Alors que Pravind Jugnauth aurait dû consacrer son énergie, voire ses efforts, à redresser l’économie du pays et à redonner confiance aux opérateurs de plus en plus sceptiques quant aux objectifs de croissance de 4%, ou plus, cette année, voilà qu’il est appelé en catastrophe une énième fois à voler au secours de son n° 4 afin d’éviter des dommages collatéraux à son gouvernement.

Certes, Showkutally Soodhun n’est pas à sa première frasque. C’est un habitué. Il en a accumulé d’innombrables depuis qu’il est au gouvernement et est devenu la risée de la population. Aujourd’hui, nos décideurs économiques ainsi que les diplomates en poste dans la capitale doivent se poser des questions sur la santé mentale de nos élus. Et se demander, médusés, si Maurice n’a pas finalement atteint le statut de République bananière au lieu de celui de pays à revenu élevé ! La mollesse du Premier ministre face aux écarts de l’incontrôlable Soodhun est un cinglant rappel que désormais Pravind Jugnauth tolérera tout et n’importe quoi, juste pour éviter de mettre en péril son gouvernement.

Que le ministre du Logement et des Terres jure une loyauté sans borne à Salman bin Abdulaziz Al-Saud, le prince héritier du royaume d’Arabie saoudite, sans doute en a-t-il le droit, puisque Soodhun a démontré à de multiples reprises qu’il est un cheval fou. Mais faut-il pour autant menacer de tuer le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui aurait osé critiquer le prince ?

Ashok Subron a raison de questionner la raison pour laquelle un ministre du gouvernement et, de surcroît, son n° 4, peut se montrer plus loyal à un pays étranger qu’à son propre pays ! À bien y réfléchir, on serait tenté de croire que la loyauté de Soodhun est à géométrie variable. Elle était dédiée à sir Anerood Jugnauth pendant des années, puis à Navin Ramgoolam lors des élections de 2010, et enfin à Pravind Jugnauth quand celui-ci a atterri au bâtiment du Trésor… et aujourd’hui au prince Salman. Et demain, sans doute sera-t-il l’esclave de Bérenger si une alliance se concrétise...

On ne sait pas ce qui lie Soodhun au prince et, accessoirement à l’Arabie saoudite, mais à bien l’entendre, l’ex-syndicaliste de la FTU (Fédération des travailleurs unis) rend visiblement un mauvais service au pays en provoquant un sentiment anti-saoudien chez certains Mauriciens.

Aujourd’hui, ce pays a deux obsessions sur le plan de la politique extérieure. Pour maintenir l’équilibre géopolitique dans sa région et assurer sa suprématie, ce pays cherche à avoir la peau de Bachar el-Assad, le président syrien, ce qui conduit les Saoudiens à déployer depuis cinq ans des moyens considérables pour obtenir sa chute; mais ils craignent aujourd’hui de subir une défaite politique sur le terrain syrien. La seconde : former une alliance politique et militaire pour se débarrasser de ce qui reste de l’État islamique.

À Maurice, l’Arabie saoudite ne pèse pas lourd dans nos échanges commerciaux. L’année dernière, ce pays a exporté sur Maurice des marchandises d’une valeur de Rs 876,5 millions et en a importé pour seulement Rs 89 millions.

Aujourd’hui, Soodhun se sent blessé et choqué du faux procès que, selon lui, le leader de l’opposition fait actuellement au prince Salman et à son pays. Aussi étrange que cela puisse paraître, il semblerait que Soodhun ne se sent pas aussi blessé et choqué des dérives de la société mauricienne : quand un petit-fils viole sa grand-mère ; quand trois jeunes débarquent chez une étrangère à Albion, volent ses effets personnels et la tuent ; quand les trafiquants rivalisent pour constituer le plus gros stock de drogue susceptible de détruire l’avenir de milliers de Mauriciens, dont des jeunes; quand la misère plonge encore des familles entières dans le désespoir dans certains faubourgs de la capitale et que le nombre d’accidents fatals, de vols et de braquages atteint des proportions alarmantes. Non, là on n’entend pas Soodhun !

Face à un décor aussi peu reluisant, la population l’a bien fait comprendre sur les réseaux sociaux ; elle n’en a cure des états d’âme de Monsieur Soodhun. Elle a élu l’Alliance Lepep pour gouverner Maurice et porter le pays vers un meilleur avenir, pas pour courber l’échine devant tout autre nation, qu’elle soit l’Arabie saoudite ou une autre…