citoyens un rapport de confiance, une présomption de bon vouloir. En nous disant que ce partenariat, cet apport de points de vue, d’analyses et d’opinions pourraient aussi être valorisés autrement…
On le dit souvent. L’immobilisme et l’attentisme sont les pires ennemis de Maurice. La cause de notre jeune République est noble. Mais nous sommes trop souvent menés en bateau par quelques dynasties qui ne veulent pas lâcher le pouvoir et qui jouent aux abonnés absents à la croisée des chemins de notre destin. Cette situation qui n’est pas durable peut, cependant, favoriser la politisation des jeunes. Mais pour cela, les conditions de transmission d’une culture politique commune aux différentes générations méritent d’être examinées. Les jeunes d’aujourd’hui entrent dans un contexte politique bien différent de celui de la jeunesse de leurs parents. Leurs façons de se faire entendre et de s’exprimer portent d’ailleurs ces changements… Ils sont issus d’une révolution silencieuse, qui cherche sa voie. Ils ne sont pas loin de la trouver.
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