Beaucoup d’émotion cette semaine dans le sillage de l’assassinat de Lara Rijs. Une deuxième couche d’émotion suivait sur les réseaux sociaux ou l’on s’activait a décrire Maurice comme un «death destination» ou parfois à insulter le ministre Collendavelloo pour avoir osé déclarer qu’il n’y avait pas de dégradation du «law and order».

Il est vrai qu’après l’assassinat de Michaella Hart, en 2011, le meurtre de Janice Farman à Albion en juillet, suivi de celui de Lara Rijs a de quoi chatouiller la fibre émotionnelle ! Trois étrangères. Trois jeunes femmes originaires des pays desquels nous accueillons beaucoup de touristes, il y a de quoi faire frémir !

Mais dépassionnons le débat et cherchons à cerner les faits les plus pertinents.

 

D’abord et avant tout : tout meurtre est un meurtre de trop ! Mais dans la même parenthèse de temps qui englobe Charlottesville et Barcelone, on ne peut pas blâmer, comme l’a essayé Donald Trump, les «deux côtés» ou comme le feront inévitablement les réactionnaires du plus pur cru, les «musulmans» dans le cas de Barcelone. De même, on ne peut blâmer, en vrac, «les Mauriciens» dans les meurtres qui se passent chez nous ….

Un meurtre est principalement entendu comme un incident qui se passe entre deux personnes. Comme les meurtres à Maurice. Les cas terroristes de Charlottesville, de Barcelone, de Nice ou de Londres récemment sont différents en ce que le meurtre ne vise personne de spécifique au départ, mais plutôt veut causer un maximum de dégâts et de mortalité chez un «groupe» jugé ennemi. Ceux qui commettent les attaques sont invariablement motivés par un sentiment de haine fomenté par un groupe généralement exclusioniste, fondamentaliste ou radical. A Charlottesville, ces groupes, typifiés par le Ku Klux Klan - que l’élection de Trump a aidé à ressusciter - ont galvanisé un jeune à tuer une Heather Heyer qui, comme ses parents, prônait l’amour et l’ouverture sur les autres. Le président, dont une des qualités selon ses partisans est de «say it as it is !» n’a pas encore qualifié cela d’acte de terrorisme. C’est pourtant tout comme ce que font ceux qui, excités par la rhétorique de ISIS, fauchent et tuent, sans tri, chez l’ennemi des «infidèles».

Ensuite, le ministre Collendavelloo a raison. Statistiquement le «Law & Order» est sous contrôle. Il y avait, en effet, 33 homicides en 2016, par rapport à 29 en 2015. Cette augmentation n’est pas significative. En parallèle, le nombre d’agressions baissait de 3.5%, à 11,741, le nombre d’agressions sexuelles restait a peu près stable (petite baisse de 1.2%). Par contre les vols, sans violence, ont de quoi inquiéter, les 14,899 vols déclarés en 2016 représentant une progression de 8.2%. ! Mais il faut aussi souligner que les statistiques des crimes de 2017 qui font les titres et qui passionnent ne sont apparemment pas disponibles. On ne saura donc si la situation de «law and order» 2017 est dégradée seulement …plus tard .Des chiffres par trimestre auraient été utiles ! En attendant, le relevé des titres de l’express montre 13 meurtres pour les 6 mois à juin et 5 autres en juillet. Ce sont des chiffres qui n’ont aucune prétention, mais ils indiquent une moyenne équivalente annuelle (26 et 30) EN BAISSE, par rapport à 2016.

Il est aussi important de mettre les choses en perspective planétairement! 

Les tableaux qui accompagnent ce texte, intéressants à plus d’un titre, doivent être lus sur la toile de fond que voilà : L’UNODC, l’agence onusienne qui piste l’évolution de la criminalité mondialement situe le taux de meurtre mondialement à 6.2/100,000 habitants en 2012. C’est une amélioration par rapport à 2004 (7.6) et 2010 (6.9). Le continent le plus violent est l’Amérique, avec 16.3 suivit de l’Afrique a 12.5 ; l’Europe, l’Océanie et l’Asie étant dans un mouchoir a environ 3.0 meurtres par 100,000 habitants. Les derniers chiffres de l’UNODC pour Maurice datent un peu(2011), mais étaient excellents à 2.71. Actualisés à 2016, notre taux de meurtre est à 2.6/100,000 habitants ! C’est vraiment rassurant et ceux qui, sans se référer aux faits, désavouent Collendavelloo et leur pays ne peuvent qu’être décrits comme de véritables terroristes, eux-mêmes ! Terroristes d’un genre nouveau, certes, mais permis par les blogs divers ou chacun peut y aller de son couplet sans mérite ou de son invective, caché confortablement derrière un pseudonyme, crachant sa bile ou son «fake news», avec le bonheur factice du devoir «démocratique» accompli. …Les bloggeurs normaux restent majoritaires, heureusement, mais la caste grandissante des démons du «fake news» inquiète et demande de plus en plus de vigilance et de sens critique des citoyens !

Ces tableaux indiquent, par ailleurs, qu’il est à la fois dangereux et très difficile de tirer des conclusions générales. Faisant l’hypothèse que le chiffre anormalement bas de Madagascar provient de statistiques douteuses, le taux de meurtre ne dépend pas nécessairement d’être une ile ou pas (comparez les Seychelles a la Jamaïque), ou de la peine de mort, ou de la religion (voyez le Qatar, l’Arabie, l’Iran ou le Pakistan d’une part et les Philippines et la Martinique d’autre part). Est-ce que la différence entre les 2 Corées est significative ? Comment expliquer la différence entre Trinidad et Maurice, aux profils ethniques pourtant proches ? Comment est-ce qu’un citoyen du sud afrique (ou il y a 51 meurtres par jour) peut seulement tenter des commentaires dérogatoire sur Maurice comme étant un «death destination» ?

A la vérité, la violence est en l’homme à divers degrés depuis la nuit des temps et tout ce que l’on peut faire c’est de favoriser l’alchimie qui pousse à plus de contrôle de soi. Des emplois et des logements décents aident évidemment. Mais n'ont aidé ni Palmarozza, ni Pistorius. Bloquer l’expansion des réseaux de drogues est méritoire et va aider, encore que les saisies vont causer des augmentations de prix qui pourraient favoriser une montée des vols. S’activer à améliorer la productivité pour pouvoir payer des salaires corrects est évidemment souhaitable. Réduire les inégalités sociales est largement indiqué. Etre sans pitié et s’éloigner de tous ceux qui sont dans ou proche des commerces douteux ou illégaux, de Sobrinho a Dewdanee, est vital. La diminution du désespoir qui découle de la non méritocratie, du favoritisme et des promesses non tenues ne peut pas faire de mal ….

 

On se défend bien ? Certes, pour le moment ! Mais il faut rester vigilant et exigeants et essayer de faire encore mieux !