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Gâteau national: qui tient le couteau et qui prend quoi ?!

16 septembre 2018, 07:45

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Sur le plan purement financier, le deal entre le Dr Krishan Malhotra et le groupe NMH, aux Seychelles, n’a rien d’exceptionnel. Il y a, comme dirait mon banquier, un «willing buyer» et un «willing seller». Circulez. Mais… Pas si vite. Sur le plan politique et journalistique, ce deal réunit les ingrédients d’un cocktail dont on ne peut faire l’économie.

Quid de tous ces discours relatifs aux entremêlements des mêmes élites politiques et économiques dans une petite économie comme la nôtre ? Ne faudrait-il pas voir cet aspect ?

Certes, alors que nous célébrons les dix ans de la crise financière mondiale qui a chamboulé pas mal de choses, la démocratie libérale demeure un bien en soi ; mais elle a aussi un rôle critique à jouer dans l’économie afin de contribuer, un tant soit peu, à réduire les inégalités, briser les cartels, promouvoir la transparence, favoriser l’innovation et l’émergence de nouveaux acteurs, bref de démocratiser l’économie telle qu’elle existe. (Petite parenthèse pour préciser que nous sommes contre cette forme de «démocratisation de l’économie» qui a produit des Nandanee Soornack et des Rakesh Gooljaury. C’était de l’affairisme d’État.)

Tous les magazines économiques font, ces joursci, des rappels de la chute, il y a dix ans de cela, de Lehman Brothers, qui marque le début de la plus grande crise financière depuis la Seconde Guerre mondiale. Dix ans après, se demande-t-on, en quoi le système financier mondial a-t-il changé ? Est-ce une illusion de croire à une économie plus juste si on refuse de critiquer le système économique dominant ?

L’économie, telle qu’elle est organisée avec ses acteurs, produit tant d’inégalités, et notre démocratie donne l’impression d’avoir été bâillonnée. C’est un problème mondial. La concentration du pouvoir financier et politique a fini par transformer notre démocratie en une fade et impuissante copie d’ellemême, observe Thomas Piketty. S’appuyant sur des statistiques puisées du Big Data, la thèse de Piketty provoque un débat important sur les inégalités. Cette recherche se fonde sur la concentration de richesse par les plus privilégiés et sur les disparités de distribution de revenus et de patrimoine. C’est un débat essentiel pour passer d’une économie intermédiaire à une économie à haut revenu. En ce sens, la question de la concentration des pouvoirs et celle des inégalités soulèvent des questions clés : qui prend quoi dans le gâteau produit par une société ? Qui tient le couteau ? Qui distribue les parts ? Qui sont les intermédiaires ?

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Pour répondre à ces questions fondamentales de l’économie politique, il faut disposer d’une information rigoureuse et transparente sur les revenus et les patrimoines. C’est dans cette direction que nous voulons pousser. En 2009, le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, se demandait ce que la crise avait permis de changer dans la manière dont l’économie fonctionne : «Y a-t-il une prise de conscience que le capitalisme actuel, qui consiste à privatiser les profits et mutualiser les pertes, n’est pas un capitalisme qui assure le bien-être des populations du monde entier ?»

Plusieurs économistes avancent que la crise de 2008 nous a surtout permis de traiter les symptômes mais pas les éléments fondamentaux : «Essentiellement l’aggravation de l’inégalité des richesses.» Selon eux, la crise n’a pas provoqué l’électrochoc espéré parmi les décideurs politiques. «Face à l’indignation suscitée par le sauvetage des banques, les gouvernements en Europe ont fait le choix du cynisme : en retournant la colère citoyenne contre les migrants, les plus vulnérables d’entre tous. En soufflant sur les braises du populisme, ils ont relancé un feu qui pourrait rapidement devenir incontrôlable et replonger l’Europe dans ses heures les plus sombres…»

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La démocratie, durablement en crise à travers le monde, est en permanence testée encore un peu plus. Les limites de ce système politique dominant, vanté depuis la chute du mur de Berlin (comme la seule alternative au communisme, au fascisme et au nazisme), sont mises en scène, à taille réelle, dans d’importants pays comme l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.

En Europe, l’extrême droite se rassemble pour lancer une alliance eurosceptique. Cela illustre non seulement que les leaders politiques s’avèrent incapables de tenir parole – tant le système et ses leviers de pouvoir leur échappent de plus en plus – mais ils se voient contraints de couper les prestations sociales d’hier, sous la pression des forces supranationales, ou pour rester compétitifs par rapport à la logique mondiale du libre marché. Bien des penseurs contemporains estiment que la crise financière et les taux inquiétants de chômage qui en ont résulté ont de fait rompu le contrat qui liait l’électeur aux politiques. Et aujourd’hui même, les anticapitalistes avouent que le seul remède possible aux maux actuels de la démocratie demeure une croissance suffisamment forte afin de faire reculer le chômage et augmenter les revenus de l’économie réelle. Les utopies ne paient pas les factures.

Mais au-delà des solutions ponctuelles, il nous faut agir afin de redonner foi aux partis politiques et partant à la démocratie. C’est vrai pour plusieurs systèmes démocratiques ; dont Maurice, où le débat commence et s’arrête sur la continuation ou la discontinuation de la dynastie de quelques patronymes, qui tiennent en otage la réforme électorale tant promise. Si la démocratie est indéniablement le produit de la modernité, il importe donc de lui donner un coup de neuf, en misant par exemple sur plus de transparence et de bonne gouvernance. La réforme électorale devrait à la fois permettre une révision du rôle des partis traditionnels, mais également une réforme du financement de ces partis. Par exemple ; si on connaissait les noms des généreux donateurs, on pourrait comprendre comment fonctionne la démocratisation de l’économie à la mauricienne. Notre démocratie, comme celle de bien d’autres pays, est peuplée d’affairistes qui ne pensent qu’à leurs intérêts. Il lui manque un nouveau cadre, de nouveaux démocrates, bref de nouveaux joueurs sur le terrain…

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Sur le plan moral, toutefois, un pays comme Maurice est-il en droit de blâmer ses enfants qui ne reviennent pas en sachant que les règles régissant le marché du travail – que ce soit dans le public ou le privé – sont faussées à la base ? Et ce, grandement à cause de l’ingérence politicienne et de certains réflexes claniques qui n’ont, hélas, pas évolué avec le temps.

On le sait, mais on ne fait pas grand-chose pour inverser la tendance : la fuite des cerveaux provoque des effets négatifs – insoupçonnés et incalculés – sur notre croissance et notre développement économique. L’émigration mauricienne tend à s’accélérer, aujourd’hui, en raison de cette mondialisation qui paupérise les pays vulnérables comme le nôtre, en forçant nos meilleurs diplômés ou travailleurs à l’exil. Le réel débat aurait dû être d’ordre économique : c’est-à-dire mesurer l’impact des vagues migratoires sur notre économie. C’est important que nous le fassions, car les compétences acquises par ceux qui s’en vont vivre sous d’autres cieux (souvent aux frais des budgets publics d’enseignement supérieur) ne sont pas utilisées chez nous.