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Dictature constitutionnelle
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Dictature constitutionnelle
Si une dictature qui s’installe est une construction contraire à la démocratie, la Constitution s’avère souvent, de par le monde, la voie utilisée pour obtenir ce pouvoir absolu. Au Parlement mauricien, c’est ce que l’on commence de plus en plus à faire. Cest notre devoir d’alerter l’opinion : cette facilité déconcertante de l’Alliance Lepep de retoucher, dans l’urgence, la Constitution (grâce au pouvoir obtenu lors du raz-de-marée de décembre 2014) - s’apparente, de plus en plus, aux régimes absolutistes, autocratiques, ou totalitaires. Oui, ces synonymes peuvent sonner fort sous nos tropiques insulaires, mais on préfère sonner l’alarme avant que cela ne soit trop tard pour nous tous…
Une Constitution n’est pas au service d’un Premier ministre ou de sa famille, mais est conçue pour un pays, une nation, soit pour le bien commun. Se basant sans doute sur sa propre expérience politique, Jugnauth père doit croire qu’il y a qu’une seule manière de régner sur Maurice : une dictature à sa sauce. L’histoire nous démontre que les plus grands despotes de l’Histoire n’ont pas été des rois, mais des chefs d’État ou de gouvernement dûment «élus».
Les pays du Nord reprochent souvent aux pays du Sud leur fâcheuse manie de modifier leur Constitution pour ne pas se soumettre au principe d’alternance politique. C’est une autre réalité en fait. Contrairement aux Etats-Unis ou en Europe (demandez à Obama, Hollande, ou Cameron), dans les pays en voie de démocratisation, comme le notre, les chefs de gouvernement ne gouvernent pas, mais ils règnent ! Et quand on règne, c’est le règne total ! Si la gouvernance est un moyen d’atteindre un objectif de progrès, de développement, de prospérité, etc., le règne, lui, fait du pouvoir une fin en soi.
Le pouvoir pour le pouvoir. C’est cette finalité que visent les Constitutions modifiées, tunées au rythme des dynasties politiques. Le pouvoir absolu est à chaque échelon. Pas qu’au sommet du gouvernement d’ailleurs. Chez nous, il aurait fallu attendre le citoyen Raju Mohit (qui mérite une médaille) pour pouvoir créer une brèche dans la citadelle inébranlable du DPP. Cependant, si les objectifs de Mohit sont louables, peut-on dire autant pour Lepep ?
Souvent les questions sont plus importantes que les réponses. Un DPP, qui a bénéficié d’un ordre intérimaire de la Cour suprême pour qu’il ne soit pas arrêté, mais qui doit s’enfuir de chez lui, en quatrième vitesse, afin d’échapper à... une arrestation policière : n’est-ce pas une scène surréaliste pour un pays qui érige l’État de droit comme un principe de bonne gouvernance ? Tout un cabinet ministériel qui transforme une cour de justice en espace de meeting après un jugement défavorable contre l’un des leurs (le verdict inattendu des magistrats Ramsoondar et Neerooa à l’encontre de Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint) n’entrave-t-il pas le sacro-saint principe de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire ? Le POTA modifié et la nouvelle Prosecution Commission seront-ils au service du fils ? La Constitution est-elle donc un simple jouet entre les mains d’une dynastie et de ses suiveurs qui ne vont que voter oui sans appréhender les conséquences de leurs actes ? C’est pour la sauver (la Constitution, pas la dynastie!) que le MMM et le PTr vont à nouveau marcher côte à côte ? C’est par un sursaut de dignité que certains de l’équipe au pouvoir vont s’abstenir de voter en faveur d’une Prosecution Commission ? Mais leur voix reste minoritaire.
Une dictature constitutionnelle s’empare des institutions publiques(administration, justice, investisseurs institutionnels, médias complaisants…) en les plaçant sous tutelle pour les mettre au service de la dictature qui se prépare. C’est pour cette raison que la dictature constitutionnelle est, au départ, difficilement attaquable : elle reste dans le cadre de la loi, mais en la détournant de son esprit pour n’en retenir que la lettre. Les lois existantes sont complétées ou remplacées par d’autres lois plus favorables aux intérêts des oligarques. C’est dans la complexité et l’urgence voulues du débat imposé que le citoyen s’égare, alors qu’il prépare, lui, ses réveillons…Mais attention au réveil brutal !
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