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Seul contre tous

Démissionner est une chose ; si courageuse soit-elle. Remporter les élections en est une autre. Si Bhadain l’ignorait, il l’apprend aujourd’hui. Pressé de donner à sa démission, le caractère d’un combattant, n’ayant pas froid aux yeux, qui s’en va-t-en guerre contre le gouvernement, voilà que l’ancien député de Quatre-Bornes se retrouve seul contre tous dans l’arène. Ses prétendus supporters d’hier se transforment en adversaires. Et, du coup, il va devoir livrer bataille, non seulement contre le gouvernement – qui jusqu’ici ne se précipite nullement pour une candidature – mais, contre tous les partis de l’opposition, qui semblent trouver dans cette partielle une occasion de mesurer leurs forces sur l’échiquier politique.
La tactique de Bhadain est fichue. Lui qui voulait donner un air de référendum contre Pravind Jugnauth et les siens à cette partielle, doit revoir ses cartes. L’heure est à l’attaque contre ceux qui étaient jusqu’ici dans la même rangée que lui à l’Assemblée nationale : les partis de l’opposition ; sans compter les autres regroupements. Pourtant, il y à peine quelques jours, alors qu’il était sur le point de démissionner, Bhadain, interrogé par une journaliste sur la posture de l’opposition, déclarait, très sûr de lui après une session parlementaire : «Ounn guett sa respons de tous les partis de l’opposition quinne deboutt ensam, quinne tappe la tab.» Il avait juste oublié que les intérêts politiques balaient tout sur leur passage, y compris un semblant d’unité de façade à travers des «tap la tab» sporadiques.
Désormais, en manque de soutien, l’ancien ministre de la Bonne gouvernance place gouvernement et opposition - qu’il traite dorénavant «d’opportunistes» - dans la même ligne de mire. Il ne peut plus concentrer ses missiles sur les têtes majoritaires de l’Assemblée nationale. Il tire dans le tas et a même invité les électeurs à sanctionner les candidats de l’opposition. Au fond, il n’a pas beaucoup de choix quand il découvre que même le PMSD laisse courir le bruit d’une candidature. Parce que, s’il y avait un soutien sur lequel Bhadain comptait le plus, c’était définitivement sur celui de Xavier Duval. Ce dernier était devenu son allié - les deux ayant divorcé avec fracas du mariage Lepep – après que l’un, Bhadain, ait accepté la proposition d’être sur le front bench de l’opposition, alors que l’autre, Duval, a fait acte de présence au lancement du Reform Party. Nouvelle expérience de l’amitié conjoncturelle en politique pour Bhadain ?
En tout cas, le chef du Reform Party ferait preuve de naïveté s’il n’avait pas envisagé parmi ses options que : (i) il ne serait pas le candidat «consensus» de l’opposition, (ii) sa démission provoquerait un rapport de forces dans ce camp-là ; avec les partis traditionnels profitant de cette partielle de Quatre-Bornes pour s’échauffer et lancer quelques messages.
Ainsi, l’on aura entendu Bérenger affirmer, à conférence de presse hier, que le MMM ne contractera pas d’alliance aux prochaines législatives avec le PTr, fut-ce Boolell qui prendrait le leadership rouge. C’est dire que, plus que l’élection partielle, les partis se mettent en mode test d’un futur scrutin national. Mais que ce soit dans le camp mauve ou rouge, à voir le profil sociologique des candidats alignés, force est de constater que, tristement, c’est le critère castéiste qui a, une nouvelle fois, primé avec les candidatures annoncées. Si le MMM, qui, pourtant, avait dégainé en premier en annonçant sa participation, attend désormais lundi pour confirmer son choix (Juddoo semble avoir plus de chance que Makhan), en revanche, Ramgoolam a lui décidé de placer le pion Boolell sur le champ de bataille du nº 18. Ainsi, sur le plan stratégique, que la victoire ou la défaite soit au rendez-vous, c’est le leader rouge qui engrangera les dividendes politiques.
Comme nous le dit si bien le commentaire du caricaturiste Pov qui a bien croqué la situation mercredi dernier avec un dessin de Ramgoolam poussant Boolell sur le ring avec la bulle suivante «Donc s’il gagne, c’est le grand retour du PTr. S’il perd, comment peut-il aspirer à devenir le leader du parti ?» C’est dire à quel point nous sommes loin de l’objectif premier de la démission de Bhadain, qui a pensé à tort que cette partielle se résumerait en une bataille entre lui et le gouvernement. Désormais, Bhadain fait donc cavalier seul. Et apprend que démissionner est une chose. Et remporter les élections en est une autre…
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