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Politique de rupture oui, mais jusqu’où ?

27 janvier 2018, 07:41

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Il nous l’a encore confirmé cette semaine. Pravind Jugnauth ne compte pas dissoudre le Parlement, encore moins accorder des élections législatives avant les deux prochaines années. Avant de se présenter devant l’électorat – cette fois-ci comme Premier ministre – il entend «transformer le pays». Entre-temps, il a mis plusieurs marmites (il veut ranger les casseroles) sur le feu. Améliorer les fondamentaux de l’économie et relancer la croissance grâce à l’Economic Development Board – le nouveau one stop shop pour attirer les investisseurs et faire travailler le secteur public avec le privé. Faire la démonstration que le Metro Express demeure, malgré les protestations de la rue, un projet, certes ambitieux, mais réalisable. Réformer le système électoral (afin de respecter l’engagement pris à la fois devant l’Onu et la Cour suprême) et régler l’épineux problème de financement politique (dans une tentative d’assainir le jeu politicien). Libéraliser la télévision, faire respecter les règlements de l’IBA, et apporter la tant promise Freedom of Information Act...

Le chantier qui s’ouvre devant le leader du MSM est vaste. Mais, outre le fond, il a aussi la forme à soigner afin de donner une nouvelle image au gouvernement qui a été écornée par nombre de scandales (il n’y a plus lieu de les énumérer). Pour cela, il doit se débarrasser de ceux qui menacent sa carrière en raison de l’image négative qu’ils projettent. Après avoir sacrifié Ravi Yerrigadoo et Showkutally Soodhun, il semble vouloir s’attaquer à ses conseillers qui sont grassement payés. Le premier à mordre la poussière est Gérard Sanspeur, vite remplacé par un homme à l’aparence bien plus lisse, Charles Cartier, un inconnu au bataillon. A ce stade, on ne sait pas encore si Ken Arian va finir par remplacer Prakash Maunthrooa et/ou Rudy Veeramundar – alors qu’Azim Currimjee et le Dr Renganaden Padayachy viennent épauler l’équipe économique qui battait de l’aile. Comme porte-parole, même s’il ne l’a pas dit, il semblerait que le gaffeur Etienne Sinatambou va parler de moins en moins, alors que Soodesh Callichurn sera mis davantage en avant.

Mais la rupture n’est pas juste une question de conseillers et de proches collaborateurs. C’est tout une culture à changer – en peu de temps de surcroît. Pour cela, Pravind Jugnauth devrait se démarquer de son concurrent direct : Navin Ramgoolam, qui a été dopé par la victoire d’Arvin Boolell. Au Parti travailliste, le débat est clos : Ramgoolam va régner en maître et Boolell restera le Poulidor du parti. N’en déplaise au MMM qui continue à marteler que c’est la victoire du Poulidor, pas du leader. Or, on sait qu’à Maurice, les gens votent, depuis l’Indepéndance, davantage pour le parti que pour le(a) candidat(e). Sérieusement, pensez-vous qu’Arvin Boolell aurait été élu s’il était un candidat indépendant ? Dans le même ordre d’idées, si Nita Juddoo n’était pas une candidate mauve, pensez-vous qu’elle aurait pu battre Roshi Bhadain ou Jack Bizlall ?

En termes d’alliances stratégiques, Pravind Jugnauth pourrait peut-être se démarquer s’il arrive à se débarrasser des dinosaures qui peuplent son parti, à couper les liens incestueux entre le gouvernement et les socioculturels, et à faire appel aux jeunes compétents et en incluant davantage de femmes (de préférence compétentes aussi).

Après sa cuisante défaite de 2014, Navin Ramgoolam va-t-il prendre le risque de contracter une autre alliance, cette fois-ci avec le PMSD, avec le risque que cela chiffonne les membres de son parti qui, eux, lui sont restés fidèles ? Quant au MMM, qui essaie d’étouffer dans l’oeuf une contestation interne, et qui ne sait plus comment retrouver son électorat d’antan, il est clair que les Mauves sont dans une impasse. Renouveler les instances en gardant la même direction inamovible ne changera rien, à moins qu’une réelle autopsie de la défaite ne soit réalisée; Dr Satish Boolell, médecin légiste, aurait pu aider pour ce post-mortem. Pour les Bleus, s’ils veulent retourner sous l’ombrelle des Jugnauth, ils auront, désormais, à se contenter d’une place de backbenchers, alors que chez Ramgoolam, il est évident que les coqs sont désormais perçus comme des poids plumes qui sont susceptibles de froisser certains fidèles lieutenants du leader, qui ne le lâchent pas d’une semelle, que ce soit en cour ou autour du samadhi de SSR...

Face aux problèmes des autres leaders politiques, et face au fait que l’électorat (si tant que celui du numéro 18 soit représentatif du pays) n’est pas prêt à faire confiance aux visages et patronymes inconnus, Pravind Jugnauth, relativement jeune, s’il arrive à faire repartir l’économie et à faire revenir les investisseurs, a toutes ses chances. MedPoint pourrait l’affaiblir ou le dédouaner. Et le combat national pour reconquérir les Chagos pourrait galvaniser le peuple. À condition de mener à terme une vraie rupture avec le gouvernement de son père. Et que celui-ci arrête de dire qu’il pourrait revenir au PMO...