Publicité
Vous êtes nos seuls juges
Par
Partager cet article
Vous êtes nos seuls juges
Le Yerrigadoogate ébranle le pays et ses institutions.
Au-delà de la personne controversable et controversée de Husein Abdool Rahim, et de ses antécédents (sur lesquels vont jouer ses détracteurs), il importe qu’on jette un regard dépassionné sur les documents et les pratiques liées à ce scandale sans précédent.
En un peu moins d’un quart de siècle de carrière au sein de la presse, c’est l’une des plus grosses affaires sur lesquelles j’ai travaillé. Pour plusieurs raisons.
D’abord, par la profusion de documents (e-mails, conversations sur WhatsApp, SMS, photos, lettres officielles, notes manuscrites, billets d’avion, tickets de train, cartes de visite de banquiers Dubaïotes et Genevois, reçus tous azimuts, certains faux, d’autres vrais). Des indices concrets, vérifiables, qui anéantiraient toute velléité de se réincarner en un 2e Sheik Hossen.
Ensuite, de par l’importante fonction qu’occupait Ravi Yerrigadoo, l’enfant chéri du Sun Trust, qui avait tissé des liens solides au sein du judiciaire, de la police, de l’ICAC, parmi les avocats, avoués, etc.
Troisièmement, notre lanceur d’alerte avait un case de swindling en cour (même s’il n’a jamais été condamné). C’était sa parole (malgré le certificat octroyé par l’Attorney General’s Office) contre celle d’un Attorney General hyper-connecté qui, en plus, n’était pas seul dans cette affaire. À ses côtés, il y avait un jeune et brillant avocat, le discret Dick Kwan Tat, et le General Manager d’une grosse compagnie du secteur privé, l’affairiste Sylvio Sundanum, qui connaît les numéros de portable de tous les politiciens et policiers. Finalement, le trio a à sa solde : des mercenaires qui ont emprunté le costume du journaliste pour se livrer à de basses besognes.
Mais au-delà du concret, il y a l’intangible. Nous vivons à Maurice, dans une société d’interconnaissances, où les puissants et les politiciens se connaissent tous plus ou moins entre eux…C’est un gros problème.
Avant de venir à l’express, le lanceur d’alerte a frappé à plusieurs portes. Soit on ne l’a pas cru, soit on n’a pas voulu l’aider. Car il allait se battre, malgré son dossier solide, contre l’État, le gouvernement et les systèmes mafieux qui se nourrissent au soleil du pouvoir.
La tâche était ardue, titanesque, mais pas impossible. Contre tous les discours, pressions, réseaux, il n’y a
qu’une voie, celle jalonnée de preuves. C’est précisément ce que nous avons fait. Nous avons occulté le passé du dénonciateur, la puissance du trio Yerrigadoo-Sundanum-Kwan Tat, même si nous avons bien intériorisé le fait, confirmé par les photos, que Husein Abdool Rahim lui-même faisait solidement partie du clan qu’il
dénonce aujourd’hui.
Au final, après notre série d’articles, soutenus par des pièces à conviction, l’Attorney General a dû step down malgré tout. Certes, il a dit : «Ce n’est qu’un au revoir.» Certes, il est innocent until proven guilty. Certes, nous ne sommes pas une instance judiciaire, mais ce que l’on peut vous dire : heureusement qu’il existe à Maurice des contre-pouvoirs, surtout quand l’opposition chôme.
On m’a souvent posé cette question : «Pourquoi faites-vous cela ?» La réponse, pour nous, est évidente : nous le faisons pour nos lecteurs qui sont nos seuls juges ! Et tant que vous, lecteurs, ne serez pas «dégoûtés» par nous, on continuera avec toute notre énergie.
Publicité
Les plus récents