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Mille fois Ramgoolam ?

9 juillet 2017, 07:36

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Ni Raouf Gulbul ni Sanjeev Teeluckdharry ne réfléchissent comme François Bayrou. C’est, peut-être, parce que leur référence commune s’appelle Pravind Jugnauth, lui-même au centre d’une embarrassante procédure judiciaire, de surcroît devant une cour de Law Lords britannique. Dès lors, est-ce surprenant que notre Premier ministre ait affirmé, en fin de semaine, qu’il est hors de question qu’il demande à son avocat, l’expansif Me Raouf Gulbul, de démissionner comme président de la Law Reform Commission et/ou comme celui de la Gambling Regulatory Authority, en attendant le rapport de la Commission Lam Shang Leen ? À ce stade, il n’y a pas de jugement encore. Alors Jugnauth Jr dit qu’il ne peut PAS se prononcer (au grand dam, sans doute, de son père connu pour trancher impitoyablement dans le vif). End of the story, en d’autres mots...

La pression était tout autre à Paris. Le 21 juin dernier, l’éphémère garde des Sceaux, en raison d’une enquête qui secoue son parti (le MoDem) au Parlement européen, annonçait sa démission du gouvernement d’Edouard Philippe, en s’expliquant ainsi : «Cette situation exposait le président de la République Emmanuel Macron et le gouvernement […]». Francois Bayrou a poursuivi : «Je suis allé voir le président de la République pour lui proposer cette décision [de quitter le gouvernement] il y a quinze jours, peutêtre trois semaines, le jour même de l’ouverture de l’enquête préliminaire».

Bayrou, contrairement aux deux avocats MSM bien de chez nous, a bien intériorisé le risque que sa proximité au pouvoir soit en elle-même une entrave à la procédure d’enquête et une gêne pour son gouvernement, surtout à un moment où le débat sur la moralisation de la vie politique fait rage.

À Maurice, on est un peu plus lent, voire nonchalant. Le Premier ministre et ceux éclaboussés par les enquêtes insistent qu’ils doivent attendre l’ultime appel devant une cour de justice avant de songer à la démission, ultime sacrifice. Pravind Jugnauth (en attendant l’appel devant le Privy Council) de même que Mes Raouf Gulbul et Sanjeev Teeleuckdharry (en attendant la fin de la commission d’enquête sur la drogue) placent la barre de la moralisation politique à un niveau visiblement bas, bien trop bas - un niveau digne d’une république bananière, un niveau qu’il nous faut relever le plus vite possible, en chassant tous ces clowns qui polluent notre Parlement.

* * *

Faut croire que Navin Ramgoolam avait plus de morale malgré tout. En 1999, il avait demandé à deux de ses ministres, en l’occurrence Vishnu Bundhun (scandale des ‘molletons’) et Kishore Deerpalsingh (médicliniques) de démissionner en attendant de «clear their names» devant la justice. Comme PM, Ramgoolam avait été courageux. Il s’est fait des ennemis.

Mais Ramgoolam aurait tactiquement tourné la commission Lam Shang Leen à son avantage. La commission drogue vient éclairer les taches sombres de notre administration publique et de notre quotidien. Il y a, en opération depuis de longues années, un incroyable réseau de connivences, une chaîne puissante avec plusieurs maillons trempés dans des activités illicites, générant des revenus par milliards, plusieurs gangs qui fonctionnent avec des méthodes mafieuses. Preuve de l’effet pervasif de la drogue : on note un certain laisser-aller au mieux, une complicité au pire, des institutions qui préfèrent fermer les yeux sur (au mieux) ou participer (au pire) au vaste trafic de drogue à Maurice.

L’argent sale de la drogue a ébranlé une partie de notre système de justice, tant sur le plan de la répression que sur celui de la défense criminelle; policiers et avocats font partie du système en place. Me Raouf Gulbul n’est que l’un des pics du iceberg mauricien. Si Pravind Jugnauth veut incarner la probité et la morale, il a une opportunité de rebondir sur les révélations des travaux de la commission pour secouer les pourris hors du système. L’opinion plébiscitera sa décision et il pourra même tourner cette crise à son avantage. S’il tolère les pourris de son régime, il tombera dans le même panier (troué) de poissons que son entourage, de même que de son rival Ramgoolam...