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Anti-Système
Le monde commence à s’y faire. Ce qui, hier, sortait de l’ordinaire se banalise, de plus en plus, ces temps derniers.
Quinze ans après l’élection inimaginable de Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle française – une première véritable fissure dans le système politique dit «mainstream» du pays des droits de l’homme ; dix mois après le choc du référendum en faveur du «British Exit» (ou Brexit), où 51,9 % des Britanniques devaient choisir de quitter l’Union européenne (UE) ; presque cinq mois après l’élection surprenante de Donald Trump à la tête de la première puissance économique mondiale, Marine Le Pen s’est facilement qualifiée, dimanche, pour le second tour de la présidentielle française. Le Front national n’est désormais qu’à une marche de l’Élysée ! Cela fait frémir.
La progression de l’extrême droite aura été fulgurante. En 2002, Jean-Marie Le Pen avait rassemblé 4,8 millions d’électeurs pour se qualifier (16,86 %). Depuis, le Front national, surfant allègrement sur une vague nationaliste face aux chamboulements liés à la mondialisation et à la flambée du néo-terrorisme, a engrangé plusieurs succès électoraux (municipales, européennes) et ce, jusqu’au score record de dimanche soir : environ 7,7 millions de voix pour Marine Le Pen.
Contrairement à 2002, la France subit, cette fois-ci, un double revers historique : le succès inquiétant du Front national couplé à la double défaite des socialistes et des Républicains. C’est la première fois, sous la Ve République, qu’aucun de ces deux grands partis politiques ne sera présent au second tour. Un véritable séisme.
Autant il importe de cerner les causes de la progression de l’extrême droite non seulement en France (mais à travers l’Europe et d’autres parties du monde), autant il faut réaliser que la victoire d’Emmanuel Macron s’inscrit dans la même logique (ou le même terreau) que la performance des Le Pen. Comme Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est présenté comme un candidat qui n’est ni à gauche ni à droite, bref qu’il est anti-système. Fait notable : même s’ils revendiquent l’étiquette «anti-système», les deux finalistes sont sur le plan programmatique aux antipodes. Le summum de leurs divergences : l’Europe. Macron est pro-européen et parle à Angela Merkel, Le Pen veut sortir de l’Europe, ou prône une Europe des nations, et cultive des zones de convergences avec Vladimir Poutine, qu’elle a rencontré récemment.
C’est quoi être «anti-système» ? C’est une prise de distance vis-à-vis des blocs constitués dans le paysage politique. Le positionnement de Macron s’inscrit dans une démarche significative, particulièrement visible au sein de la gauche : l’auto-implosion. L’effritement des blocs politiques se confirme aussi au niveau de la droite républicaine. Cela se raffermit, surtout, lors des primaires : une candidature n’est plus désignée par des militants, mais par tout un chacun. Auparavant, un candidat était celui d’un parti, ce n’est plus le cas. Aujourd’hui des personnes s’affrontent par images et medias interposés, et non pas par rapport à un programme ou des idées. À 39 ans, Macron a joué sur sa jeunesse pour ringardiser Fillon, Mélenchon, Hamon, Poutou et compagnie. Il n’a jamais été élu : un bon point pour lui, alors que d’autres mettaient en avant leur longue expérience.
Mais comment prouver que l’on est bien le candidat anti-système ? Le journaliste Olivier Benis, de France Inter, a analysé les comportements des candidats : «Pour beaucoup, la réponse est très simple : il suffit de prouver que le système est contre vous. Si vous apportez les preuves que le système (politique, médiatique, financier) cherche à vous couler, c’est bien que vous représentez un danger pour lui.» Marine Le Pen, elle, ne se prive pas de rappeler que : «Il y a trente ans, les gens jetaient nos tracts par terre ; il y a vingt ans, ils faisaient semblant de nous ignorer, aujourd’hui, ils discutent avec nous. Ils ne peuvent plus nous ignorer.»
Si les adversaires de Macron aujourd’hui se voient obligés de se rallier derrière lui, c’est qu’ils ont compris une chose : anti-système ou pro-système, il y a, au final, une course qui se jouera le 7 mai. Et entre un adversaire politique et une ennemie de la République, le choix est clair. On verra qui des deux anti-système l’emportera...
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