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Manière de voir: Les Joe et Jugnauth Jr

24 septembre 2016, 11:15

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Entre des mauves qui perdent un de leurs «jeunes» à deux jours de leur congrès et des bleus qui veulent faire croire que ceux-ci sont derrière eux, nous vivons à l’heure des tentatives de déstabilisation de l’adversaire. Une nouvelle configuration politique se dessine-t-elle ?

Le timing du rassemblement des jeunes du PMSD demain, dimanche 25 septembre, est significatif sur le plan de la configuration des alliances politiques futures. Le PMSD n’a pas été actif le week-end dernier quand le Parti travailliste fêtait l’anniversaire de la naissance de sir Seewoosagur Ramgoolam. Pure coïncidence ? Par contre, le PMSD a choisi ce weekend pour réunir ses jeunes, comme si pour réduire l’impact médiatique du rassemblement du MMM prévu au même moment.

Pravind Jugnauth dominant l’actualité, les discours de XavierLuc Duval et de Paul Bérenger seront bien sûr analysés surtout, et avant tout, sous l’angle d’un éventuel changement de «prime ministership». Tout le reste ne sera que du «blabla». Que dira le MMM ? Ce parti court après les alliances depuis 1981 (Harish Boodhoo inaugurant la série) jusqu’aux élections de 2014, après la performance solo de 1983 et de 2010 avec Paul Bérenger comme candidat au poste de Premier ministre. Friand des alliances, le MMM avait vu dans le Budget 2016-2017 de Pravind Jugnauth un tremplin inespéré pour débuter de grandes manœuvres en vue de son positionnement futur. D’où les discours amadouant envers le ministre des Finances. Mais l’affaire Trilochun et l’éventualité d’un changement à la tête du gouvernement ont calmé les ardeurs mauves. On s’attend donc que ce dimanche le MMM dénonce, toujours avec force, toute tentative de placer Pravind Jugnauth à la tête du gouvernement sans qu’il ne dispose d’un mandat populaire à cet effet. Le MMM traîne maintenant le lourd boulet qu’est le facteur Joomaye. Un coup dur qui vient s’ajouter à la rébellion d’Ivan Collendavelloo et à la scission de la bande à Alan Ganoo.

Un congrès des mauves à Plaine-Verte. Le départ de Zouberr Joomaye est un coup dur pour le parti.

Si rien de marquant en termes d’alliances futures n’émergera de la rencontre des mauves, le rassemblement du PMSD pourrait bien donner une indication sur le cheminement de la carrière politique de Pravind Jugnauth. Dans l’optique du PMSD, trois options différentes sont envisageables.

Première option, Duval prend position frontalement et catégoriquement contre un éventuel transfert de pouvoir en faveur du fils Jugnauth. Une telle attaque mettrait à mal l’alliance Lepep.

Seconde option, le PMSD annonce son soutien inconditionnel et inébranlable à Pravind Jugnauth. À ce rassemblement de jeunes en délire, le fait même de mentionner le nom de Pravind donne lieu à des ovations, à des clameurs «Pravind-Pravind-Pravind». Si un tel scenario se produit, le PMSD se mettrait irrémédiablement en situation de totale dépendance envers le Sun Trust. Le parti se priverait volontairement de sa carte maîtresse qu’est sa «fallback position» sur le Parti travailliste de Navin Ramgoolam. Mais une fois le rassemblement oublié et les scandales s’amoncelant, le PMSD mettra à dos ses propres partisans car, à aucun moment, ces derniers n’avaient été invités à plébisciter et le roi Anerood et le prince Pravind. Ils avaient voté pour le duo de faiseurs de miracle économique Anerood Jugnauth-Vishnu Lutchmeenaraidoo et, évidemment, le moteur des «résultats lors résultats.»

En avouant avoir cyniquement participé à une escroquerie politique, le leadership du PMSD mettrait en péril sa propre crédibilité auprès de ses partisans. Lesquels partisans ont déjà reçu l’invitation à se joindre au combat de Navin Ramgoolam et qui seront sans doute courtisés par le MMM aussi. Ce sera «Gaëtan Duval Revisited» après avoir conclu une alliance avec Seewoosagur Ramgoolam en 1969. L’establishment travailliste avait évité toute attaque frontale contre le PMSD jusqu’au congrès de dimanche dernier à Triolet. En interpellant le PMSD, Navin Ramgoolam a au fait cherché à brouiller les cartes et créer une dynamique de contestation à l’intérieur même de l’alliance Lepep.

