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Vaghjee, cousines, cuisine

9 avril 2017, 14:54

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© Coll. Govt Information Services. (De g. à dr.) Harilal Vaghjee, Seewoosagur Ramgoolam et Aunauth Beejadhur lors de leur élection comme membres du Conseil législatif en 1948.

Le meilleur Speaker de tous les temps fut sans conteste sir Harilal Ranchhordas Vaghjee décédé en 1979 mais qui récoltait encore les éloges de Paul Bérenger le mercredi 5 avril 2017, soit 38 ans après.

Harilal Vaghjee fit son entrée au Conseil législatif à l’issue des élections du 10 août 1948. Les districts de Pamplemousses et Rivière-du-Rempart élisaient trois députés. Le Parti travailliste n’était pas encore structuré mais Vaghjee et deux autres candidats de sensibilité travailliste, Seewoosagur Ramgoolam et Aunauth Beejadhur, furent aussi élus. Vaghjee se fera élire encore en 1953 pour les deux districts du Nord. En 1957, les Britanniques introduisirent un système ministériel et Vaghjee en fit partie. Il devint aussi en 1957 le Deputy Speaker pour épauler le Britannique sir Robert Stanley.

Avant les élections générales de 1959, le pays fut doté de 20 circonscriptions à député unique. Le Nord n’obtint pas moins de sept circonscriptions (Montagne-Longue, Triolet, Pamplemousses, Grand-Baie, Poudre-d’Or, Piton et Rivière-du-Rempart). Ramgoolam se présenta à Triolet, Beejadhur à Rivière-du-Rempart et Vaghjee à Grand-Baie. Ramgoolam et Beejadhur se firent élire sans difficultés mais Vaghjee fut battu par le néophyte de l’Independent Forward Block (IFB), Rameshwar Jaypal.

Onde de choc

La défaite de Vaghjee, avocat et homme fort cultivé, créa une onde de choc mais le 22 mars dans un Conseil législatif largement dominé par les travaillistes, Vaghjee fut élu Speaker, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort en 1979. Vaghjee fut bien accepté par l’opposition représentée par le Parti mauricien (PM) devenu plus tard le PMSD de même que par l’IFB.

Sa maîtrise de la loi, de la procédure parlementaire, de l’anglais et du français de même que son impartialité intrinsèque (des rulings contre sir Seewoosagur Ramgoolam lui-même), son respect du fairness et son sens de l’humour donnèrent à Vaghjee de la hauteur pour dominer la Chambre bien que des turbulents comme Gaëtan Duval, Harold Walter et Razack Mohamed se laissaient souvent emporter. Un soir, les grosses pointures étant toutes grisées par un excès de whisky et de vin durant le dîner – on servait des boissons alcoolisées jusqu’en 1982 ! – une bagarre générale était sur le point d’éclater entre parlementaires des deux côtés de la Chambre. Vaghjee se leva et tout le monde s’assit comme des écoliers tant son autorité était respectée. Vaghjee déclara : «Eh vous autres, je vois que certains parmi vous ont pris un verre de trop. Ne savez-vous pas que nous les parlementaires ne sommes pas censés consommer de l’alcool ?» Sur ce, tout le monde s’esclaffa de rire car Vaghjee était connu comme un bon vivant hors classe. Et les travaux se poursuivirent sans incident.

Ramesh Jeewoolall successeur du gigantesque Vaghjee

Vaghjee conserva son poste après l’indépendance car provision fut faite dans la Constitution pour qu’il reste Speaker tant qu’il vivrait. Mais il mourut en 1979. Ramesh Jeewoolall élu en tête de liste comme candidat travailliste dans le n° 7 aux élections générales de 1976 fut désigné comme successeur du gigantesque Vaghjee.

Avocat de profession, Jeewoolall ajouta une épaisseur charismatique à son poste lorsqu’il fut fait chevalier de la Reine, devenant de ce fait l’un des plus jeunes sirs dans l’histoire du pays. À part quelques incidents de violentes prises de bec entre les jeunes révolutionnaires du MMM et les vétérans du gouvernement, le Speakership de Jeewoolall se termina sans incident majeur touchant à ses fonctions.

