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Le syndrome Sinatambou
Reconnaissons-le : Étienne Sinatambou représente un cas unique dans la classe politique actuelle. Les internautes disent depuis des mois qu’en agissant comme porte-parole du gouvernement, le ministre Sinatambou fonctionne comme le meilleur allié de Navin Ramgoolam. Chacune de ses déclarations publiques ferait perdre des centaines de voix au Mouvement socialiste militant (MSM). L’affaire biscuits et eau vient couronner le palmarès de l’homme que la cuisine du MSM utilise comme son visage médiatique.
Deux facteurs déterminants expliquent l’option Sinatambou de la cuisine. Tout d’abord, l’homme se croit hyper intelligent et exceptionnellement articulé. Ainsi, n’a-t-il pas réalisé l’exploit de présenter l’élection d’Arvin Boolell lors de la partielle du no18 comme une véritable catastrophe politique pour les travaillistes et la non-participation du MSM comme une singulière performance ?
Ensuite, en raison des ressources limitées, Étienne Sinatambou se présente comme un pion idéal au registre du communalisme scientifique que le MSM pratique sciemment. Le chevelu Stéphan Toussaint ne fait pas le poids face au chauve intégral Sinatambou. Dans le contexte de cette politique de communalisme scientifique, on note bien les manoeuvres de rehausser le profil de certains, dont Gérard Sanspeur, super conseiller et grand patron de Landscope, Charles Cartier, le boss désigné de l’Economic Development Board, Gilles Chaperon, le nouveau patron de SICOM, et Jean- Pierre Sauzier, CEO des Jeux des îles 2019 et responsable des infrastructures grandioses qu’on va construire dans le no8 à coups de milliards. Le MSM entend diluer l’effet Prakash Maunthrooah-Bissoon Mungroo qui ferait du tort à son image.
Nonobstant ce facteur de communalisme scientifique, le MSM dispose d’un élément nettement plus talentueux qu’Étienne Sinatambou comme potentiel porte-parole. Il s’agit de Nando Bodha qui, depuis janvier 2015, passe message sur message pour expliquer ce qui se passe sur le tronçon Terre-Rouge–Verdun. Le dernier coup de comm du ministre, c’est l’existence d’une rivière souterraine sous l’autoroute à problèmes. Reste maintenant à informer davantage les Mauriciens sur la destination finale de cette rivière et ses attraits éventuels pour les pêcheurs de camaron, anguille, tilapia et «sévret la rivier». Nando Bodha sait parler. Mais le choix s’est porté sur Étienne Sinatambou malgré les bonnes relations qui existent entre le ministre Bodha et les médias mauriciens, le ministre ayant été journaliste dans le passé.
Nando Bodha affiche toujours une attitude modeste et cool quand il parle aux médias. Par contre, à chaque sortie publique, Étienne Sinatambou ne manque pas de manifester sa vive intelligence par rapport au commun des Mauriciens. Il se déplace toujours avec un billboard virtuel le présentant comme «double lauréat». Cela passe mal avec le Mauricien, un être essentiellement contestataire et iconoclaste qui digère mal la vantardise des puissants. Ce n’est pas tous les jours qu’une opportunité type résidence Barkly («kit soulié bouré») se présente mais le peuple décomplexé de Maurice sait réduire à leurs justes proportions les prétentieux qui croient toujours vivre à l’ère coloniale. Voilà pourquoi les élucubrations de Sinatambou font toujours l’objet d’une vive résistance. Le même message mais venant d’une autre personnalité, modeste et sympathique celle-là, aurait été accepté. Par exemple, Étienne Sinatambou n’a pas totalement tort de dire qu’en situation de crise, il n’est pas toujours possible d’offrir des repas chauds à des réfugiés. Mais un tel argument venu de sa bouche a provoqué la réprobation générale. Au point que ses propres collègues se sont efforcés de se démarquer de ses propos sur le régime élémentaire de biscuits et d’eau en assurant une fourniture de briani et de boissons gazeuses.
Le Premier ministre lui-même est descendu sur le terrain pour neutraliser l’effet Sinatambou mais sans pour autant lâcher son porte-parole. Ce qui indique qu’on verrait toujours Sinatambou à la MBC les samedis. Son remplacement par Stephan Toussaint nécessiterait la mobilisation de spin doctors, de coiffeurs et de couturiers, car si la chemise orange est garante de fidélité à la cuisine, l’habit va tellement intriguer les téléspectateurs qu’ils ne vont pas écouter le message mais se fixer sur le personnage. Le MSM n’est pas prêt non plus à abandonner la stratégie de communalisme scientifique et mettre à contribution le suave Bodha. Ce dernier essaie de ne pas se mouiller dans la politicaillerie du MSM, se contenant de garder une ligne propre à lui, à l’intérieur de son cordon sanitaire.
Le cas Bodha est rendu encore plus compliqué par le fait qu’il se pose en une menace sérieuse pour Pravind Jugnauth si jamais ce dernier se retrouve dans une situation catastrophique. Bodha a été leader de l’opposition dans le passé. Il maîtrise bien l’anglais et le français. Mais qui plus est, il parle aussi bien l’hindi et le bhojpuri. Le MSM prendra-t-il le risque d’assurer l’épanouissement médiatique de Bodha ?
Tout compte fait, sans même être contraint à une minime sanction de «bwar dilwil» et repos, Étienne Sinatambou pourrait bien retrouver sa baguette de chef d’orchestre médiatique du MSM. Après tout, un double lauréat ne se fabrique pas en usine par des ouvriers bangladais surexploités.
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