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Théorie

On ne le prenait pas au sérieux. Le président des États- Unis, Donald Trump, va cependant mettre en oeuvre sa décision de lever les droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium. Quitte à s’attirer les foudres des institutions internationales et des économistes. Le FMI prévient que, dans le cas d’une surenchère sur les droits de douane, une valeur équivalente à 470 milliards de dollars pourrait échapper à l’économie mondiale.
La théorie qui inspire les politiques internationales depuis la fin du XXe siècle est celle du libre-échange comme moteur de création de richesses. Elle suppose qu’en éliminant les obstacles à l’importation, les bénéfices qui reviennent aux consommateurs avec des prix plus bas dépassent de loin les avantages qui reviennent aux entreprises dont la production est protégée par des tarifs douaniers et au gouvernement qui récolte ces droits de douane sous la forme d’impôts. Cette théorie s’est révélée juste au vu de la façon dont le monde a comptabilisé ses richesses : sous forme de produit intérieur brut (PIB).
Trump ose cependant la mener, cette guerre. Quitte à provoquer des incompréhensions sur sa politique économique. La guerre de l’acier est une guerre politique qui vise à favoriser les électeurs du Rust Belt qui l’ont soutenu. Il place son objectif social et électoral au-devant de la simple logique de croissance. On peut aussi souligner une conséquence indirecte de cette décision qui est de promouvoir les circuits industriels courts, beaucoup plus écologiques. Même si ce n’était pas l’intention première de Trump.
Pour revenir au contexte mauricien, l’adoption enthousiaste de la théorie du libre-échange a transformé notre économie. L’augmentation du niveau de vie lors des trente dernières années est indéniable au vu de la hausse du PIB. Pourtant, l’adoption durable de cette théorie peutelle continuer dans les prochaines années à donner au pays la prospérité souhaitée ?
Au vu des chiffres sur les investissements étrangers et privés, on saisit aujourd’hui les effets de l’application enthousiaste de cette théorie du libre-échange : un surinvestissement dans l’immobilier et l’hôtellerie, au risque de protestations sociales répétées; conjugué à un effacement du secteur manufacturier local d’abord et international ensuite. L’industrie manufacturière n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était. Les industries locales qui ont survécu bénéficient encore d’un certain degré de protection. Les patrons clament ouvertement que toute tentative de lever les dernières barrières tarifaires signerait leur arrêt de mort.
Ce malaise qui a touché le secteur manufacturier se propage aujourd’hui au secteur sucre. S’il fallait, du point de vue d’un observateur étranger, jauger des chances de ce secteur, on ne miserait pas grand-chose sur sa survie. La logique est simple : la topologie de notre île, avec des espaces étroits truffés de microclimats, en zones parfois pentues, n’a rien de comparable avec celle des pays africains où la terre est plate, uniforme et abondante, propice aux économies d’échelle. Dans la pure logique de la théorie du libre-échange, le secteur sucre devrait disparaître… Tel est le cas à Hawaï, où les habitants, heureux de faire partie des États-Unis, se sont reconvertis au prix d’un déménagement probable en Californie.
Ici, nous tentons désespérément d’inventer notre Silicon Valley. Sans grand succès, au vu des chiffres d’investissement minimes dans ce secteur en comparaison de ceux affectés à l’immobilier.
Dans ce contexte, peut-on se permettre de s’accrocher à une théorie ? Peut-on durablement accepter un appauvrissement de nos compétences, un rétrécissement de nos activités de production au nom d’une théorie ? Ne devrions-nous pas nous réapproprier les spécificités locales d’un développement que nous souhaitons durable ? Ne devrions-nous pas commencer à envisager la richesse sous un angle plus vaste que celui du seul PIB ?
L’avenir du sucre et de l’industrie à Maurice dépendra de notre capacité à nous réapproprier les enjeux locaux, sociaux, et à développer une définition plus large de la richesse que celle du seul PIB.
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