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Réseaux et cercles d’influence

24 septembre 2017, 07:12

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Pendant que des messieurs bien intentionnés glosent sur le rôle de la presse et sur les supposées limites de celle-ci, l’on tend, hélas, à oublier, ou minimiser, le fond du scandale politico-financier qui secoue le pays depuis le 11 septembre. Ce lundi-là, sous le titre Les jeux sont-ils faits pour Yerrigadoo ?, l’express révèle au pays (et aux Mauriciens de la diaspora) la fameuse lettre à la base du Yerrigadoogate. Cette lettre de recommandation personnelle d’un Attorney General en faveur du désormais célèbre swindler Husein Abdool Rahim, demeure la pièce maîtresse de toute l’affaire. 

Une affaire fumeuse et tentaculaire qui mêle la politique et son financement occulte, des hommes de loi connectés, des businessmen aguerris, des jeux de hasard, des paris audacieux, des gains et des pertes en devises étrangères, des instructions manuscrites pour ouvrir des comptes bancaires à l’étranger, du chantage entre ex-amis, des courses de chevaux, et des voyages en première classe vers Dubayy et l’Europe. Cette lettre avec tampon et signature authentifiés, dès le départ, aura été surprenante pour nous, et accablante pour Yerrigadoo, qui a eu à démissionner trois jours après la publication. Ce sont des faits majeurs. Il faut les analyser. Et il faut éviter de créer des diversions, volontairement ou involontairement. L’intérêt général ainsi que l’intérêt public devraient primer sur les petites querelles de cochers, typiques de petits pays insulaires. Dommage qu’on n’arrive pas à faire mentir l’adage Petit pays, petits esprits…

Les ennemis du vrai journalisme, que ce soit le journalisme d’immersion ou celui d’investigation, c’est le secret, l’omerta, et les réseaux d’influence qui ne veulent pas que l’opinion publique soit éclairée. Dans le Yerrigadoogate, il nous faut surtout évoquer et décortiquer ces liens affairistes, démontrés par les 33 annexes de l’affidavit de Husein, entre le Professional Punter, l’ancien Attorney General (qui a fondu en larmes en direct), l’avocat Dick Kwan Tat et Sylvio Sundanum. Mais ils ne sont pas seuls. Autour d’eux il y a d’autres ré- seaux d’influence, directs ou indirects. Prenons l’exemple de Me Samad Golamaully, qui est reconnu dans le monde judiciaire pour ses talents d’intermédiaire. Depuis quelque temps, il s’agite et ne sait pas où faire pencher la balance de la justice. Il veut aider (mais qui ?) et, de ce fait, avait publiquement demandé à son ami Me Ashley Hurhangee de se retirer comme avocat du «dénonciateur-girouette»...

Autre acteur intéressant, le discret Anil Kumar Ujoodha… L’ancien patron de l’ICAC, qui doit en connaître un rayon sur la lutte contre la corruption, défend l’autre discret Dick Kwan Tat. Celui-ci, proche de Yerrigadoo, est par ailleurs neveu de Michel Lee Shim, ancien bookmaker et promoteur de Sport Data Feed et de SMS Pariaz Ltd. Ce dernier, qui fait fortune dans les paris en ligne, a souvent été au cœur de controverses. Depuis le changement de régime, le vent a tourné en sa faveur et ce, même si la GRA de Raouf Gulbul ne lui donne pas toujours les coudées franches. Celui qui, en revanche, perd au change, c’est un autre bookmaker, Paul Foo Kune, ancien ami et partenaires d’affaires de Lee Shim… Il a été arrêté pour une partie de cartes entre amis. Était-ce un règlement de comptes ? Ou simple malchance ?

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Une petite barque comme celle des journalistes, avançant sans «Freedom of Information Act», contre les vagues des puissants, s’attaquant à un immense bateau qu’est la corruption, ce n’est guère facile. La lutte contre le crime organisé ne l’a jamais été. On passe plusieurs nuits blanches. On se fait des ennemis. Mais c’est stimulant pour l’esprit et pour la démocratie. Et ce, même s’il règne une hypocrisie professionnelle à considérer qu’il n’y aurait que quelques personnes à qui reviendrait la charge de faire du journalisme d’investigation. Car on conseille à la plupart de demeurer des spectateurs ou animateurs de débats ou de pages Facebook, dans le confort...