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L’essentiel
Sans doute, Pravind Jugnauth aura-t-il réussi l’essentiel : réduire la pression populaire avec la baisse des prix des carburants après une majoration ; apporter des solutions ponctuelles aux secteurs économiques en crise (la manufacture et le Global Business en attendant le sucre demain) ; redonner espoir aux jeunes chômeurs et permettre à la classe moyenne de prendre un bol d’air frais.
Certes, on peut se poser des questions sur le fil conducteur du troisième Budget du ministre des Finances, son absence de vision et son incapacité à transformer structurellement l’économie. Des critiques associées jusqu’ici à cet exercice budgétaire et qui, soit dit en passant, ne sont pas totalement injustifiées.
Peut-être faut-il relativiser et voir dans la démarche budgétaire de Jugnauth fils une volonté de faire évoluer le «business model» du pays, comme il le disait dans une récente interview, pour ne pas rester prisonnier des normes passéistes et ainsi pouvoir agir.
S’il épouse le libéralisme économique qui, dit-il, s’impose comme une réalité mondiale à tous, il veut parallèlement démontrer l’égalité des chances dans le fonctionnement économique et la promotion d’une culture que seul le travail permettra de réaliser pour grimper l’échelle sociale.
Dans ce sens, on peut raisonnablement avancer que le Budget national 2018-19 s’appuie sur une réflexion stratégique, celle privilégiant une distribution de la richesse et permettant aux défavorisés de la société d’aspirer à des lendemains qui chantent. Il n’invente rien. C’est ce qu’on attribue généralement à l’instrument budgétaire.
Les trois Budgets du Grand argentier ont peut-être un point commun : celui de combattre la pauvreté à travers l’éducation et les logements sociaux mais aussi par le biais du levier fiscal à l’instar de l’impôt négatif introduit l’année dernière. Reconnaissons-le toutefois : en introduisant une dose de progressivité dans l’actuel système fiscal, Pravind Jugnauth remet en cause la grande réforme de Rama Sithanen de 2007, qui avait néanmoins le mérite d’épargner du filet fiscal les salariés touchant jusqu’à Rs 21 000 mensuellement.
Cependant, en introduisant un taux d’imposition uniforme de 15 % «across the board», l’ex-ministre des Finances privilégiait une injustice fiscale. Car on ne peut pas demander à un CEO d’une multinationale engrangeant un package de Rs 2 millions mensuellement de s’acquitter de son impôt sur le revenu au même taux qu’un simple employé du bureau avec un salaire mensuel de Rs 30 000. Même si certains diront que le CEO contribue davantage à la caisse du gouvernement vu son salaire élevé, au final ce système ne fait qu’amplifier les inégalités sociales.
Aujourd’hui, Pravind Jugnauth remet à plat ce système en ciblant particulièrement la classe moyenne, après l’impôt négatif et le salaire minimum pour les gens de la classe dite défavorisée. Ses membres, pris en sandwich entre la classe aisée et celle au bas de l’échelle, sont désaffectés, subissant durement les effets de la crise – un phénomène planétaire après la crise financière –, incapables de grimper l’échelle et suffisamment vulnérables pour sombrer dans l’appauvrissement. La décision d’économiser fiscalement jusqu’à Rs 18 000 par an pour ceux touchant mensuellement Rs 50 000 constitue certainement une solution à leurs difficultés, sans compter la possibilité de prendre un prêt bancaire sans contrepartie.
Loin de faire les louanges de Pravind Jugnauth et de cautionner certaines de ses dérives, sa philosophie budgétaire recherchant une équité fiscale pour éviter que les inégalités entre les classes sociales ne se creusent davantage mérite au moins d’être soulignée. On ne sait si c’est par conviction politique ou idéologique mais il est convaincu d’une chose : que la croissance soit inclusive et ses fruits équitablement partagés par la population. Et que ceux qui ont les moyens financiers doivent dans un effort de solidarité donner un coup de pouce à ceux qui sont restés au bord de la route.
Pour le reste, l’histoire s’en chargera…
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