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Dynamique

C’est la question de la rentrée. L’économie est-elle en surchauffe ? Ou en ralentissement ?
À entendre les professionnels de la construction, c’est assurément la surchauffe. Carnets de commande gonflés, problèmes de personnel en vue. La question dans ce secteur n’est pas de savoir si les entreprises rempliront leur carnet de commandes mais comment elles satisferont à leurs engagements. La construction va porter l’économie en 2018, donnant au pays un air de relance soutenu par les travaux publics.
Pourtant, certains craignent un essoufflement. Faut-il vite les contredire ou mieux les écouter ? Ceux qui craignent un essoufflement sont ceux qui voient plus large. Au-delà des grands chantiers qui ont un début et une fin. Au vu des grands équilibres et des indicateurs qui défient le visible, tels que la productivité, l’inflation, le commerce extérieur. Ceux-là sont plus prudents, voire même inquiets.
Car derrière les chiffres, derrière le sacrosaint indicateur de croissance, se cache une île Maurice à deux vitesses. Et quand je dis deux vitesses, je ne parle même pas des riches et des pauvres. Non, celle-là, le salaire minimum et la Negative Income Tax s’en occupent. Je parle de l’économie des secteurs tournés vers le monde extérieur et celle des secteurs tournés vers le marché local.
Que veut dire «secteurs tournés vers le monde» ? Ce ne sont pas seulement des compagnies qui exercent dans l’exportation ou dans l’offshore, mais aussi des opérateurs qui, pouvant rapidement accéder à des fournisseurs ou solutions venues de l’étranger, ont quatre ou cinq concurrents dans le cercle immédiat.
Vous y trouverez un monde de personnes qui tournent souvent la tête. Au-devant ils y voient le comportement des consommateurs : exigeants, infidèles, négociant le moindre sou. Et derrière les concurrents prêts à prendre leur place. Se développe dans ces secteurs une attitude parfois dure. Des décisions difficiles à prendre. Surtout des engagements à tenir et des équipes à mobiliser en fonction de ces engagements.
De l’autre, un secteur d’entreprises qui évoluent en marché insulaire. Là, le rythme change. Les exigences aussi. Bienvenue dans le monde de la charge de clientèle qui attend toujours un document du client pour aller de l’avant, du guichet de service ou l’employé ne lève pas la tête de peur, ô oui ! de peur que son regard ne croise celui du client. Il faut trois relances pour un service ? Et alors ? Normal, non…
Et puis les Mauriciens sont conciliants. N’est-il pas avéré qu’un employé mal payé est un employé qui a une bonne raison de ralentir le rythme de tout le service ? Cette rhétorique, nous l’entendons si souvent que c’en est devenu une valeur tenue pour acquise par la majorité des Mauriciens. Le désengagement au travail, socialement justifié et validé.
C’est dans cette société qui nourrit de telles approches que les entreprises qui évoluent dans un plus vaste monde doivent recruter si elles veulent réussir. Elles recrutent des personnes qui, une fois en poste, seront censées développer des comportements proactifs, coopératifs, tournés vers la qualité… Aux entreprises de faire la réconciliation. Aux entreprises de réaliser le miracle de la productivité, sans la baguette magique de l’engagement.
N›est-ce pas cela le miracle économique que nous avait promis le gouvernement et qui ne s’est jamais produit ?
Pour l’heure, que les optimistes soient rassurés, nous aurons en 2018 un boom de la construction, soutenu par des travaux publics nécessaires. Nous aurons aussi une certaine relance de la consommation soutenue par les dépenses de ceux qui, au bas de l’échelle, obtiendront des allocations et salaires minimums. La conjoncture reste favorable.
Plus loin, à défaut d’un prochain boom venu d’ailleurs, la question de la pérennité du modèle économique mauricien reste entière. Tôt ou tard, à défaut de boom, la question d’engagement et donc de désengagement se posera. Pour ceux qui craignent ce moment d’introspection nationale, un réconfort. Ils ne seront pas seuls dans l’expérience de remise en cause. La dernière sortie en librairie au rayon économie s’intitule : «Why liberalism failed» de Patrick Debeen.
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