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Bravo Maurice
«Cette nuit de vol et ses cent mille étoiles, cette sérénité, cette souveraineté de quelques heures, l’argent ne les achète pas.»
Terre des hommes (1938) d’Antoine de Saint-Exupéry
Savourons-la ! C’est une victoire historique que la délégation menée par Anerood Jugnauth a arrachée hier, à New York. Le vote d’hier marque un tournant important dans la longue lutte pour boucler notre parcours de décolonisation. Une majorité de pays, encore opprimés comme nous, l’ont compris. La mondialisation ayant entre-temps rouvert les plaies béantes du passé et les yeux du présent.
Nous n’avons gagné qu’une bataille, pas la guerre. Ce n’est qu’une étape, et la route, avant la victoire finale, reste encore ardue, voire tordue. Après l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, il y aura bien d’autres batailles à mener, avant la victoire finale, si tant qu’elle est possible. Mais ce sentiment de savoir que nous ne sommes pas seuls au monde face à la perfide Albion est drôlement réconfortant. Surtout après nos déboires diplomatiques (candidatures mauriciennes à l’OMC et pour la Francophonie, par exemple).
Certes, 65 pays, craignant sans doute des représailles de Londres et de Washington, DC, se sont abstenus, mais il demeure rassurant de constater que les Britanniques et les Américains, malgré tous leurs moyens et muscles, n’ont pu aligner qu’une poignée de pays pour contrer l’offensive mauricienne. Parmi eux, la France de Macron qui, nonobstant St-Exupéry, s’est rangée durablement derrière les intérêts des administrations de May et de Trump. À cause de Tromelin ou de Mayotte, ou des réflexes coloniaux tenaces ?
Ayant provoqué un sérieux embarras diplomatique, devrions-nous nous attendre à des représailles de Londres et de ses alliés du Nord ? Pourtant, nous n’avons rien fait d’autre que de demander un avis consultatif de la plus haute instance juridique internationale – d’autant que ce n’est pas un avis contraignant. Pendant plus de trois décennies, nous avons tout tenté sur le plan bilatéral malgré les dirty tricks de Londres, qui a poussé, très loin, le bouchon du divide and rule entre, d’une part, les politiciens mauriciens et les Chagossiens, et de l’autre, entre les Chagossiens eux-mêmes. Le déclic est sans doute venu de la décision du Tribunal arbitral de la mer, en mars 2015.
C’est dire, qu’outre SAJ, la lutte pour recouvrer les Chagos est le fruit d’efforts collectifs : de Paul Bérenger à Navin Ramgoolam, de Fernand Mandarin à Olivier Bancoult en passant par Lalit, sans oublier nos diplomates, notre société civile, la diaspora, les étudiants mauriciens, le mouvement des non-alignés, dont l’Inde, entre autres. Qui ont compris que le respect de la souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux, comme l’avait fait ressortir la CIJ dans un de ses récents avis…
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Ironie du destin ou pure coïncidence. Hier, en ce jour du vote pour traîner les Britanniques devant la CIJ, la Cour suprême de Maurice a autorisé le Directeur des poursuites publiques à aller devant le Conseil privé de la Reine pour contester l’acquittement de Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint. Le Privy Council, même s’il peut être contourné par les Orders in Council, demeure indépendant – et c’est peut-être, sur le plan du Rule of Law, l’une des rares bonnes choses que nous a léguées la colonisation britannique...
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