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Ça va glisser ou ça va décoller…?

29 octobre 2017, 09:58

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Ça va glisser ou ça va décoller…?
Pravind Jugnauth pendant la conférence de presse des femmes cleaners, le 25 octobre 2017, au Prime Minister’s Office.

Le Premier Ministre semble plutôt confiant que le pays va rapidement entrer dans une phase de développements très importants. Il le disait a l’inauguration d’un golf de 18 trous à Mon Choisy, cette semaine, en soulignant que dans le sillage d’ investissements étrangers ( FDI) de 9,6 milliards pour les 6 mois au 30 juin 2017, s’ensuivraient des sommes encore plus importantes dans le deuxième semestre , ce qui va engendrer, pour le seul secteur privé, sur les prochaines années jusqu’à 200 milliards de roupies d’investissements ! Le flou des « prochaines années » permet de la marge bien évidemment, mais si cela se concrétise en 2018, par exemple il s’agit de plus que doubler le taux d’investissement national actuel. Si c’est étalé sur 2 ans, c’est quand même 25% de plus qu’une année « ordinaire » de Rs 80 milliards d’investissement … Le sondage trimestriel de la Chambre de Commerce, qui tente de mesurer le degré de confiance des entrepreneurs semble aller dans le même sens, sur la base de ventes locales qui s’accélèrent …

Capture d’écran du conte musical de Sergueï Prokofiev, Pierre et le loup, Oscar de la meilleure animation 2008, réalisé par Suzie Templeton, Breakthru Films.

Espérons que cela soit valablement vrai, car des effets d’annonce, il y en a malheureusement déjà eut beaucoup depuis le début de 2015, au point ou celles de Pravind Jugnauth, fin 2017, ne trouvent plus beaucoup d’écho. Ce qui est grave, mais aussi compréhensible, car si ce n’est surement pas la situation du Pierre de Prokofiev et de son loup, les effets d’annonce ont été tels (et l’express en a beaucoup relayés, au départ de 2014 !) , que très peu de gens y croient encore, préférant se rabattre sur le concret de ce qui s’est effectivement passé, même si souvent sordide, plutôt que la promesse de ce qui va se passer en …2018 ! 

C’est ainsi qu’il faut malheureusement aussi constater les vents contraires, c’est-à-dire, tous ces petits signaux contradictoires qui s’accumulent, qui font tache et qui ne peuvent que freiner les ardeurs des investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers.

L’année 2016, la dernière dont nous avons des chiffres complets, ne nous disent finalement rien de bien diffèrent à propos de la situation financière du pays: le déficit commercial se creuse encore à Rs 94 milliards (Rs 77 milliards en 2014) car on exporte de moins en moins bien, alors qu’on importe de plus en plus. La balance des comptes courants s’aggrave en conséquence à 5.8% du PNB (4.3% en 2016). Par contre la balance des paiements, grâce aux capitaux étrangers, investis ou empruntés, principalement, s’améliore, passant de Rs 23 milliards en 2014 a quelques Rs 29 milliards en 2016 – alimentant, de ce fait, les réserves nationales, qui étaient de 3,5 milliards de dollar fin 2014, a presque 5,5 milliards actuellement ! Rassurant ? Sans doute, jusqu’à ce que l’on réalise qu’il y a un refrain et que celui-ci a, au moins, 2 troncs : (1) les devises qui ne cessent de gonfler nos réserves mènent a de graves excédents de liquidités, qui renforcent ainsi la roupie – du moins si on se réfère au MERI (Mauritius Exchange rate Index) depuis mi 2015. Ce qui complique la situation relative des exportateurs par rapport aux importateurs ! (2) notre dépendance grandissante sur l’étranger pour couvrir la balance des comptes courants déficitaire. A cet effet, le « sentiment » des étrangers qui dirigent des capitaux vers Maurice, peut s’inverser si ce qui se passe ici cumulativement leur fait peur. Ou les gêne. Qu’on se le dise.

(À partir de la g.) Kalyan Tarolah, Showkutally Soodhun, Thierry Henry, Ravi Yerrigadoo, Sudhir Sesungkur, Sandhya Boygah.

Je livre donc la question à nos lecteurs : lesquels des faits suivants rassurent ou font tiquer les étrangers qui se tâtent avant d’y investir ? La facilité relative avec laquelle on livre les permis de travail, de résidence, d’investissement aux étrangers ? La connexion internet ? Les taux de vols qui progressent (sauf pour les vols avec violence – encore heureux !) Le comportement et/ou les paroles de nos parlementaires (Tarolah, Soodhun, Henry, Yerrigadoo, Sesungkur, Rutnah, Bhoygah) ? Les arrestations ou les perquisitions intempestives de la police ? L’utilisation frivole des « provisional charges » ou des enquêtes au motif de « complots » ? L’état de nos lagons ? La petite pollution des rivières, des bas-côtés des routes, des plages publiques? Les démêlées de Air Mauritius avec ses pilotes – notamment les étrangers parmi eux – 3 ayant démissionné dans la semaine dans le sillage du licenciement brutal de Hofman et de Ulyate qui ne sont, à ce jour, d’ailleurs pas encore réintégrés ? L’accueil que nous faisons par contre, y compris à la présidence, a des personnages comme Sobrinho ? Notre bilan par rapport à nos ambitions de développer le port « de Baie du Tombeau a Pointe aux Sables » ? Les taux dérisoires de progression de notre productivité nationale ? Le taux de dette nationale qui a crevé le plafond de 65% du PIB cette année ? Les fiches de paie des salariées contractuelles dans nos écoles ? Le ton glacial, honteux et cynique de notre ministre mentor ? On s’arrête ici pour aujourd’hui ?

(À partir de la g.) Capture d’image du projet Metro Léger, Champ de construction au Chaland, La Balise Marina, le Touessrok

Evidemment qu’il n’y a pas que le négatif des bourrasques contraires. Le plan de développement, avec ambition 24/7, de remplacer les tuyaux vétustes, et d’ajouter des capacités de stockage d’eau à la CWA défonce certes les routes, mais promets des améliorations tangibles. Bientôt ? Le métro express va démarrer comme une réponse partielle aux bouchons grandissants sur nos routes ( encore que les études justifiant un tel investissement auraient dû logiquement avoir été rendus public et discutés AVANT l’aval du projet ) et si les hypothèses de la Singapore Cooperation Enterprise ne s’écroulent pas , sa projection basse ( 54,000 passagers par jour* )promet apparemment Rs 10 milliards de valeur présente nette sur les 22 ans a 2041 – permettant ainsi le remboursement du prêt en 15 ans ! A voir ! Le tourisme va investir (par exemple à la Balise, au Chaland, à Touessrok ?) et au moins un ou deux smart cities vont finir par démarrer. Mais ce qui va rester inquiétant c’est la dette publique et surtout la tétanisation de notre balance des comptes courants a un minimum de 5% de déficit par rapport au PNB et donc notre dépendance grandissante sur le bon vouloir des capitalistes étrangers face à nos propres manquements ! 

Attention ! Dépendant de ce que nous continuons à faire dans notre quotidien national, soit ca va décoller, soit ça va glisser vers du bien moins bon..…

Roshi Bhadain au CCID le 29 septembre 2017.

* Rappelons que l’ex ministre Badhain avait, le 2 aout dernier, affirmé que le projet coutera quelques Rs 9 milliards de plus et qu’il ne pourra transporter que le tiers des passagers prévus dans l’hypothese basse … N’est il pas temps de mettre au clair ?