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Bientôt et very soon

4 novembre 2016, 12:40

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Roshi Bhadain a expliqué, jeudi, qu’Air Mauritius qui a à sa tête un Chairman qui empiète clairement sur le territoire de l’exécutif, «viole l’une des premières décisions du Conseil des ministres du présent gouvernement». Le 23 janvier 2015, le Conseil des ministres qui ne siégeait que pour la troisième fois sous l’ère Lepep, avait effectivement ratifié les recommandations du ministre de la Bonne gouvernance pour qu’au sein des organisations publiques (i) «les rôles du Chairperson et ceux du CEO soient séparés», (ii) «le CEO s’assure du ‘day-to-day running’ et la mise en application des décisions du board» ou encore que (iii) «le Chairperson ne devrait avoir droit à ni bureau, ni voiture».

Or, la possible porte de sortie d’Arjoon Suddhoo, qui siège sur pas moins de quatre sous-comités à Air Mauritius dont l’Executive Committee qu’il préside (alors que selon les directives de Roshi Bhadain un Chairman ne devrait avoir aucun pouvoir exécutif), et qui accessoirement a empêché au CEO de confronter un employé à un comité disciplinaire, c’est qu’il ne considère pas Air Mauritius comme une «public sector organisation». Certes, l’Etat en est l’actionnaire majoritaire, mais cette entreprise est cotée en Bourse et ne répond qu’à son conseil d’administration. Celui-ci, par contre doit se plier au Code of Corporate Governance (CCG).

L’actuelle version de ce code date de 2004. Ironiquement, Megh Pillay et Arjoon Suddhoo avaient tous les deux, sous la houlette de Tim Taylor, contribué à ce document qui stipule, entre autres, que «The titles, functions and roles of chairperson and chief executive officer must be kept separate as a cornerstone of good governance». Cette phrase apparaît dans l'article 2.5 consacré au rôle du Chairperson, et l'article 2.6, où celui du CEO est expliqué. Mais là encore, Arjoon Suddhoo a une porte de sortie même si ce code a une force légale. La Financial Reporting Act demande aux Chairpersons et CEO de se plier au CCG, sinon... sinon rien ! Air Mauritius s’en sortira avec une simple remarque de son auditeur qui pourra quand même «qualifier» son audit. En somme, l’auditeur de la compagnie d’aviation nationale remplit une fiche avec de nombreuses cases, et elle ne cochera pas celle où «le chairman n’a pas exercé de pouvoirs exécutifs».

Mais l’histoire aurait pu avoir été différente. Voilà bientôt trois mois depuis qu’Arnaud Lagesse (le successeur de Tim Taylor à la tête du comité qui rédige le CCG, le National Committee on Corporate Governance) a soumis une nouvelle version du CCG, la première révision depuis 12 ans ! Conseillé par le Dr Chris Pierce, un expert mondial de la bonne gouvernance, le comité dirigé par Arnaud Lagesse a proposé une nouvelle philosophie : «Apply and Explain !». En somme, les directeurs des entreprises ne doivent plus simplement dire qu’ils se sont pliés ou pas au CCG, mais elles doivent expliquer aux auditeurs comment ils s’y sont pris pour faire insuffler le CCG au sein de la direction. Ainsi, sous le nouveau code, Arjoon Suddhoo aurait dû expliquer à l’auditeur comment il a poussé le conseil d’administration à se plier au CCG. (On devine qu’avec toutes ces responsabilités exécutives qu’il s’est confiées, il aurait bien du mal à le faire). Mais la véritable révolution du rapport Lagesse c’est que le nouveau CCG donne des guidelines aux 104 Statutory Bodies, jusqu’ici épargnées du rapport de 2004. Ainsi par exemple, Arnaud Lagesse recommande que par exemple l’IBA, le BOI, la Competition Commission, l’université de Maurice, l’ICTA nomment des board members et des Chairpersons qui ont de l’expérience dans ces filières respectives.

Que s’est-il donc passé en trois mois ? Un comité du ministère des Finances a demandé à réétudier les propositions du comité Lagesse. Ce même ministère des Finances qui a apporté trois des cinq voix (Dev Manraj, le secrétaire financier, Prakash Maunthrooa, plus proche de Pravind que de SAJ, et Rita Veerasamy, directrice de la SIC) au vote pour le limogeage de Megh Pillay !

Roshi Bhadain a annoncé, hier, que le nouveau code sera «bientôt» ratifié. Ainsi, l’IBA devra «bientôt» expliquer comment sa Chairperson est devenue directrice. Ainsi tous ces corps publics, parapublics, Statutory Bodies, compagnies où l’Etat détient des actions devront «bientôt» expliquer ce qu’ils font pour insuffler la bonne gouvernance au sein de leurs organisations.

«Bientôt» ! Pourvu que «bientôt» soit beaucoup plus imminent que «very soon».