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La fin d’un monde, le début d’un autre

12 novembre 2016, 07:15

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Donald Trump président des États-Unis, il faut commencer à s’y faire. Ce n’est pas la fin du monde. Mais c’est clairement «la fin d’un monde», pour reprendre l’expression politiquement correcte (pour une fois) de Mme Marine Le Pen – qui voit, elle aussi, son heure de gloire approcher au galop, avec la prise de la Bastille de la Maison-Blanche.

Je l’avais tweeté dans la nuit du 8 novembre, alors que je suivais, avec des journalistes européens, indiens et africains, tout aussi stupéfaits que moi, le décompte des voix à Washington, DC : «C’est la fin d’une civilisation, l’échec du progrès politique».

Comme moi, beaucoup d’observateurs passionnés des États-Unis pensaient que «the land of the free» avait fait un pas en avant en élisant Barack Obama en 2008 et deux pas en arrière aujourd’hui avec un Trump qui a joué à fond la carte du péril nationaliste – en menaçant Chinois et Mexicains cette fois-ci ! – avant de tenter de revenir à un discours d’unité et de vivre ensemble.

Dès lors, est-ce étonnant que Vladimir Poutine (Russie), Marine Le Pen, Nigel Farage (GrandeBretagne), Viktor Orban (Hongrie) soient parmi les premiers dirigeants politiques étrangers à célébrer la marche triomphale de Trump ? Bien avant un Xavier-Luc Duval opportuniste comme d’habitude qui semble ne pas réaliser que la victoire de Trump c’est avant tout un échec du métissage et de la social-démocratie ainsi que des partis politiques traditionnels (le fameux establishment) – dont fait partie le PMSD à Maurice !

Les partis, impuissants en réalité face à une dynamique mondiale qui change, et qui sont voués à tromper leur électorat avec des promesses non tenues, sont et seront sanctionnés par l’électorat. Ce n’est en fait qu’une question de temps puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets. Rappelons-nous la France en 2002 quand Le Pen avait, contre toute attente, accédé au second tour de la présidentielle. Depuis, avec la crise financière, les vagues migratoires et (surtout) le terrorisme, les inégalités et les divisions se sont approfondies et la cote lepeniste a, naturellement, grimpé. Brexit,Trump...

Les amis de Trump ont tous un point commun : ils réinventent le populisme sur les bulletins de vote. Ce n’est pas une coïncidence d’ailleurs s’ils soutiennent tous l’Alternative pour l’Allemagne, le parti anti-immigration, qui a déjà mobilisé près de 25 % d’électeurs contre le régime d’Angela Markel en marge des élections de l’an prochain.

 

Trump et ces partis d’extrême droite ou qui empruntent la voie radicale sont tous soutenus par Poutine – convaincu qu’il pourra faire travailler étroitement une CIA sous Trump avec le KGB. Oui, rien qu’à cela nous vivons une situation nouvelle, inédite, un revirement de la situation de la guerre froide, un revirement vers d’autres valeurs...

***

La tendance historique – allant de l’oligarchie vers la démocratie – rajoute-t-elle un autre palier : la tyrannie ? Quand les Tsars, les monarques, les empereurs n’arrivent plus à satisfaire la populace et ne s’occupent que de leurs intérêts personnels / claniques / familiaux, on voit surgir la démocratie – qui revêt plusieurs formes et qui est servie à plusieurs sauces. Mais la démocratie, comme on l’a vu avec le Brexit récemment ou avec l’élection de Trump, a ses propres limites. Des tyrans s’accaparent alors du système en donnant aux peuples les slogans qui leur font rêver : «Let us make our country great again!»

Avant le verdict des urnes, un professeur d’histoire politique me disait samedi dernier, à Boston, que «with Donald Trump, we can better see this (r)evolution : a right-wing populism emerges out of a whirlwind of anti-establishment hysteria; a strongman fascist promises to stick it to the elites and says only he can make the country great again. For a fractured citizenry, this is a rhetorical balm, and, according to Plato, just the sort of thing that sends the city over a cliff...»

Mais attention, Trump n’est pas qu’un populiste. C’est pour beaucoup d’Américains ou d’Européens un révolutionnaire des temps modernes (malgré ses 70 ans). Dans le dernier Le Point, Franz-Olivier Giesbert relativise : «C’est aussi un révolutionnaire au vrai sens du mot, du genre souverainiste et protectionniste, comme le peuple les aime. Une sorte de Frankenstein de la politique. Il y a en lui quelque chose de Zemmour, Besancenot, Chavez, Tsipras, Villiers, Podemos, Le Pen père et fille. Avec ça, aussi subtil qu’une tronçonneuse...»

If Trump fails, it won’t be because he was too illiberal or too anti-democratic but because he self-sabotaged, because he was too incompetent to execute his half-baked vision. But it’s easy to imagine a future Trump, a candidate who shares his tyrannical nature but is skilled enough to capture a plurality», me disait un journaliste indien. Il me renvoyait à un éditorial d’India Today qui soulignait que «les slogans de Trump sur le thème du retour de la ‘Grande Amérique’ laissent craindre un resserrement des conditions d’attribution des visas dont bénéficent des dizaines de milliers d’Indiens qui travaillent aux États-Unis...»

Trump fait peur et il y a de quoi. Pour rester populaire, ce dont ce narcissique maladif vit pour, il devra matérialiser ses projets de construire des murs, d’expulser par milliers des immigrants et leurs proches. Il a aujourd’hui un mandat et peut le faire en toute légitimité, dans la plus belle démocratie du monde, sous nos yeux ébahis...