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Notre Ebola à nous
L’Afrique fait face à une nouvelle crise d’Ebola. Cette fois-ci c’est au Congo, et même si le déploiement efficace de moyens pour combattre cette épidémie a été beaucoup plus rapide que lors de la dernière grande menace en Afrique de l’Ouest en 2014-2015(11 000 morts), le défi cette fois est que les premiers cas congolais ne sont pas dans de petits villages isolés, mais dans une ville, Mbandaka, d’un million d’habitants. D’autant que cette ville est en bordure du grand fleuve Congo qui mène, 600 km en aval, à Kinshasa (13 millions d’habitants) et, sur la rive opposée, à Brazzaville (1,8 million d’habitants).
On peut dire que le risque, cette fois, est que la maladie ne devienne, avec l’aide du fleuve Congo, «mainstream», c.-à-d. un courant dominant.
Cette situation pénible et potentiellement dévastatrice pour les Congolais, voire les Africains, me faisait penser à notre situation équivalente à Maurice. Je ne parle, dans notre cas, ni d’Ebola, ni même de dengue, mais de corruption accélérée de nos normes. Pour la dengue, il faut, d’ailleurs, une fois de plus saluer l’excellent service de prévention du ministère de la Santé, qui tient l'infection virale, pourtant bien présente à la Réunion (plus de 4 200 cas en 2018 !), hors de nos frontières jusqu’ici !
Cependant, pour la corruption de nos normes, l’épidémie s’étend, d’année en année, avec le risque que cela ne devienne bientôt «mainstream» aussi. Peut-être même irréversible. Et fatal pour nos aspirations diverses…
Ne nous leurrons pas : toutes les sociétés du monde affichent des cas de corruption de tous genres. De Chirac à Sarkozy, des Birmingham Six à Jimmy Savile, de Weinstein à Trump, de Bo Xilai à Park Geun-hye, de Ramalinga Raju à Abishek Verma, les normes sont dégradées, la corruption s’affiche. D’imposantes études font la comparaison des pays et des cultures pour essayer de cerner les causes, mais la centralisation communiste de la Chine, doublée d’une campagne forte et soutenue de Xi contre la corruption, ne semble pas avoir, jusqu’ici plus de succès que la transparence supposément fournie par le jeu démocratique et la presse libre indienne. La corruption n’est pas une affaire de culture ou de système, puisque parmi les pays les moins corrompus, on trouve tous les pays scandinaves, certes, mais aussi des pays du Commonwealth (Canada (8), Nouvelle- Zélande (1)) plus propres que leur pays de peuplement d’origine (14) et aussi un pays asiatique, Singapour (6). Hong-Kong (17) est à plus de 60 rangs devant la Chine (80) ! Ce n’est pas non plus une question de richesse naturelle puisque Maurice (54) précède l’Arabie saoudite (57) ou le Koweït (85). Les Émirats (UAE) sont, par contre 21e et un pays qui débutait son existence avec des bagnards, l’Australie, s’est, depuis, forgé une 13e place sensationnelle…
Si la culture, le système, même l’histoire ne peuvent expliquer la corruption, il faut peut-être conclure vraiment que la corruption est tributaire du laxisme des dirigeants et, qu’a contrario, les pays dont la gouvernance est solide ou en amélioration bénéficient de dirigeants qui font plus que promettre et parader, mais qui dans le quotidien s’investissent massivement et de manière crédible dans la guerre à la corruption des normes. N’est pas Theodore Roosevelt ou Lee Kuan Yew qui veut…
