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Stature
ll n’a échappé à personne encore moins aux économistes et aux opérateurs, que le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a choisi une estrade politique le 1er mai dernier pour redéfinir ses priorités économiques. Du coup, les quelques centaines de partisans qui ont bravé le mauvais temps pour écouter Jugnauth fils pour la première fois en tant que nouveau chef du gouvernement ont dû ingurgiter à la fois ces mots sur les risques inflationnistes, sur la croissance économique atone ou encore sur la crise dans la zone euro.
Sans doute, les communicants de Jugnauth fils ont proposé à Pravind Jugnauth d’élever le débat en endossant le costume de Grand argentier pour occuper l’espace économique le temps de ce meeting. Erreur de casting, diront certains, alors que d’autres se réjouissent de cet exercice de marketing à quelques jours de son grand oral.
Il va sans dire que les «spin doctors» du Premier ministre ont voulu frapper un grand coup de «com» en multipliant ses rencontres prébudgétaires avec tous les «stakeholders» du pays, dont les capitaines d’industrie, avec la cerise sur le gâteau, l’interview dite «exclusive» à la MBC sur ses 100 jours passés au bâtiment du Trésor. Belle affiche, n’est-ce pas ?
Il reviendra à la population et aux observateurs politiques et économiques de juger sur pièces s’il a été convaincant et crédible par rapport à ces exercices de «comm». Car en se confiant exclusivement, par exemple, à la MBC, qui devient honteusement une caisse de résonnance du gouvernement chaque jour, Jugnauth fils a balayé d’un revers de main le jeu des questions-réponses légitime de la presse en pareille occasion, un exercice somme toute très démocratique. Dommage… Car se fier uniquement à la MBC pour passer des messages importants au pays relève de réflexes d’un autre temps, indignes d’un Premier ministre moderne.
Il est regrettable qu’alors que de gros enjeux économiques se dressent sur la voie du monde, que la mondialisation est sous le feu des critiques, pointée du doigt comme responsable de la hausse des inégalités et du chômage des plus démunis, que le protectionnisme est revenu une option économique aux États-Unis de Donald Trump et une thématique de campagne pour la frontiste Marine Le Pen lors des récentes présidentielles françaises, que l’Europe redéfinit sa configuration avec le retrait programmé de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, que l’Afrique croule sous le poids de la dette avec ses deux puissances économiques, le Nigeria et l’Afrique du Sud, souffrant de crises politiques et économiques internes, la population aurait aimé entendre le diagnostic de Pravind Jugnauth face à ces problématiques planétaires. Ce qui lui donnerait une certaine stature face à sa fonction.
Il n’en a pas été ainsi mais on peut se consoler à l’idée qu’il a enfin décidé de replacer l’économie au centre de ses priorités après une succession de scandales, révélés au grand jour par une opposition requinquée, qui ont miné son gouvernement depuis sa prise de fonction en janvier dernier.
Au moment de son accession à ce poste, certains opérateurs avaient douté de la capacité de Pravind Jugnauth à assumer correctement les deux responsabilités dont il a la charge : Premier ministre et ministre des Finances. Or, force est de constater que ses responsabilités de Premier ministre prennent visiblement le dessus sur ses fonctions de Grand argentier. Il peut invoquer le passé où il y a eu des précédents mais c’était de courte durée. Le contexte a visiblement changé où le détenteur de ce portefeuille doit se prévaloir d’une parfaite maîtrise de grands enjeux économiques mondiaux.
Pravind Jugnauth doit comprendre que ce n’est pas en répondant présent à une fonction à caractère financier et économique pour lire un discours, préparé d’ailleurs par ses conseillers, qu’il est en train de «deliver» comme ministre des Finances. Ou encore en multipliant la présence de son super-conseiller Gérard Sanspeur sur des conseils d’administration…
Il faut malheureusement bien plus que cela pour remettre le moteur économique du pays… en marche ! On ne cessera de le répéter, le poste de ministre des Finances relève d’une responsabilité à part entière. S’il n’a pas encore compris cela en 2017, alors il n’a rien compris.
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