Publicité

Fair-play et faille patte

9 juillet 2017, 07:52

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 

L’actualité dominante, ces jours-ci, n’est pas au numéro 18, mais à la commission d’enquête sur la drogue où les révélations croustillantes sur le passé de Me Gulbul, associées aux transpirations froides de Me Teeluckdharry, ont captivé l’attention du public. Comme rappelé par le président de cette instance, l’ex-juge Lam Shang Leen, une commission d’enquête ne juge cependant pas, mais fouille et enquête seulement. Ce qui fait qu’a priori, si quelqu’un n’a rien à se reprocher, sa réputation ne peut être entachée du seul fait d’avoir été appelé pour témoigner ou donner une explication, quel que puisse être le degré de tapage médiatique que l’on puisse faire autour d’une convocation ! Je le sais bien, puisque, en mon temps, les journaux, et pas des moindres, y compris «l’express», m’ont assuré d’une couverture médiatique «high profile» et tapageuse  qui, pour ne pas me convenir, n’en était pas moins compréhensible ! Les médias, on l'a bien compris, c'est un mal nécessaire – un mal éminemment nécessaire, pour éviter des maux encore plus grands ! Dans ce contexte, le tintouin du Deputy Speaker Teeluckdharry, à la recherche d’une injonction pour ne pas avoir à déposer devant la commission, me semble totalement démesuré et presque certainement contre-productif. D’ailleurs, il est à remarquer que l’ex-juge Lam Shang Leen, devant une requête de Rama Valayden d’accorder non pas 15, mais 21 jours à son client Teeluckdharry pour «expliquer les faits», se voit accorder, en fin de compte, ... 

30 jours ! Rappelons-le : 

Me Teeluckdharry, comme les autres appelés devant la commission, n'estt pas accusé de quoi que ce soit à ce stade. Il devra donc simplement expliquer ce qui mérite, selon la commission, une explication ! Comment fait une commission d’enquête autrement ? Me Teeluckdharry, dans une interview à l’express», vendredi, disait que s’il avait été président de la commission d’enquête, il aurait agi différemment. Il se garde bien, cependant, de dire ce qu’il aurait effectivement fait de différent qui aurait été plus efficace.

 Une question peut cependant tarauder. Autant on peut comprendre que si un avocat demande à un junior de faire quelque chose d’illégal pour lui, il court des risques certains, la question d’être payée avec de l’argent «sale» interpelle ! 


 

D’abord, qu’est-ce que c’est que l’argent «sale» ? Selon une définition fréquemment acceptée, c’est de l’argent qui provient de, ou qui est généré par, ce qui sous une loi ou une autre est un «crime». En anglais, on dirait que «tainted money»  est de l’argent qui relève des «proceeds of a crime». C’est clair. Autre constat  clair, mais cependant potentiellement irréconciliable : tout accusé a le droit à une défense en cour de justice. Bien ! Mais alors, comment faire pour qu’un avocat s’assure que le paiement qu’il reçoit de son client, d’autant plus que l’argent est fongible, ne soit dérivé des «proceeds of a crime» ? Comment a fait Bernie Madoff pour payer son avocat, Me Sorkin, je ne saurais dire, mais il est improbable que son paiement ait été fait à partir d’autres sources que de son Ponzi, puisque c’était sa seule et unique activité ! Ce paiement à Sorkin n’aura, en passant, servi personne puisque Madoff écopait, malgré tout, de 150 ans de prison ferme, à l’âge vénérable de 71 ans, alors que son avocat en risquait 30 de son côté ! Comment fait-on donc pour assurer (et payer !) un avocat qui défendra un trafiquant de drogue, un fraudeur, un marchand d’armes, un braqueur de banque ou une mère maquerelle ? Faut-il que l’avocat demande à être payé par «Banker’s cheque» seulement ? Un vrai problème à résoudre, en toute équité. 


 

Fair-play. Un mot longtemps associé aux Anglais et aux terrains de jeux d’Oxford et de Cambridge et qui décrit une situation où le protagoniste choisit d’obéir au règlement et de faire ce qui est juste et bien, même si cela dessert ses intérêts immédiats. Un mot, d’ailleurs, un peu oublié par ces mêmes Anglais quand cela leur convient – comme, par exemple, dans le cas des Chagos ! Mais, en tout «fair-play», il faut aussi reconnaître que ce qui se passe devant cette commission d’enquête est le fait d’une décision du Conseil des ministres de juillet 2015 -– d’ailleurs une promesse électorale – et que ce Conseil a même choisi l’ex-juge Lam Shang Leen, qui n’a pas froid aux yeux, comme on le savait déjà et comme on peut encore le confirmer ces jours-ci ! On peut dire ce que l’on veut sur les connexions politiques du MSM avec des avocats et autres Gianchand Dewdanee que l’on retrouve lors de la saisie de 135 kilos d’héroïne, mais c’est bien ce même gouvernement-là qui a nommé une commission d’enquête clairement indépendante sur la drogue ! C’est tout à son honneur ! Comme l’est, par ailleurs, la déclaration de Pravind Jugnauth qu’il ne reculerait devant rien pour combattre le trafic de drogue ! Ce qui ne saurait pas, d’aucune manière, nous faire oublier le chapelet de discordances, d’incompétences, de gaspillages, de scandales divers et de promesses non tenues de ce même gouvernement. Il est, peut-être, même nécessaire de préciser que c’est parce que l’on désespérait tellement de ce gouvernement, coincé entre Sobrinho, Choomka, Seetaramadoo, Maunthoorah et les autres, que le travail «droit dans les bottes» de Lam Shang Leen et de ses assesseurs est à ce point au crédit de ce même gouvernement !

Credits: Transparency Mauritius https://www.transparencymauritius.org/news/joint-tmicac-anti-corruption-campaign/

 Car, en vérité, les problèmes d’image ou de rémunération des avocats ou des droits à une défense des trafiquants de drogue pèsent bien peu lourd face au trafic de drogue lui-même, véritable fléau qui ravage les faibles, pourrit les institutions, force les drogués à la rapine et à la violence, mine les voisinages et la sécurité personnelle et finit par affaiblir la nation elle-même. Notre pays avait bien besoin de cette enquête et il est à espérer que, dans son sillage, les forces du mal soient enfin stoppées ! Si nous ne réussissons pas ce coup-là, ce serait un véritable «faille patte, glisse pa compte» de plus !