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Surenchère
Loin de sous-estimer l’effet de la forte appréciation de la roupie sur la compétitivité des entreprises exportatrices, ces six derniers mois, les chiffres étalés dans les colonnes de la presse ces jours-ci en font d’ailleurs la démonstration, en revanche, le timing du «build up» autour de la question demeure discutable.
En fait, il n’a échappé à personne, encore moins aux opérateurs économiques et aux spécialistes de la trésorerie, que le débat sur la ‘roupie forte’ a connu une accélération médiatique à quelques jours de la réunion du Monetary Policy Committee (MPC) prévue ce matin, comme par hasard... Simple coïncidence ou volonté délibérée d’exercer une pression sur les membres du comité pour les faire danser sur la même musique que les exportateurs ?
À voir de plus près, il y a visiblement de la surenchère dans la démarche de Business Mauritius/MEXA. En brandissant la menace de délocalisation et d’un manque à gagner de Rs 3 milliards sur les recettes d’exportation en raison de la roupie forte, des exportateurs tentent visiblement de forcer la main aux autorités pour trouver une solution à leur problème de compétitivité. La solution, selon eux, est celle d’une nouvelle politique monétaire pour ralentir le taux de change défavorable de la roupie face aux principales devises étrangères. En clair, les exportateurs demandent tout bonnement une dépréciation de la roupie, celle-ci s’étant, selon un ‘Position Paper’ de la MEXA, fortement appréciée globalement vis-à-vis du dollar, de la livre et de l’euro, à hauteur de 31 % de juin 2016 à août 2017.
Sans le dire ouvertement, les exportateurs réclament ni plus ni moins une baisse du taux Repo qui, à 4 %, est déjà bas et ce, depuis une quinzaine de mois. Un message que le gouverneur de la Banque de Maurice, Ramesh Basant Roi, a manifestement bien reçu. Celui-ci, qui présidera aujourd’hui sa dernière réunion – son contrat à ce poste ne devant pas être renouvelé, à en croire l’entourage du bureau du Premier ministre –, sera-t-il tenté de franchir la ligne jusqu’à répondre positivement aux attentes des exportateurs en procédant à une baisse du taux directeur ?
S’il cédait à cette exigence, cette posture n’étonnerait personne vu que, depuis son installation au 18e étage de BoM Tower, Basant Roi a habitué les opérateurs économiques à une politique délibérée du glissement de la roupie en intervenant massivement sur le marché du Forex, en achetant notamment des billets verts plus cher mais aussi en baissant le Repo Rate à deux reprises (novembre 2015 et juillet 2016) et en le gardant inchangé durant la totalité de son mandat.
Sans doute faudra-t-il chercher ailleurs et les spécialistes financiers ont raison de ne pas mettre tous les péchés d’Israël sur la tête du locataire de la BoM. À 4 % le Key Repo Rate, le loyer de l’argent, reste relativement faible et les baisses successives de ce taux, ces dernières années, n’ont pas incité davantage les opérateurs à emprunter du circuit bancaire pour investir. Du coup, l’excès de liquidités, estimé à Rs 13 milliards, est source d’inquiétudes pour la Banque de Maurice depuis presque une décennie maintenant.
Aujourd’hui, les exportateurs, et la MEXA particulièrement, cherchent à comprendre la chute du taux de change du billet vert. Les agissements de Donald Trump, couplés à sa politique économique pour le moins incohérente aux yeux de l’Europe et du reste du monde, exercent certainement une pression sur le dollar. Mais les observateurs économiques à Maurice estiment que le phénomène est ailleurs et ne se limite pas simplement à la conjoncture internationale. Ils se posent des questions sur les sources de ce flux de billets verts qui subitement inonde le marché monétaire : investissements directs étrangers, avènement de «Hot Money» sur le marché boursier ou encore spéculations de traders sur la roupie forte, toutes les pistes doivent être creusées par la BoM et les institutions financières pour trouver un début de réponse à cette question.
Basant Roi se trouve dans une posture pour le moins inconfortable. Face à une roupie peu compétitive, qui donne des sueurs froides aux exportateurs et un taux d’inflation en glissement annuel qui a pris une tendance haussière, ces dernières semaines, atteignant jusqu’à 5,3 % en juillet dernier, avec ces deux sujets chauds sur les bras, il marche visiblement sur des oeufs.
Le MPC peut opter pour le statu quo, ce sera ainsi beaucoup de bruits pour rien… pour les exportateurs. Une baisse leur apportera du réconfort nécessairement, mais il sera de courte durée dans un marché de change hautement volatil. La solution est ailleurs : moins de surenchère, plus de hedging…
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