Publicité

Sans peur, ni faveur !

19 mars 2017, 07:38

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

En fin de semaine, sur mon bureau de Directeur des publications, deux papiers timbrés dans deux belles enveloppes. Signés du même avoué. Il se reconnaîtra.

Le premier papier timbré s’avère être une plainte au nom de Bissoon Mungroo, réclamant à La Sentinelle des dommages et intérêts d’une dizaine de millions de roupies, en raison d’un article faisant état de l’ordre de saisie contre le Monsieur et ses partenaires en affaires. Ceux qui avaient, en 2016, presque en catimini, fait l’acquisition de 43 véhicules d’Iframac pour… Rs 6,5 millions seulement, après la mise en liquidation de cette firme dans le sillage du démantèlement de l’empire Rawat. Or, celui qui fête les anniversaires de sir Anerood Jugnauth, au Manisa, n’avait pu régler, par la suite, le solde de la dette, soit un peu plus de Rs 3 millions. Et comme Bissoon Mungroo avait refusé de régler la note, l’administrateur spécial d’Iframac Ltée, Yacoob Ramtoola, avait réclamé la saisie des véhicules. Et pour nous, c’était dans l’intérêt public d’en parler. Ce que conteste Bissoon Mungroo (qui a par ailleurs fait la première une de BonZour, le nouveau quotidien apolitique de notre groupe de presse).

À vrai dire, Mungroo, pour nous, c’est de la petite bière, en comparaison au milliardaire Sobrinho et à ses tentacules transnationaux.

Alors qu’ils sont nombreux à attendre d’être dédommagés après la chute de la BAI, cet affairiste a pu, lui, obtenir ces véhicules et au moins un contrat de transport d’employés d’une compagnie parapublique. Le tribunal de l’opinion s’est déjà chargé de lui et d’autres personnages du même acabit, comme le pandit Sungkur.

En revanche, le deuxième papier timbré (qui nous réclame plus de Rs 100 millions) constitue, à nos humbles yeux de journaliste mauricien, une menace directe contre notre liberté de presse. Mais,malgré les pressions, nous ne comptons pas nous laisser faire, encore moins présenter des excuses comme nous l’intime Ivan Collendavelloo, qui se prend pour un juge extrajudiciaire contre la presse. L’affaire Sobrinho, comme les affaires de Mungroo,relèvent de l’intérêt général. Selon nous.

* * *

Sous le régime des Jugnauth, comme sous celui de Ramgoolam – je me limite à ces quatre dernières années –, les mises en demeure se sont fait particulièrement fréquentes. Cela ne nous a jamais empêchés de travailler librement. Les menaces ne proviennent pas seulement des avocats, souvent grassement payés pour défendre la cause de leurs clients, louches ou pas, mais elles proviennent surtout d’une catégorie d’avocats politiciens qui ont envahi notre système politique. Et qui tentent, difficilement et laborieusement, de nous museler. Ils perdent pratiquement toujours.

«La liberté d’expression et d’information a comme limite le respect des droits, de l’intégrité et de l’image d’autrui», a déclaré en Cour, à Luanda, Fernando de Oliveira, un des avocats des sept généraux qui contrôlent militairement la zone riche en diamants en Angola.Là-bas, ça marche.

Qu’à cela ne tienne, nous, on ne compte ni présenter des excuses ni s’incliner devant Sieur Álvaro Sobrinho, dont on  sait que le père ne possédait qu’un modeste supermarché à Luanda et qui aujourd’hui jongle, miraculeusement (?) avec des milliards, qu’il veut investir à Maurice, avec la bénédiction d’Ivan Collendavelloo.

* * *

Retenez bien son nom : Rafael Marques, journaliste angolais, poursuivi par sept généraux du président Dos Santos, et condamné à six mois de prison avec sursis après la publication de son livre sur des violences commises dans une région de mines de diamants. La justice angolaise, qui s’agenouille devant la clique du président Dos Santos (au pouvoir depuis trop longtemps), a ordonné le retrait du livre de Marques, y compris sur Internet.

La condamnation de Rafael Marques illustre,s’il le fallait, une réelle dégradation de la situation de la liberté d’expression dans le pays. Dans une interview accordée au Guardian, Rafael Marques a assuré qu’il était tout à fait serein : «Je n’ai pas peur d’être arrêté, ce sera une bonne occasion de travailler sur les droits de l’homme en prison.»

À l’express, contre ceux qui veulent nous empêcher de faire notre travail ou de nous intimider avec des papiers timbrés, nous adoptons la même ligne. Without fear or favour. Et nous sommes disposés à combattre pour que les faits, surtout ceux dans le sillage du scandale Sobrinho, émergent par eux-mêmes. Afin que le public décide.

 Collendavelloo et consorts réalisent-ils seulement ce qu’un Rafael Marques pourrait révéler sur Sobrinho et consorts ? Et ce que cela entraînerait comme médiatisation sur le plan international ? Savons-nous seulement à qui nous avons affaire, quand nous disons que son argent est propre ?