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Bacha et la Raison d’État

6 février 2017, 15:00

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C’est un retour lourd de sens, celui de sir Bhinod Bacha au PMO. Pour son baptême du feu premier ministériel, Pravind Jugnauth semble ne pas vouloir prendre trop de risques administratifs – en faisant revenir le septuagénaire qui a travaillé dans l’ombre de pratiquement tous les Premiers ministres de l’île Maurice pré et post indépendance, de SSR à SAJ. Un bourreau du travail, aux méthodes conservatrices, ayant une maîtrise certaine de la laborieuse machinerie gouvernementale, mais qui serait frustré de ne plus avoir d’Executive Powers, comme au temps jadis.

En décembre 2014, après la chute du régime de Navin Ramgoolam, Bacha a fait pas mal de lobby pour demeurer Special Adviser au PMO. Il lui est physiquement difficile de quitter le pouvoir. Alors que tous les conseillers de Ramgoolam avaient soumis leur lettre de démission, Bacha, lui, a refusé de soumettre la sienne, estimant qu’il a encore «beaucoup à offrir au pays» – et en le faisant savoir dans la presse, au grand dam des hauts fonctionnaires qui se sentaient étouffés. Mais SAJ, vieux renard politique, ne voulait pas entendre parler de lui, en raison surtout de leur fin de cohabitation tumultueuse (dans le cadre de l’incendiaire affaire Bacha) et de l’association subséquente d’un Bacha, libéré et requinqué, avec Navin Ramgoolam.

Il est surprenant qu’aujourd’hui Pravind Jugnauth le repêche après le départ de SAJ. Celui-ci savait pertinemment bien que l’influence du Special Adviser n’était pas au goût des hauts fonctionnaires, dont une bonne partie pensent que des personnages comme Dev Manraj et Bhinod Bacha ne favorisent pas l’éveil et l’émergence des talents au sein de la fonction publique.

Qu’à cela ne tienne, il est important de comprendre le besoin de faire revenir Bacha et de connaître ses attributions exactes (en sus de celles du ministre mentor) afin de favoriser une bonne et saine gestion du pays, surtout avec la valse des hauts fonctionnaires et la scission opérée – ou en opération – au névralgique PMO.

***

Entre-temps, qu’on l’accepte ou pas, qu’on l’aime ou pas, et en attendant que la question soit débattue et tranchée par les instances appropriées (Privy Council et Cour suprême, Parlement), le Premier ministre du jour se nomme Pravind Jugnauth. En tant que tel, il a une sacrée mission sur ses épaules : gouverner le pays, assurer son développement, saisir les enjeux et les challenges, et, enfin, relever les défis politiques, économiques, sociaux, culturels, diplomatiques (surtout avec le Brexit et Trump) tout en assurant le maintien et le respect de la paix et l’ordre public. Ce qui n’est pas une mince affaire.

À l’express, au-delà des vives discussions et condamnations (dont la nôtre) relatives à la passation de pouvoir entre SAJ et Pravind Jugnauth, nous réalisons, avant tout comme démocrates, que la priorité du jour est de diriger le pays et non pas de rester au ras des sempiternels débats politiciens qui peuvent nous retenir en arrière. It is time to move on, diront les anglophones. Aujourd’hui, le seul qui puisse véritablement impacter la nation est bel et bien Pravind Jugnauth.

KC Ranzé le soulignait, à juste titre hier : «Que la cuisine s’en mêle ou pas, que ses casseroles à lui se cristallisent ou pas, que les appréhensions de certains à propos de la ‘mafia’ qui l’entoure se matérialisent ou pas, cet homme qui a jusqu’ici favorisé la discrétion et le réalisme, (mais qui a par ailleurs pris l’énorme risque d’être à la fois chef de parti, chef du pays, chef des finances nationales et chef de la police et de la sécurité intérieure), va jouer sa réputation et, en passant, l’avenir de NOTRE pays...»