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Une présidente démonétisée

1 mars 2018, 07:18

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Ameenah Gurib-Fakim devrait elle rester en poste maintenant que les preuves de son association pécuniaire avec Sieur Álvaro Sobrinho sont du domaine public ? Une présidente de la République qui réalise des transactions financières avec un individu à la réputation suspecte sur le plan international (lequel individu étant à la recherche de permis comme investisseur) peut-elle encore nous représenter au plus haut échelon de l’État ? D’autant que les 50 ans d’Indépendance sont derrière la porte et que Maurice a grandement besoin d’une rupture avec ces pratiques politiciennes non transparentes.

Si l’express n’avait pas eu accès aux documents bancaires, aurait-on pu confirmer ce qui se chuchotait depuis longtemps déjà ? Malgré des menaces de poursuites de Sobrinho (papier timbré avec des réclamations de Rs 150 millions de dommages) ou des intimidations ministérielles – par Ivan Collendavelloo qui affirme que Sobrinho est un investisseur correct uniquement parce qu’il l’a lu dans ses yeux – à ce registre Collendavelloo est aussi piètre voyant que Christine Daguy…

Avec les affaires Sobrinho, l’image non seulement de la présidente, mais de toute la présidence (et partant du pays) a été écornée, surtout avec les pressions du château de Réduit pour forcer l’accès du milliardaire angolais et de sa clique dans nos salons VIP à l’aéroport. On a deux choix : soit on exige sa démission au nom de la moralisation de la vie publique, soit on passe une nouvelle fois l’éponge car on ne veut pas gâcher les célébrations de l’Indépendance et de la République ; et on vit avec. Comme Collendavelloo, qui est obligé de vivre avec sa terrible déclaration sur Sobrinho : «Bann difamasion lagazet kapav amenn a bann pourswit. Fodé pa nou fer ditor a zimaz nou péi é fer bann investiser per…Kan monn zwen misié Álvaro Sobrinho, li pa ti paret enn voler.» Celui qui jadis se la jouait Mr Clean devient muet aujourd’hui – du moins face à nos questions sur son choix présidentiel.

Si on tente, une nouvelle fois, de rejeter le tort sur la presse – en niant notre droit d’informer et votre droit de savoir – ce serait une bien triste image pour notre pays que d’avoir à cautionner, sur l’autel des relations entre le MSM et le ML, pareille relation entre affairistes de haut vol au sommet de notre État.

Le 30 mai 2015, l’express saluait la nomination d’Ameenah Gurib-Fakim en ces termes : «C’est un vrai changement, une avancée démocratique majeure pour la cause de la femme mauricienne, un progrès politique. Sur le calendrier, cela ne pouvait tomber mieux. Pour les femmes et les mères d’abord, dans le cadre de la Journée internationale d’action pour la santé de la femme, observée cette semaine, et de la fête des Mères ce weekend. C’est une juste reconnaissance de la contribution et des compétences de la gent féminine, d’autant que la chercheuse de renommée mondiale ne mérite pas sa place au sommet de l’État en raison de son «genre» ou de son appartenance communautaire uniquement, mais surtout grâce à ses travaux académiques (qui riment avec méthodologie et rigueur) et son engagement citoyen. Dommage qu’elle n’aura pas davantage de pouvoirs décisionnels ; elle aurait certainement éclipsé plus d’un ministre.»

Aujourd’hui, avec le recul, et les documents bancaires, on devrait nuancer en disant : heureusement qu’elle n’a pas eu trop de pouvoirs décisionnels car Álvaro Sobrinho aurait déjà pu être citoyen mauricien, voire fait Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean…

Ameenah Gurib-Fakim aurait pu être un moment de sursaut pour Maurice et pour toutes les Mauriciennes. Elle aurait pu nous emmener encore plus loin pour repousser nos craintes et nos limites. C’est pourquoi nous nous adressons directement à elle (malgré son refus de répondre à nos maintes sollicitations depuis mardi) : pourquoi avoir cédé aux avances de Sobrinho, Madame ? Pourquoi !