Ajay Daby devint Speaker

Après le 60-0 de 1982, c’est toujours un jeune Speaker en la personne d’Alan Ganoo qui occupa la chair. Pour une courte durée car après les élections de 1983, c’est un plus jeune encore, Ajay Daby, qui devint Speaker. Aux allures de popstar, au volant de sa BMW avec des écouteurs vissés dans les oreilles, Ajay Daby donna du fil à retordre au MMM battu dans des circonstances traumatisantes aux élections de 1983.

Les relations s’envenimèrent entre le Speaker Daby qui s’avéra coriace et le MMM. L’organe du MMM, le Nouveau Militant, alla même jusqu’à lui donner le titre de «bachara». Daby conserva son poste jusqu’en 1990 quand le MSM conclut une alliance avec le MMM. Comme Vishnu Lutchmeenaraidoo et Dinesh Ramjuttun, Daby ne cacha pas son opposition à la nouvelle alliance. Cette fois il fut dénoncé par le journal du MSM, le Sun, qui l’affubla de plusieurs noms dont celui de «Ti-Caporal».

Iswardeo Seetaram succéda à Daby

À un certain moment, Daby poursuivit le Sun et lui réclama des dommages d’un montant record. Mais il ne put résister à la machine de guerre du MSM et s’avoua vaincu, devenant le premier Speaker à perdre ses fonctions suivant une action politique concertée. Incroyablement, le même Daby fut nommé Drug Commissioner par le MMM-MSM en 2000.

Iswardeo Seetaram succéda à Daby, devenant de ce fait le premier Speaker non légiste de l’histoire. Il devait impressionner par la suite par sa maîtrise de la procédure et des traditions parlementaires. Il allait consacrer toutefois la nouvelle tendance établie par Daby qui faisait du Speaker un instrument incontournable dans l’exercice du pouvoir par l’exécutif politique. Car graduellement depuis l’indépendance du pays, on a assisté à une érosion des grandes traditions britanniques.

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le Speaker avait cessé de désigner les parlementaires comme First Member of Constituency of Port Louis South and Port Louis Central mais carrément comme Mr Bhayat. L’autre soir, c’était pathétique de voir comment le Deputy Speaker Sanjeev Teeluckdharry faisait allusion à Mr Bérenger, Mr Bérenger, Mr Bérenger. Au fait, un Speaker digne de ce nom aurait dû l’appeler Honourable Third Member from Stanley-Rose Hill.

Dev Ramnah accéda au poste de Speaker

Après les élections de 1995, le nouveau gouvernement changea les règles du jeu, fort de son écrasante majorité de 60-0 face au MSM, pour permettre à des outsiders de devenir Speaker. On fit ainsi appel au vétéran Ramesh Jeewoolall pour occuper le poste de Speaker de nouveau.

Après les élections de 2000, suivant la victoire du MSM-MMM, c'est l’ancien policier Dev Ramnah devenu avocat et élu dans le n° 5 qui accéda au poste de Speaker. De caractère amorphe et dépourvu de charisme, Ramnah n’a pas laissé d’éternels souvenirs.

 Kailash Purryag fut désigné Speaker après les élections de 2005.

Apres les élections de 2005 avec le retour de Navin Ramgoolam au pouvoir, l’outsider Kailash Purryag qui ne s’était pas présenté aux élections fut désigné Speaker, dans la tradition de Ramesh Jeewoolall. Quand Purryag devient président de la République en 2012, Razack Peeroo lui succéda. Purryag et Peeroo, vétérans des années 1970, furent plus ou moins fair et impartiaux dans leurs fonctions.

Razack Peeroo succéda à Kailash Purryag comme Speaker quand ce dernier devint président de la République.

Après les élections de 2014, l’équipe victorieuse fit appel à un élément battu pour devenir Speaker. Deuxième non légiste après Seetaram, première femme présidente de la Chambre, Maya Hanoomanjee a bien vite renoué avec les traditions MSM d’antan, se faisant zapper comme fighter dans l’engrenage de l’Establishment, nullement s’embarrassant de cacher ses préférences. Comme pour prendre part, par exemple, à une fête à la Clarisse House. Fête familiale car elle est la cousine de lady Sarojni Jugnauth, pendant longtemps la première dame, maintenant lady Mentor. Entre cousines, il y a toujours une cuisine qui rassemble.