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À contre-courant

28 septembre 2016, 12:22

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Baissera, baissera pas ? Les yeux sont rivés sur le LIC Building cette semaine. Pour cause, ce bâtiment abrite le quartier général de Statistics Mauritius. L’institut dévoilera ce vendredi les comptes nationaux ainsi que ses dernières estimations de croissance pour 2016.

Cet intérêt particulier pour les prévisions de l’agence nationale s’inscrit dans un contexte précis : Maurice a depuis peu un nouveau ministre des Finances en la personne de Pravind Jugnauth. Dans son dernier budget, celui-ci a établi une feuille de route pour hisser le pays au-dessus de la barre psychologique de 4 % de croissance. Ce qui n’est pas arrivé depuis cinq ans.

Or, entre le dévoilement des mesures budgétaires – visant à pousser le pays dans une ère nouvelle – et aujourd’hui, il n’y a rien eu d’exceptionnel pour pouvoir prétendre à une croissance de 4,1 % d’ici à la fin de la présente année financière. À moins d’un miracle ! Encore faut-il continuer à y croire, surtout après l’épisode Vishnu Lutchmeenaraidoo à la tête du Trésor public.

Loin de la complaisance qui est souvent reprochée à la communauté des affaires, la Chambre de commerce et d’industrie a fait preuve, mardi, de réalisme à travers une analyse motivée de la situation économique. Le centre de recherche de la Chambre estime que la croissance économique ne sera que de 3,4 % cette année ; une projection très éloignée des 3,9 % annoncés en mars dernier par l’institut national de statistiques.

Reste à voir si Statistics Mauritius sortira la cisaille ce vendredi ou préférera-t-il attendre la période de festivité pour procéder au charcutage. En tout cas, la posture du bureau des statistiques sera un signal fort aux décideurs politiques dans une conjoncture de plus en plus marquée par l’incertitude.

C’est d’ailleurs cet environnement global incertain, associé à des nuages qui continuent de s’amonceler sur les économies de la planète, qui pousse les institutions internationales de prévision à revoir leur copie.

Ce mois-ci, l’OCDE a révisé à la baisse pour la troisième fois les perspectives de croissance mondiale, blâmant le ralentissement du commerce et les risques entourant le Brexit. Désormais, l’institution financière calcule la croissance à 2,9 % pour 2016 alors qu’en début d’année, elle se montrait plus optimiste en tablant sur une progression du PIB mondial de 3,3 %.

Les analystes du Fonds monétaire international devraient, sauf un revirement de dernière minute, émuler leurs confrères de l’OCDE dans la prochaine livraison des perspectives économiques mondiales. Rappelons qu’en juillet dernier, le FMI avait raboté ses projections initiales pour les ramener à 3,1 % en 2016. De quoi apporter de l’eau au moulin de la Chambre de commerce et d’industrie locale. Contrairement aux précédents exercices, la MCCI vient cette fois avec des propositions. Elle suggère ainsi aux pouvoirs publics de se recentrer sur la demande interne car la faiblesse de la demande externe va perdurer pendant encore quelques années.

Selon la MCCI, une nouvelle baisse de 100 points de base du taux directeur est nécessaire. Pour justifier une telle recommandation, les analystes de la Chambre pointent vers le taux d’inflation qui est passé sous la barre de 1 %, offrant ainsi une marge de manœuvre considérable aux autorités monétaires. Quid du dysfonctionnement du mécanisme de transmission monétaire ? À cette question, la Chambre répondra que la responsabilité de rétablir la connexion incombe à la Banque centrale mais qu’une inflation se rapprochant de zéro impactera les décisions de consommation, et par ricochet d’investissement.

Parallèlement, comme pour prévenir toute velléité de contestation, la Chambre préconise la mise en place d’un impôt négatif sur le revenu. Y est recommandée une aide directe et dégressive d’un montant mensuel de Rs 2 000 à chaque ménage touchant des revenus inférieurs à Rs 25 000 et ayant moins d’un dépendant à sa charge. Dans le même souffle, la Chambre souhaite que les seuils d’exemption soient redéfinis sur une base scientifique. Car la méthode utilisée actuellement à Maurice ne fait que tirer vers le bas le taux de fécondité. Avec les conséquences que nous savons sur le renouvellement de la population.

Autre mesure phare de la stratégie de relance par la demande : attirer 200 000 retraités sur notre sol. Une telle initiative, selon les estimations de la MCCI, équivaudrait à injecter Rs 65 milliards dans l’économie locale. Mais pour démarrer, le pays pourra cibler 20 000 retraités en 2017 ; un objectif réaliste et réalisable du fait que le monde est confronté à des tensions géopolitiques. Ce qui incite de nombreux occidentaux à la retraite à contempler l’immigration. Une opportunité à saisir à travers un amendement au ‘Resident Scheme for Retired Individual’.

Complétant son ensemble de propositions pour activer le levier de la demande interne, la Chambre juge nécessaire d’étendre le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que d’autres taxes aux Mauriciens voyageant à l’étranger. Selon les données disponibles, nos compatriotes sont plus de 250 000 à prendre l’avion chaque année.

Outre la demande, l’offre est concernée par la réflexion de la MCCI. Des ajustements sont proposés en vue de réduire le coût lié à la création d’entreprises de 2 % du revenu par habitant actuellement à 1 %. Un effort qui se reflétera dans le classement du ‘Ease of Doing Business’.

Afin de favoriser la recherche et le développement, la Chambre invite le gouvernement à offrir des crédits d’impôts à hauteur de 200 % pour la R&D. Le but : booster les investissements dans ce domaine, qui sont de l’ordre de 0,18 %, pour les porter à 2 %.

Ces propositions à contre-courant correspondent à une injection d’un point de PIB et peuvent, aux dires des analystes de la MCCI, rapporter au pays jusqu’à 1,7 % de croissance supplémentaire. Trouveront-elles écho auprès du ministère des Finances ?