Publicité

Les Vérités du mercato

3 septembre 2017, 08:59

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Les Vérités du mercato

Photo 01: Neymar da Silva Santos Júnior dit Neymar Jr., footballeur international brésilien évoluant au poste d’attaquant au Paris Saint-Germain. Photo 02: aperçu 3D du Metro Leger.

Le mot Mercato est maintenant indissociablement lié au football et au commerce des footballeurs. Ce n’est pourtant pas plus qu’un marché comme un autre, encore que les chiffres donnent, ici, parfois le tournis. Neymar, à 222 millions d’euros, vient d’éclater le prix record pour un transfert. Le montant est obscène. À presque Rs 9 milliards, cela représente un peu moins que la moitié du coût du Metro Express ! Et, à cinq ans de contrat seulement, il durera bien moins longtemps que le métro ! Mieux ! Selon Forbes, ce joueur va encaisser, tax free, 350 millions de dollars en cinq ans, (Rs 11,6 milliards – soit Rs 44,6 millions par semaine !). Cette transaction, sidérante, est néanmoins, intéressante car il y a bien plus qu’un seul angle d’analyse.

Ainsi, si le désir évident des Qataris, propriétaires du club, est de gagner la Ligue des champions – ce qui explique qu’ils y mettent le prix – on y trouve aussi le désir de ce petit pays (313 000 citoyens et 2,6 millions d’expatriés) de «montrer son poids» au lendemain du boycott de ses voisins, mené par l’Arabie saoudite, en juin. Il ne faut pas oublier que le Qatar prépare aussi ses cartouches pour «sa» Coupe du monde controversée de 2022. On dit même que les salaires de Neymar pourraient, au besoin des règlements de l'UEFA de «financial fair-play», lui être payés pour être ambassadeur de cette Coupe du monde, plutôt que comme joueur du PSG. Mais il y a un dernier aspect dont personne ne parle: la vanité !


Photo bas gauche: Cristiano Ronaldo dos Santos Aveiro, couramment appelé Cristiano Ronaldo et surnommé CR7, footballeur international portugais et attaquant du Real de Madrid. Photo bas droit: Lionel Messi, parfois surnommé Leo Messi, footballeur international argentin évoluant au poste d’attaquant au FC Barcelone.

Neymar quitte Barcelone pour ne plus vivre dans l’ombre de Messi, footballistiquement bien sûr, mais aussi pour toucher plus de fric que lui ! En quadruplant ses salaires et en renégociant ses contrats publicitaires, Neymar générerait plus de 93 millions de dollars annuellement, dépassant du coup Messi et… Ronaldo ! Il se sentira sans doute mieux ainsi, assis au sommet de sa pile de dollars… 

Du coup, tout le Mercato explose et la transaction Neymar aspire le prix des joueurs vers le haut. Ce qui fait l’affaire de tous les clubs vendeurs, tel Monaco, et bien moins celui des acheteurs – encore que leurs «stocks» valent, du coup, bien plus… Le prix des places au stade ainsi que les droits de télévision (et le prix des contrats satellitaires) vont sans doute suivre… Le marché dictant tout, pourra-t-il tenir le coup ?


Photo du haut: Vue aérienne du tronçon Terre Rouge–Verdun. Photo bas gauche: Anil Kumar Bachoo, ministre des Infrastructures publiques et de la National Development Unit du 11 mai 2010 au 7 août 2011. Photo bas milieu: Le Red Eagle, bateau pétrolier utilisé par la compagnie Betamax.

Je n’en sais rien, mais je vous en parle pour vous rappeler que nous ne vivons pas en isolement du monde et des lois du marché. Prenons le Budget. Il n’y a rien de mal à emprunter 

et à faire du déficit (c.-à-d. vivre au-dessus de nos moyens) 50 ans durant, depuis l’Indépendance, sauf si nous dépensons mal notre argent. Or, le poids des transferts sociaux et des salaires augmente anormalement en pourcentage, poussant la dette publique vers les 65 % du PIB, réduisant du coup la marge de manœuvre du budget capital, où l’on n’investit pas toujours à bon escient. De M. Bachoo, qui a juré que «pa mwa sa, li sa !» cette semaine dans l’express, en parlant des lézardes de Terre-Rouge–Verdun, au Metro Express potentiellement très lourd à l’achat et sûrement déficitaire aux opérations, en passant par l’État qui accumule des condamnations à payer à tiers (Betamax, Emtel), les perspectives, en l’absence d’un PIB qui augmente de manière beaucoup plus dynamique que 4 %, sont inquiétantes. Le marché le dira sans doute bientôt et, comme en Grèce ou au Portugal, finira par majorer le coût de la dette du pays…

Pour les comptes courants du pays, vous croyez que cela peut durer longtemps encore un déficit de la balance commerciale de plus de Rs 90 milliards par an (20,6 % du PIB !) ? Avec nos trois principaux produits d’exportation, c.-à-d. textile (41 %), poisson (18 %) et sucre 

(10 % du total), tous en difficulté au même moment ?

Encore heureux que le tourisme et les technologies de l’information et de la communication carburent bien… pour l’heure !


Photo bas droit: Seetanah Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances de 1983 à 1991 puis ministre des Affaires étrangères et du commerce extérieur depuis janvier 2017.

Vous avez lu Julien Audibert, le CEO de Freight & Transit, cette semaine, dans Business Magazine ? Ce jeune homme au regard lucide rappelle, à mots un peu feutrés, il est vrai (nous sommes à l’île Maurice !), le drame qui se joue au port : la Cargo Handling Corporation Ltd sans tête depuis mai, la chute inquiétante du nombre de mouvements de conteneurs au port, d’un niveau passable de 25 par heure à 21, puis 12/14 plus récemment, créant du backlog grandissant sur les quais. En parallèle, CMA CGM qui délocalise complètement à La Réunion, Maersk partiellement et Mediterranean Shipping Company qui modifie son service régional. Avec, s’envolent nos prétentions comme zone de transbordement et de «hub» portuaire, les rêves de Lutchmeenaraidoo, les retombées économiques pour le pays. Il y a des bénéficiaires, mais ils ne jouent pas le jeu du marché, eux : ce sont les deux syndicats du port, qui chassent aujourd’hui ensemble et dont les membres, désormais «pé gagn enn gou pou vinn travay».


De haut gauche: Zlatan Ibrahimović, footballeur international suédois et attaquant de Manchester United FC. Photo bas gauche: Pravind Kumar Jugnauth, Premier ministre de Maurice. Photo bas milieu: Showkutally Soodhun, vice-Premier ministre de Maurice. Photo bas droit: Anil Kumarsingh Gayan, ministre du Tourisme.

Moi, ce qui m’inquiète le plus, c’est le mercato du temps de Pravind Jugnauth. Il n’est peut-être pas à la tête d’une équipe de football, mais gérer une coalition n’est pas, de Gayan à Soodhun, plus simple que de gérer Ibrahimovic ou Ronaldo– dont les rendements sont, au moins, plus sûrs... Car, notre PM a aussi la responsabilité du port, de notre productivité nationale, du Budget, de nos exportations, de sa petite famille, de l’éradication de la pauvreté, de sa cuisine, de son MedPoint au Privy Council, de notre image internationale, des relations avec la presse, de l’aéroport, de l’immigration, des douanes, de la saisie de drogue... La demande sur son temps étant plus forte que son offre de 24 heures par jour, le prix de son attention ne peut qu’augmenter de manière obscène aussi !

 Le pays saura-t-il tenir le coup ?