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Au pays de l’esquive
À force de le pratiquer, on en a fait un mode de vie. Les gouvernants comme les institutions manient aujourd’hui avec dextérité l’art de l’esquive. En face, la population désespère. Pour encourager le pays à affronter ses vieux démons, Business Magazine ouvre ses colonnes à plus d’une quarantaine de contributeurs (chefs d’entreprises, ambassadeurs, économistes, experts-comptables et observateurs) afin de provoquer le débat sur les vrais enjeux qui guettent le pays.
Le ton a été donné la semaine dernière lorsque le Premier ministre adjoint a jeté un pavé dans la mare – asséchée depuis le temps – en évoquant la nécessité de performance dans la fonction publique. Rien de plus normal ? Malheureusement, non. Nous sommes à Maurice ! Ce qui pourrait paraître normal ailleurs ne l’est certainement pas ici. D’ailleurs, à peine les propos d’Ivan Collendavelloo ont-ils été rapportés que des grincements de dents se sont fait entendre.
Pourtant, le numéro deux du gouvernement n’est pas le premier à se plaindre de l’intendance. Il est évident, par les temps qui courent, qu’il ne sera pas non plus le dernier. À l’époque, Navin Ramgoolam, Premier ministre, avait également menacé «les canards boiteux de la République» de représailles. Des paroles en l’air toutefois, car cette mise en garde n’a été suivie d’aucune action concrète. Entre-temps, une poignée de béni-oui-oui s’est emparée des leviers administratifs. Très influente, elle change d’allégeance comme de chemise. Aujourd’hui encore, elle a pignon sur rue et continue de faire la pluie et le beau temps.
Au lieu de proposer une véritable refonte de ce système révolu et inadapté à nos ambitions socio-économiques, les politiques se contentent, une fois au pouvoir, de profiter de l’instant présent. Au mépris des promesses électorales.
Ce n’est pas à la veille du cinquantième anniversaire de l’indépendance que nous verrons un changement de cap. Dire que nous y avons tous cru lorsque sir Anerood Jugnauth a repris les rênes du pays ! On s’est accroché à l’idée qu’il pouvait incarner ce renouveau auquel aspire la population. L’espoir était de mise, d’autant qu’il ne semblait avoir aucun agenda sauf celui de jeter les bases d’une île Maurice moderne. C’est d’ailleurs l’engagement pris en 2014. Presque trois ans plus tard, l’on se rend compte de notre naïveté.
Au vu des scandales qui émaillent les médias ces jours-ci, il est permis, comme le Cardinal Maurice Piat, de se demander si nous n’avons pas, finalement, les politiciens que nous méritons. Difficile de ne pas avoir de doutes quand des institutions et non des moindres, à l’instar de la présidence de la République, sont éclaboussées.
Avec la prochaine rentrée parlementaire, il faudra s’attendre à ce que les oppositions – elles sont plusieurs désormais à vouloir le scalp du gouvernement – fassent feu de tout bois. Quant au gouvernement, sa posture est facile à deviner. Tel a été le cas sous Ramgoolam également : esquiver au maximum les tirs de barrage tout en repoussant les demandes de commissions d’enquête.
Ce sera donc l’escalade entre les opposants et le pouvoir dans les jours à venir. Dans une telle conjoncture, ce serait faire preuve d’une grande crédulité que de penser que les véritables enjeux bénéficieront d’une quelconque attention. Et pour ne pas changer, le pays continuera à avancer en mode pilote automatique.
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