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Destruction des bâtiments historiques: une constance des années 90 qui perdure ?
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Destruction des bâtiments historiques: une constance des années 90 qui perdure ?
Un à un, les bâtiments emblématiques et historiques du pays sont abandonnés, voire détruits. Selon l’auteur, c’est un moyen d’oublier le passé pour faire place au «modernisme» débridé.
En 1990, le gouvernement d’Anerood Jugnauth faisait détruire, à la tombée de la nuit, l’imprimerie du gouvernement. Un bâtiment historique construit sous Mahé de Labourdonnais. Et, 27 ans plus tard, son héritier suit avec détermination ses traces et endosse son héritage. C’est aussi à la tombée de la nuit que son gouvernement fait détruire La School, bâtiment mythique ayant abrité de brillants cerveaux de notre pays, ceux-là mêmes qui ont tant contribué à forger nos avenirs.
La question n’est pas de savoir si le bâtiment est classé historique. Elle ne se pose même pas. Il s’agit d’un lieu qui, indépendamment des velléités administratives, porte l’émotion et l’histoire d’une population. Même si le mystère entourant l’enlèvement de la mention «bâtiment historique» n’en est un que pour ceux qui n’ont jamais vu de près la composition et le fonctionnement des organismes censés gérer notre patrimoine historique. Il y a préméditation. Rien de vraiment étonnant, à vrai dire.
Ceux qui ont un peu de mémoire savent qu’on aurait tort de croire que cet élan destructeur concernant certaines traces particulières n’est que des foucades. Il relève d’une constance qui a fait ses preuves depuis les années 90. Examinez la liste de ce qui est détruit, de ce qu’on laisse volontairement à l’abandon. Vous serez édifié. Elle ne concerne qu’un type de bâtiment : ceux les plus emblématiques de la période française et anglaise de notre histoire. Cet élan dévastateur ne descendra pas plus en aval. Elle ne descendra jamais plus en aval.
Toujours cette même hantise mégalomane et sectaire : vouloir que l’histoire commence avec eux. Avant eux, tout n’était que désert et désolation. Il faut effacer pour exister. Preuve, en creux, s’il en fallait, d’une mentalité plate et misérable. Cela vaut en tout temps. Pour La School à Maurice qu’il faut faire disparaître, pour le théâtre de Port-Louis qu’on laisse mourir, pour le nom de l’aéroport Sir Gaëtan Duval qui a donné le droit de vote aux Rodriguais et qu’il faut enlever. Il faut le redire : nous avons à peine une histoire commune, mais nous avons déjà nos négationnistes.
Entre toutes ces noirceurs, une posture intellectuelle smart et, somme toute, assez pathétique s’est installée. Il s’agit de nous faire avaler que celui qui croit en l’histoire vit dans la pénombre de la nostalgie. Comme si la nostalgie était une tare, alors qu’elle est souvent une éthique de l’esthétique. Le «modernisme» débridé, avec son lot de laideurs, doit nous faire pâmer. Qui ne l’a pas noté ? Nos architectes sont devenus, pour la plupart, des promoteurs immobiliers pour qui le moindre pouce de terrain libre procure des extases spéculatives.
Aimer le passé et vouloir le préserver relèverait, paraît-il, d’un refus de l’avenir. Il faut aimer, disent-ils, l’avenir pour l’avenir. Même s’il est médiocre. Il ne faut jamais aimer le médiocre, qu’il soit du passé ou de l’avenir.
Quand il faut détruire pour donner une valeur à ce que l’on veut construire, on imagine déjà le pire. C’est bien ce que l’on veut nous imposer. Le président français François Mitterrand n’a pas détruit le musée du Louvre pour construire sa pyramide en verre.
Il y en a qui se délectent déjà. Imaginez la valeur de plus d’un arpent de terrain maintenant libre en plein Port-Louis. On imagine des ego et des poches déjà gonflés. Il ne faudra pas s’étonner que le théâtre de Port-Louis subisse le même sort. Déjà bruissent des rumeurs que certains veulent en faire un musée. À Maurice, c’est le premier pas vers la tombe finale. Tristan Bréville et son musée de la Photographie doivent se battre pour ne pas être enterrés vivants.
Aucune approche culturelle ne peut souffrir, dans sa conception, de sectarisme, fusse-t-il, communautaire ou autre. Et si, en plus du sectarisme, on y ajoute les millions qui changent de mains sales pour tous les projets de «développement», la vague de destruction ne risque pas de s’arrêter en si juteux chemin.
En 1988, le gouvernement SAJ objectait au retour des Mauriciens de la diaspora – qualifiés de traîtres au pays – leur refusant le doit de retrouver leur nationalité. Il y a quelques jours, les membres de la diaspora mauricienne dans le monde apprenaient qu’ils allaient être taxés pour avoir investi leur argent dans l’économie mauricienne.
On écrase La School. On a écrasé les bâtiments de l’imprimerie du gouvernement construit sous Mahé de Labourdonnais. Vous y voyez un lien ? Il n’y a pas à dire : on nous «pisse dessus».
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