Clairement, on ne peut pas dire que nos dirigeants depuis l’Indépendance, aient fait du combat contre la corruption des normes une priorité ! Personne n’a été intransigeant et tous ont, à divers moments, fermé les yeux sur des accommodements qui leur facilitaient la vie, donnant ainsi le mauvais exemple. Du «crossing of the floor» contre promesse de maroquin ministériel qui débutait avec SSR, au festival de la terre de SGD qui favorisait ses mignons, du Sun Trust à Dufry, de Bangaleea aux Rs 15 millions de Dayal, de Choomka à BiscuitGate, de Daby/Badry aux factures impayées de Soodhun, du pandit Sahadeo à Mme Soornack, on ne peut pas dire que nos dirigeants ont souhaité beaucoup nous améliorer à ce chapitre. Parfois, il s’agissait de décisions pourries propres à eux, parfois ils se retrouvaient dans la nasse pour s’être entourés de personnages plutôt faisandés. En parallèle de ces incidents qui jalonnent notre lente descente aux enfers, il y a bien plus grave, soit le noyautage systématique des institutions de l’État avec pour résultat qu’à chaque changement de gouvernement, on ne nomme plus des hommes capables d’indépendance d’opinion, mais des «yes men» parfaitement heureux de remuer de la queue quand le prince fait connaître sa volonté. Qui peut compter sur l’IBA s’il veut protester contre des décisions ou les orientations de la MBC ? La police, si friande de charges provisoires quand il s’agit de membres de l’opposition, a-t-elle jamais exprimé le même zèle pour des membres du pouvoir ? Les recrutements et les contrats sont, argue-t-on souvent, donnés à ceux qui ont le «bagage» nécessaire et souvent même après satisfaction de toutes les procédures – mais qu’est-ce qui explique donc que certaines familles trouvent satisfaction et ne sont sélectionnées qu’en corrélation presque parfaite avec la présence de «leur réseau» au pouvoir ?
Nous aurons fait du progrès contre notre Ebola à nous quand M. Mungroo pourra gagner un contrat de transport sous règne travailliste et Mme Soornack pourra avoir des chances égales à celles des autres comme entrepreneur, sous règne MSM. Sans avoir à changer de casaque comme M. Gooljaury. Nous pourrons aspirer à progresser dans l’oeil du monde et, surtout dans nos propres consciences, quand plus personne n’osera nommer quelqu’un de non indépendant à l’Electoral Supervisory Commission, ou à l’ICAC, ou à la Banque centrale ou à la FSC, ou comme DPP ou dans toute autre fonction où le nominé doit agir «in his own deliberate judgement» d’homme libre, pour le pays d’abord. Pas pour le parti ! Nous saurons côtoyer les pays scandinaves, la Nouvelle- Zélande, Singapour, le Canada ou Hong Kong dans l’indice de Transparency International quand nous cesserons de voter pour ces dirigeants qui nous dévaluent et que nous les remplacerons par des hommes intègres, soucieux de l’Égalité des chances, contents de se contraindre, eux-mêmes et les leurs, si c’est nécessaire, pour faire avancer la cote du pays.
Mais le souhaitons-nous seulement ? Ou va-ton laisser se propager, par faiblesse ou par volonté personnelle, notre Ebola à nous jusqu’à ce qu’il nous fasse, tous, saigner des fièvres hémorragiques qui accéléreront la fuite des cerveaux, qui feront détaler les capitaux «propres», qui entacheront à tout jamais notre image de «paradis», qui nous couvriront de honte quand nous aurons, un jour, à répondre de nos démissions à un de nos petits-enfants ?
Il reste suffisamment de poches de résistance et de décence dans ce pays, à la police, au judiciaire, dans les journaux, dans la société civile… pour faire reculer l’épidémie. Mais Il faut s’y mettre rapidement et s’engager de manière forte ! Sinon l’Ebola va atteindre une masse critique, passer dans la culture nationale, se propager le long du ruisseau devenu fleuve et nous détruire.
M. Cowreea et Melle Peerun voudraient-ils être les premiers, après Mme Ori, à s’interroger sur la pertinence de leur présence à l’Electoral Supervisory Commission ? Ou à faire la démonstration de leur indépendance ?
Il s’agit de nos élections libres, merde !
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