Le PMSD éviterait ce scénario du désastre politique.

Il reste une troisième option : Duval ne prend aucun engagement par rapport à Pravind Jugnauth comme Premier ministre avant les élections de 2019. Le PMSD se contente de quelques platitudes (kan létan vini, nou a gété) mais choisit plutôt d’assurer son propre marketing politique inspiré surtout du mantra «résultats lors résultats.» Tactiquement, le PMSD s’efforcera de soigner son image comme un parti différent des autres, surtout de ses alliés au pouvoir. Le leader lui-même sera présenté comme un homme politique hors pair.

Si le leader du PMSD a su jouer habilement ses cartes depuis 2005, ne se séparant du pouvoir que durant six mois en 2014 pour retourner à l’hôtel du gouvernement en décembre 2014, on ne le voit pas lier son sort au fils d’Anerood Jugnauth. À moins d’être capable de réaliser une série de miracles économiques et politiques jusqu’à l’échéance de 2019, Pravind Jugnauth risque fort d’être lâché par le PMSD pour une courte période (de six mois si le benchmark tient toujours) avant que les bleus ne reviennent au pouvoir avec un nouvel allié. Le PMSD ne cache pas ses prétentions d’être en position de force, capable de déterminer l’avenir de l’alliance Lepep. Contrairement au Mouvement Liberater (ML) d’Ivan Collendavelloo qui ne dispose pas d’assises populaires comme les autres partis mais qui contrôle quand même quelques sièges au Parlement. Après tout, le ML, comme ce fut le cas pour l’UDM (Union démocratique mauricienne) de Guy Ollivry et le PSM (Parti socialiste mauricien) d’Harish Boodhoo, n’existe pas au-delà d’un mandat au Parlement.

Mieux loti que le ML, il suffit toutefois d’un accident politique majeur pour que tout s’écroule pour Duval. Pour cette raison, la gestion de ses relations avec le MSM et Pravind Jugnauth constitue un grand défi pour Duval. Tout en se gardant de manifester de grands élans d’amour envers Pravind Jugnauth, le PMSD pourrait profiter à court terme d’un changement à la tête du gouvernement. Duval pourrait retrouver le portefeuille des Finances. Dans un tel cas de figure, c’est sur Duval qu’incomberait la tâche de réaliser ces miracles économiques tant annoncés depuis décembre 2014. Mais un passage aux Finances du leader du PMSD devrait nécessairement passer par le knock-out de Roshi Bhadain.

Et le facteur Bhadain, donc ? Certains observateurs, comme le canonnier Paul Lismore, évoluant sur les réseaux sociaux, estiment que Pravind Jugnauth devrait impérativement révoquer Bhadain, Soodhun et Gayan pour créer l’impact psychologique nécessaire à asseoir son autorité comme un chef qui n’a pas froid aux yeux. Il semblerait toutefois que loin de mater Bhadain, Pravind Jugnauth cherche plutôt à le gagner à sa cause. On a ainsi noté que Gérard Sanspeur, qui avait détrôné le secrétaire financier Dev Manraj durant l’opération de présentation du Budget 2016- 2017, n’a pas fait partie de la délégation de Pravind Jugnauth en Inde. Par contre, Prakash Maunthrooa, vedette dans l’affaire Boskalis, faisait partie de l’équipe des VVIP en Inde. Sanspeur n’était toujours pas aux côtés du ministre des Finances lors de la conférence de presse bilan. Cela pourrait bien inciter un bookmaker entreprenant à vendre des paris sur la carrière future de Sanspeur comme Senior Adviser. Après tout, les conseillers ne siègent pas au Parlement, ils ne votent pas non plus pour un futur Premier ministre. Ils ne provoquent pas des élections partielles-cauchemar. Une fois Sanspeur sacrifié, il se pourrait qu’après le retrait d’Anerood Jugnauth, les Finances aillent à Bhadain plutôt qu’à Duval.

Dans le cadre d’une nouvelle configuration politique où Bhadain devient dans les faits le no 2 du MSM et le ministre des Finances, XavierLuc Duval risque bien d’être réduit aux proportions d’un chihuahua politique comme l’autre allié. Le PMSD est donc condamné à jouer avec une dextérité inhabituelle ses cartes politiques jusqu’à l’échéance de six mois précédant les élections générales. Un premier test crucial s’annonce au rassemblement des jeunes du PMSD dès demain.

Rassemblement à Ébène. Le PMSD veut impressionner avec ses «jeunes».