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Gouvernance

Aux forceps. C’est ainsi qu’a enfin été lancé le nouveau code de gouvernance en proposition depuis près d’un an. Balloté entre les ministres et leurs querelles internes, parqué dans l’attente d’un d’éclaircissement et enfin, jailli presque de nulle part alors qu’on ne l’attendait plus.
Il est là, ne nous en plaignons pas.
Rédigé dans la plus grande discrétion, le texte traduit un changement de cap dans la manière d’aborder la gouvernance. Si le premier code de 2004 avait des allures de code Napoléon avec des sous-sections précises et rigides, celui-ci, ressemble davantage à un plan architectural. Il propose de grands principes, et, au passage, quelques conseils. Aux utilisateurs de le décorer à leur goût. L’important, ici, n’est pas tant les détails du code que l’esprit du code. Aux utilisateurs de démontrer aux parties prenantes qui les surveillent qu’ils ont vraiment à coeur l’esprit du code.
Soyons optimistes. Au bout de 13 ans de pratique d’une gouvernance rigide, on peut penser que les entreprises mauriciennes ont acquis une certaine maturité. Et qu’il y a, sur la place financière, suffisamment d’observateurs intéressés et avertis pour agir en arbitres de la gouvernance. Pour les plus grandes entreprises, cotées en bourse, tournées vers l’international, soucieuses de lever du capital pour leur croissance, le respect du code devrait être une évidence. Pour elles, les écarts se paient cher : réputation écornée, cours en bourse déprimés.
Soyons pragmatiques. L’idée de cette émancipation accordée aux entreprises, l’idée de lâcher du lest effraie certains. Pour autant, est-ce un projet aussi hasardeux qu’il y paraît ? Dans notre pays-village, toutes les règles de «compliance» méritent-elles d’être prises au mot ? Quand tout le monde connait tout le monde, quand les marchés sont étroits et les actionnariats inter-croisés, chercher à adhérer à tout prix à des règles engendre des situations vides de sens. Lorsqu’il fait office de maquillage plutôt que de sens, le respect des règles trahit l’esprit de la gouvernance, devient contreproductif. Aussi, pour contrer les habitudes d’adhésion de façade, le code invite-t-il plutôt à «Apply and Explain». N’est-il pas plus utile de s’appuyer sur une explication sincère, transparente et pertinente que sur une adhésion hypocrite ? À nous d’en jauger la pertinence, et, par le relais de la bourse, de punir ou pas l’entreprise pour ses éventuels égarements.
Soyons réalistes. Quelle que soit sa forme, un code est un guide, une forte suggestion. Un bouledogue sans dents, diront les plus critiques. Il n’a pas force de loi. Certains l’ont bien compris. Pour ceux-là, le changement d’approche à la gouvernance passera inaperçu. Pour eux, l’observateur «intelligent» est, sans conteste, celui qui est le moins averti et le moins intéressé. Pour d’autres, selon la mode et la saison, seul importera l’avis de Pravind Jugnauth ou de Navin Ramgoolam. Dans ces cas, à défaut d’une police de la gouvernance et des sanctions qui l’accompagnent, il y a fort à parier qu’il ne se passera rien.
Soyons idéalistes. Puisque les partis et les ministres se succèdent au pouvoir, claironnant tous leur attachement à la gouvernance, on peut penser qu’ils exerceront leur influence à donner l’exemple. On peut encore penser qu’ils proposeront au Parlement une loi pour encadrer l’administration de leurs propres partis. On peut imaginer, ici à l’«express», rédiger pour vous, observateurs intéressés et avertis de la démocratie, un dossier sur les finances des partis, sur leurs structures collégiales de prise de décision.
Soyons idéalistes, nous n’avons pas d’autre choix.
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