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Gouvernance

18 octobre 2017, 10:46

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S’il est une mission délicate qui incombe à un conseil d’administration, c’est le recrutement et, au besoin, le licenciement d’un CEO. Dans cet exercice, un conseil d’administration peut faire une erreur de jugement, se tromper de candidat et devoir, après en avoir longuement discuté en interne, juger nécessaire de s’en séparer. Aussi, le fait que le Mauritius Institute of Directors (MIoD) ait décidé de se séparer de son ancien CEO, M. Fernandes- Zara, et que cela ait dégénéré en conflit, ne suffit pas pour crier à une faute de gouvernance.

Il reste que le conflit et les questions qu’il a engendrés ne peuvent être ignorés. Eu égard à la mission du MIoD. Quelle est, justement, cette mission ? Est-elle bien comprise du public et aussi de ceux qui financent cet organisme ?

Le MIoD dit vouloir être, d’une part, le «champion des meilleures pratiques» et, d’autre part, la «voix des directeurs». Or, ces deux missions peuvent être contradictoires. Elles le sont mêmes très souvent. Comment, en effet, réconcilier ces deux missions quand le rôle de champion des meilleures pratiques peut mener à porter une opinion en opposition aux intérêts directs de ces mêmes directeurs qui ont été formés, encadrés par le MIoD et qui, de surcroît, le financent ?

Il existe dans le secteur privé des personnes qui verraient bien le rôle du MIoD être restreint à celui de «voix des directeurs». Or, dans ce rôle, en quoi est-ce que le MIoD serait différent de, par exemple, Business Mauritius ? Qui est un organisme qui se veut facilitateur de croissance, qui veille aux intérêts du privé, veut créer des ponts avec les politiciens en faisant l’épargne d’une polémique inutile. Ce pour quoi il n’y a rien à critiquer puisque, en effet, telle est la posture dans laquelle Business Mauritius est le plus efficace.

Mais le MIoD n’est pas Business Mauritius. Son rôle de «champion de la gouvernance» lui donne la possibilité, si ce n’est le devoir, de s’émanciper de la pression directe de ses membres pour se placer du côté de la protection du système, des principes plutôt que des personnes, des projets ou des intérêts immédiats. Cette posture est loin d’être confortable, tant pour le CEO que pour le conseil d’administration d’un organisme tel que le MIoD. Tel est bien son défi le plus grand pour lequel le MIoD mérite davantage de respect que de sarcasme.

Comment en effet être durablement du côté du système quand ce même système est si bien verrouillé en faveur d’intérêts personnels ? Comment être du côté du système quand les directeurs du privé, comme du public, et les politiciens, se tiennent par la barbichette ? Comment être du côté du système quand la règle de l’omerta s’avère de toute évidence la plus efficace ?

Si la logique de l’économie de polémique s’est imposée en culture, le MIoD dispose désormais de suffisamment de recul pour évaluer ce à quoi cette logique a contribué à façonner. Quinze ans d’application d’un code de gouvernance centré sur la conformité, accompagné d’une logique de protection des intérêts personnels, ont nourri une posture défensive dont nous payons le prix aujourd’hui. Cela se voit en temps de crise où la rhétorique demeure pauvre : «Tout est légal ! Tout est conforme !». Résultat : dans son rôle d’interface entre l’entreprise et ses «stakeholders», le conseil d’administration ressemble davantage à un château fort qu’à un pont. Et le MIoD un gardien du château fort plutôt qu’un bâtisseur de ponts.

Le public, pour sa part, reste sceptique et voit de plus en plus les entreprises privées comme des complices d’un système à la dérive que comme des agents de bonnes pratiques.

Le nouveau code promulgué en 2016 tient compte de ce bilan mitigé et du besoin de réforme du système. Il met en exergue le nécessaire changement de paradigme pour transformer le conseil d’administration-châteaufort en un pont vers les «stakeholders». Il propose de faire vivre les principes de la gouvernance au-delà de la simple appréciation de leur forme. Certains voient dans cette approche un risque effarant, une invitation au laxisme qui met en péril le système. D’autres y voient une opportunité d’un engagement plus actif dans l’esprit de la gouvernance.

Quoiqu’on pense de la pertinence de cette réforme, le MIoD, qui en a été le promoteur, n’a pas droit à l’échec. Pour faire pencher la balance du côté des principes plutôt que de la conformité de surface, de l’engagement plutôt que de celui de l’omerta, le MIoD pourrait se passer des services de M. Fernandes Zara. Mais il ne pourrait faire l’économie d’une réflexion sur la spécificité de son rôle, le ton à donner à ses interventions et la distance à prendre des intérêts directs de ses membres. À défaut de quoi il perdrait sa légitimité.

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