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Zuma a-t-il brisé le rêve post-apartheid ?

18 février 2018, 07:34

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Laissons, pour un instant, aboyer nos chiens insulaires et poursuivons notre exaltante route journalistique avec la caravane anticorruption qui est en marche en Afrique... Cette semaine a surtout été marquée par la démission (retransmise en direct) du président sud-africain le plus contesté depuis la fin de l’apartheid. Après avoir longtemps résisté et tenu le pays en haleine, Jacob Zuma, un des compagnons d’armes de Nelson Mandela, a dû jeter l’éponge. Il a été, enfin, rattrapé par les nombreuses affaires qui ont jalonné ses deux mandats.

Si on savait tous que l’arrivée de Cyril Ramaphosa à la tête du Congrès national africain (ANC) allait changer la donne, tout le monde pensait que le parti allait quand même laisser Zuma finir sa présidence avant de présenter Ramaphosa au scrutin de 2019. Mais les choses se sont précipitées car le peuple n’en pouvait plus avec la série ininterrompue de scandales. La corruption a pratiquement tout gangrené en Afrique du Sud, les institutions sont presque à genoux, et il fallait envoyer un signal fort aux sympathisants de l’ANC. Sans une politique de rupture, toutl’espoir suscité par la fin de l’apartheid allait tomber à l’eau. Entraînant vers l’abîme tout le parti de Mandela, au pouvoir depuis 1994...

«J’ai décidé de démissionner du poste de président de la République avec effet immédiat, même si je suis en désaccord avec la direction de mon organisation», a déclaré Zuma, qui a gouverné l’Afrique du Sud pendant presque une décennie. Ses deux mandats ont été émaillés de plusieurs scandales de corruption, fraude et même de viol. Mais en bon populiste, il a su conserver le soutien de sa base. En janvier, il avait tenté une opération nettoyage en changeant la direction du géant public sud-africain de l’électricité, Eskom. Mais les récentes mesures prises à Eskom pour renforcer la bonne gouvernance, éradiquer la corruption et restaurer sa santé financière n’ont pas pu sauver Zuma, sacrifié pour sauver l’ANC en 2019.

C’est en 2006 que les frasques de Zuma deviennent publiques. Mais il a le bras long. Et fort de ses appuis politiques, les poursuites engagées par la Haute cour de Johannesbourg relatives à une affaire de viol sont abandonnées pour vice de procédure. Il est acquitté. Cette affaire est néanmoins médiatisée, car la jeune femme de 31 ans est séropositive. Si le tribunal estime que les rapports entre les deux partenaires adultes sont consentants, c’est la déclaration de Zuma qui est, en soi, un scandale dans un pays où le taux de VIH demeure alarmant. À ses compatriotes, Zuma explique qu’il s’est douché après le rapport sexuel pour éviter toute contamination par le virus ! Une déclaration qui secoue non seulement l’Afrique du Sud, mais tout le continent africain. Cette grotesque histoire de «douche-sida» a inspiré Zapiro, le plus célèbre dessinateur de presse en Afrique du Sud, qui a croqué, pendant des années, le président surmonté d’une pomme de douche...

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Le vent du changement souffle. Monsieur et Madame Zuma sont aux oubliettes en Afrique du Sud, comme les Mugabe au Zimbabwe et le clan Dos Santos en Angola. En Éthiopie, le Premier ministre Hailemariam Desalegn vient aussi de démissionner face à la colère populaire – une première là-bas. Si la série de démissions est salutaire pour la démocratie, ce n’est qu’à Maurice qu’on refuse toujours, par bulletin secret, la démission de ces chefs de parti inamovibles, à l’instar de Paul Bérenger...