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Souriez Maya, vous êtes filmée

29 mars 2017, 08:53

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«Parliament TV», c’est désormais le canal 6 de la TNT. Une chaîne qui, depuis mardi 28 mars, après une période de tests l’année dernière diffuse, en direct, les travaux de l’Assemblée nationale et propose même son contenu en livestream et en podcast sur le site parliamenttv.govmu.org. Il s’agit indéniablement d’une énorme avancée dans l’âme démocratique de notre système politique westminstérien.

La retransmission des travaux parlementaires met enfin un terme au monopole de la MBC sur les images du déroulement d’une séance. Les radios privées et sites d’information peuvent enfin diffuser en direct, et même choisir, éditer, et rediffuser des extraits qu’ils estiment pertinents à leurs audiences respectives. Cela permet, et c’est la baseline, aux électeurs, de voir et d’évaluer la performance de ceux qu’ils ont choisi comme représentants à l’Assemblée nationale sans que leur vision ne soit brouillée et leur jugement corrompu par ce que la MBC aura choisi de leur montrer et de leur faire entendre après des charcutages aussi minutieux que rusés. C’est positif, non seulement dans l’esprit mais également dans la pratique. La seule séance des questions aux ministres diffusée en direct sur la page Facebook l’express après la pause-déjeuner a été vue plus de 30 000 fois, partagée avec un reach de 350 000 utilisateurs et a recueilli près de 2 000 commentaires. 

Nonobstant cela, il est facile de prouver que Parliament TV c’est aussi – voire surtout – de la communication. Et cela commence par l’image de Maya Hanoomanjee. Mardi 28 mars, à aucun moment nous n’avons eu droit à un plan serré sur la Speaker. Ses intempestifs «order, order» n’ont été montrés que dans des plans larges où elle est complètement au fond à 20 mètres en contrebas de la caméra centrale. Ceux qui s’étaient délectés de la séquence où elle s’était disputée avec Paul Bérenger en octobre 2015, avec la fameuse phrase «If you are saying shame on me Hon. Bérenger, then I order you out», seront déçus. Maya Hanoomanjee a choisi de ne pas être la présentatrice vedette de Parliament TV

Par contre, elle veut bien en être la directrice ou la chef d’antenne. C’est elle qui a rédigé les règles d’utilisation d’images remises à chaque média après que leurs représentants en aient paraphé, comme un contrat, chaque page. Ce document stipule, dans sa toute première phrase, que les règles «visent à préserver la dignité de l’Assemblée nationale». Cet objectif se traduit dans les paragraphes suivants, où des consignes précises sur les prises d’images sont données au Manager of Broadcast (réalisateur), recruté par l’Assemblée nationale. Il se retrouve avec des règlements qu’aucune école audiovisuelle n’enseigne. 

Il doit tout faire pour éviter que sa retransmission ne soit trop moderne, trop attractive et trop «show». Il lui est, par exemple, interdit d’avoir recours à des plans serrés (généralement utilisés pour montrer les émotions). Les députés doivent être montrés avec des plans moyens (tête et épaule). Interdiction formelle aussi d’utiliser des split-screens (montrer, en divisant l’image en deux, au même moment deux sujets filmés avec des caméras différentes). Ainsi, nous n’avons pu voir le visage de Xavier-Luc Duval au moment où Nando Bodha le taclait sur l’autoroute Terre-Rouge-Verdun. Il lui est aussi interdit de filmer des députés si ceux-ci ne sont pas concernés par les débats. Quoiqu’avec un peu de cran, il aurait pu nous proposer la réaction de sir Anerood Jugnath quand Xavier-Luc Duval a utilisé le terme «urinating» pour se référer à la dernière déclaration du ministre mentor. Le réalisateur ne peut même pas proposer un «balayage», plan qui aurait pu permettre de montrer, en chaîne, le comportement des députés. Il ne peut que filmer celui qui a la parole et proposer, de temps en temps, des plans larges montrant l’ensemble de la chambre. Mais l’interdiction la plus loufoque, c’est celle-ci : il n’a pas le droit de filmer la Speaker quand celle-ci reçoit des conseils de ses clercs ! C’est écrit noir sur blanc ! Et quand il y a du désordre, le réalisateur doit impérativement se cantonner au plan large sans en montrer les auteurs et les victimes. Mardi 28 mars, le réalisateur a «réussi» son premier jour. Sa chef d’antenne doit en être satisfaite. À lui de voir s’il le prend comme un compliment.

Surviennent ensuite les règlements aux «rediffuseurs» (radios et sites d’information). En direct, il est strictement interdit de commenter ou de décrire ce qui se passe. Même si cela peut être un handicap, on évitera de s’en offusquer outre-mesure, car concédons-le, une séance parlementaire, ce n’est pas un match de foot. On ne se froissera pas non plus de l’interdiction de proposer de la pub avant ou après la diffusion des travaux parlementaires. C’est même une bonne chose. 

Mais Maya Hanoomanjee pousse le bouchon terriblement loin quand elle interdit l’utilisation des images de Parliament TV dans les émissions de «satire politique». C’est un coup dur pour la 2e saison de l’émission «Menteur Menteur», actuellement en préparation par les rédactions de l’express et lexpress.mu. La séance de mardi 28 mars a été, à elle seule, une mine. Mais Maya Hanoomanjee n’a visiblement pas le sens de l’humour. Même filmée, elle refuse de sourire.