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Temps orageux

28 février 2018, 03:49

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Le scénario sera-t-il le même aujourd’hui? Une matinée plutôt ensoleillée, puis un ciel qui s’alourdit et vers trois heures, le déferlement de pluie et d’orage…

Rien d’étonnant, m’avouerez-vous pour une journée de plein été, de février. Si ce n’était cette récurrence quasi prévisible qui donne au pays des allures de forêt équatoriale plutôt que de paradis tropical. Des phénomènes qui, aux yeux des climatologues n’ont rien d’étonnant. Il fait plus chaud. Le cycle évaporation-précipitation s’accélère. L’Europe a elle aussi connu son lot d’inondations. Des pluies récurrentes sont à prévoir sur toute la planète.

Selon une étude publiée par la revue Climate le 29 janvier, dans le scénario le plus optimiste, les dommages causés par les débordements de cours d’eau en Europe vont plus que doubler, à environ 15 milliards d’euros par an, selon les chercheurs. Et le nombre de personnes affectées par les inondations augmenterait de 86 %, soit environ 650 000 personnes par an. Mais en cas de hausse des températures de 3 °C, les dommages monteraient de 145 % à environ 17 milliards d’euros par an et 780 000 personnes seraient touchées (+ 123 %).

Ici, pas de chercheurs pour chiffrer l’impact des pluies actuelles. Encore moins de chercheurs pour émettre des prévisions. Les Mauriciens épongent leurs maisons en silence, sachant ou ne sachant pas qu’ils pourraient être deux fois plus nombreux à le faire dans les prochaines années. Entretemps, les assurances habitation pour les Mauriciens se recalculent aussi au fil des inondations à répétition. La faute, il est vrai en partie aux drains fantômes et à un mode de gestion défini par l’abandon et le moindre coût. Les pluies demeurent, pour leur part, réelles et répétitives. La destruction durable qui échappe pour l’heure aux statistiques mais pèse sur le capital économique des individus directement impactés par la détérioration de leurs biens.

Dans les milieux dirigeants, on relativise. Cet été raté n’est que circonstanciel. Le temps ne se commande pas, tout juste se prédit-il, et encore ce n’est pas une science exacte. Dans un monde de développement tous azimuts, regarder le ciel est presque signe de mauvaise foi. Alors on continue à faire nos modèles comme si de rien n’était. Ou plutôt les yeux rivés sur deux chiffres : la croissance et le benchmark. La croissance étant, pour sa part, le rêve futur. Le rêve que les problèmes de pauvres se règleront par l’augmentation spontanée des ressources, épuisables ou pas. Et le benchmark : que le rêve passé se reproduise, quand bien même il serait construit sur des modèles qui n’existent déjà plus, faute de ressources naturelles pour les soutenir. Nous tentons de rattraper un niveau de bien-être économique auquel les pays qui l’ont atteint ont euxmêmes grand-peine à s’en détacher.

C’est dans ce contexte surréaliste que nous appelons le paradigme économique dominant. Difficile d’y échapper puisqu’effectivement de par sa dominance, il use de toutes les ficelles de la domination pour perdurer. Avec l’aide des structures dominantes actuelles que sont les alliances entre les politiques et les leaders économiques.

Le monde cherche une alternative à ce modèle, sans l’avoir trouvé. Le discours change cependant. Le 22 février dernier, les fonctionnaires de l’Union européenne ont entendu un discours de Federico Demaria, un expert de la décroissance, dans un contexte de préparation à ce nouvel ordre économique et écologique. Signe que le discours jusqu’alors périphérique gagne les institutions à petits pas.

Le rythme des changements climatiques étant plus rapide que celui du changement de discours, il est possible que les Mauriciens aient à prendre eux-mêmes la responsabilité d’adapter leur mode de vie aux circonstances avant que le leadership les y ait préparés.

Le projet Maurice île durable a été avalé en une bouchée. Celui du Mauricien durable reste à se construire, avec ou sans le leadership visionnaire.

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