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Pour Michaela, Vanessa, Nadine et tous les autres…

3 avril 2017, 07:12

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Pour Michaela, Vanessa, Nadine et tous les autres…

 

La chambre 1025 n’existe plus. On a tout nettoyé, tout repeint, tout refait, les murs, le mobilier. L’hôtel Legends a changé de nom – il s’appelle désormais Lux* Grand-Gaube – mais les souvenirs d’une lune de miel qui a viré au cauchemar sont intacts, plus de six ans après le drame humain, et hantent toujours les esprits, à Maurice, en Irlande, à travers la planète Web ou la planète tout court.

C’est davantage qu’une question de sous. Déjà près de 65 millions de roupies ont été payées à l’époux de feue Michaela Harte et à ses proches par l’hôtel. Quant aux deux suspects, anciens employés de Lux*, libérés depuis, mais habités toujours par cette affaire irrésolue, ils sont passés, sur les conseils de leurs hommes de loi, eux aussi, à l’offensive et réclament des millions à l’État pour traumatisme et stress subis. Personne ne veut plus les employer…

Quelques années après le drame, les choses ont changé. Pas pour le mieux. Des enquêteurs sont à la retraite ou postés ailleurs. Les travaillistes (dont le leader a étudié en Irlande) ne sont plus au pouvoir. John McAreavey a épousé Tara Brennan, qui le soutient dignement dans son combat pour trouver le ou les assassins de Michaela Harte. C’est devenu, pour le veuf de Michaela, un devoir de mémoire envers celle qu’il aimait (qu’il aime encore), outre d’être une question d’honneur – à un moment il a été soupçonné par notre police (entre autres à cause d’une bande vidéo-CCTV trompeuse qui est venue compliquer la donne ou rajouter à la peine des proches). Par la suite, sous les pressions venant de tous les horizons, sans explication aucune, la police a préféré réorienter son enquête. Et la demande pour une commission d’enquête a été balayée d’un revers de la main… et depuis on attend. On attend quoi ? Personne ne sait.

 

Puis il est venu samedi. C’est précisément pour faire éclater la vérité que John McAreavey a débarqué à Maurice avec l’objectif avoué – et salutaire – de relancer une enquête policière qui a été malmenée depuis le début et qui depuis piétine. Et qui ne cesse d’entacher la réputation de Maurice non seulement en Irlande ou en Grande-Bretagne, mais aux yeux de tout internaute souhaitant venir en vacances en général, ou en lune de miel en particulier, à Maurice – en raison de la taille de notre pays, un incident dans un hôtel en particulier rejaillit sur l’ensemble du territoire et des établissements, indépendamment de leur niveau de sécurité. Google enregistre notre moindre faux pas, n’est-ce pas ?

À vrai dire, ni le changement de nom d’un établissement hôtelier, ni le paiement de millions en compensation ne pourront effacer ce qui s’est passé ce 10 janvier 2011 à Grand-Gaube. Le Dr Ramchandra Sunassee qui a examiné le corps de Michaela en premier, ou le témoin vedette Raj Theekoy, ancien valet de chambre, sont du reste marqués à vie et essaient de tourner la page. Mais ce qu’ils vivent n’est rien en comparaison au drame que vit John McAreavey, dont beaucoup avaient pensé qu’il voulait tourner la page…

Sa présence chez nous, filmée pas à pas par une équipe de la BBC (avec laquelle nous collaborons), va non seulement relancer l’affaire, mais va aussi braquer les projecteurs sur notre système de justice criminelle archaïque, qui n’a pas su se moderniser près de 50 ans après notre indépendance des… Britanniques.

Nous sommes, dans une large mesure, encore au stade où des policiers brutalisent des suspects pour recueillir des témoignages, quand ils ne manipulent pas des dépositions dans des registres officiels.La fin, ou notre police, justifie les moyens. Nous sommes bien loin des méthodes d’investigation qu’on voit dans des séries policières des États-Unis, genre NCIS.

Tant mieux si John McAreavey arrive à nous faire prendre conscience de nos lacunes. Car il n’y a pas que Michaela et ses proches qui réclament justice afin de pouvoir faire leur deuil. La liste est longue, de Vanessa Lagesse à tant d’autres, en passant par Nadine Dantier…