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TOUS COUSINS, ET POURTANT… !
Je relisais en fin d’année l’excellent livre de vulgarisation scientifique de Bill Bryson intitulé A Short History of (nearly) Everything ; une véritable mine d’informations croustillantes, souvent surprenantes, présentées dans un langage simple, saupoudrées, avec bonheur, d’humour pétillant. Fortement recommandé !
À la page 481 de l’Édition Black Swan, un rappel de quelques vérités fondamentales que nous oublions trop souvent. D’abord, la vérité que si nos parents ne s’étaient pas accouplés à l’exacte seconde où ils l’ont fait, la personne que nous sommes aujourd’hui n’existerait pas et aurait été…différente ! Ce qui est également vrai, c’est que si les spermatozoïdes de nos grands-pères n’avaient pas rencontré les ovaires de nos grands-mères à la seconde près, les échanges de chromosomes auraient été autres et «nous» n’existerions pas non plus… Si on recule ainsi dans le temps, la dette à nos ancêtres commence à devenir lourde : 16 384 d’entre eux ont dû échanger du matériel génétique au temps de Shakespeare pour mener, miraculeusement, à notre petite personne. Il y a 30 générations, il fallait un peu plus d’un milliard d’échanges génétiques précis. Si l’on recule à 64 générations, ce qui nous mène au temps des Romains, le nombre de personnes qui ont dû se rencontrer pour assurer nos propres existences se monte à un million de trillions, le trillion étant l’équivalent de mille milliards. C’est plusieurs milliers de fois plus que tous les humains ayant jamais vécu sur Terre. Clairement, il n’y avait pas autant de monde sur terre à ce moment-là !
Pourquoi vous raconter tout cela ?
Pour deux bonnes raisons.
D’abord, pour reconnaître que nous ne sommes que les fruits évidents du hasard et donc, que tous les discours à propos des «droits» ou avantages de la filiation et de la «destinée manifeste» (par exemple pour nos dynasties diverses) ne sont que pures sornettes. La population mauricienne, questionnée par Synthèses (voir «l’express» du 29 décembre, page 9 du magazine spécial de fin d’année), ne dit pas différemment en révélant, a 71 %, son insistance pour que Pravind Jugnauth prenne son mandat éventuel de Premier ministre du peuple, plutôt que de son père.
Ensuite, pour rappeler que la conclusion inévitable du petit calcul sur 64 générations est que nous ne pourrions pas exister si nos lignes ancestrales étaient toutes «pures». En fait, personne n’est génétiquement «pur» et nous sommes tous donc, au moins un peu, des descendants d’incestes divers, éloignés ou pas. Dit plus positivement, nous sommes tous «cousins». Nous sommes aussi tous, à divers degrés, métisses. Ce qui devrait déplaire profondément à ceux qui, comme les chantres autoproclamés du séparatisme ou certains politiciens à l’heure du vote, préfèrent souligner les parenthèses de ce qui nous sépare, plutôt que le trait d’union de ce qui nous rassemble. Il faut tout de même comprendre : la division, c’est leur fonds de commerce !
Toujours à la page 481, Bryson nous rappelle que si on compare notre matériel génétique avec n’importe quel être humain, il se trouve, qu’en moyenne, nous avons le même… à 99,9 % ! Si l’on peut être passablement inquiet de se savoir aussi proches de Trump ou d’Attila, on peut se rassurer en se disant que l’on est, en même temps, aussi rapproché de Darwin que de Gandhi, s’émerveillant de tant de variation dans l’espèce humaine et rendant hommage à l’éducation et à la culture (le fameux «nurture», dans son opposition au «nature») qui nous différencie les uns des autres en nous pimentant de manières distinctes. Ainsi, pour sûr, l’unité dans nos diversités – encore faut-il tomber d’accord sur un corps minimum de convictions et de pratiques communes pour asseoir la cohérence normative d’une société…
Si l’on peut concevoir de l’universalité des hormones amoureuses et des cuisines différentes, qui ne traversent d’ailleurs nos frontières culturelles qu’avec l’assentiment de ceux qui sont «envahis» (le sushi, le curry, la pizza, le riz frit, le couscous, le briyani et le hamburger se sont clairement créé des ouvertures transculturelles, par exemple), il est des normes communes plus difficiles à envisager, semble-t-il. Mentionnons, pour l’exemple, la difficulté pour certains d’étendre le niveau de propreté qu’ils exigent chez eux aux lieux publics, les normes disparates d’intégrité et de dignité personnelle, le taux d’exigence variable quant à la nécessité de la méritocratie et de l’indépendance d’esprit au niveau des institutions principales de la république, le culte de l’efficience…
Vivre ensemble n’a jamais été simple, mais il faut bien tenter de mieux vivre ensemble, n’est-ce pas ?
Cette semaine, c’était la reprise. Y compris pour certains ministres. Tranchant avec certains de leurs collègues, deux ministres (ils sont loin d’être les premiers !) sont sortis du confort de leur bureau et, contrairement à ces visites préprogrammées où l’on s’arrange pour faire voir tout ce qui se passe de bien, ils ont été sur le terrain, de manière impromptue, voir ce qui se passe en vérité !
Étienne Sinatambou, comme nouveau ministre de l’Environnement, a souhaité voir comment nos plages publiques étaient remises à niveau un lendemain de congé public où les plages sont envahies. Dans une vidéo sur lexpress.mu, le 3 janvier, il dit avoir été rassuré par la Beach Authority, qu’«à partir de 9 heures, contracteurs ine bisin fini nettoie la plaze, savedire ramasse banne ordires, mette zotte en ordre, dans bannes poubelles pou cart-away». Il ajoutait : «Mo fine agréablement surpris… Partout kotte nou fine passé ti bien prop.» La caméra, cruellement, filmait ce qui était moins que propre et pas du tout ordonné, et deux jours plus tard, une autre vidéo de lexpress.mu montrait le vrai visage d’un problème colossal, à Choisy cette fois – menant même à de mauvaises odeurs en plein air ! – ce qui poussait deux témoins à suggérer qu’au-delà des poubelles (qu’on ne peut dédoubler à l’infini…) et du nettoyage, c’est aux pique-niqueurs d’assumer leurs responsabilités et de ramener leurs détritus chez eux ! Le ministre avait du mérite d’être allé au front ! Contrairement aux deux témoins de la vidéo, il n’était pas, malheureusement, arrivé à la bonne conclusion : responsabiliser plutôt que changer les langes – et donc infantiliser –le bon peuple !
Un deuxième ministre a fait une descente des lieux cette semaine. Il s’agit d’Ivan Collendavelloo qui est allé se rendre compte de ce qui se passait au service 170 des urgences de la CWA. Il n’a pas vraiment été content ! Le citoyen déçu du service 170 a sans doute applaudi qu’il ait pris le taureau par les cornes, quitte à laisser quelques potentiels dégâts sur le plan interne Lepep. C’est à ces prix-là, parfois, que les choses changent ! Mais le ministre ne peut pas être dupe. Le service 170, c’est la tisane après la mort du robinet et le 24/7, ce n’est pas aussi simple que sur les sentiers capiteux des promesses électorales…
En passant, si nous sommes à 0,1 %près de la même pâte que ceux qui polluent les plages et pourrissent le service 170, qui est responsable du moule éducatif qui devrait nous harmoniser en termes de normes de propreté et d’efficience bureaucratique ?
KC RANZÉ
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